«Dieu est aussi notre mère»

Statue de Julienne de Norwich, créée par David Holgate en 2000, devant la cathédrale de Norwich / ©Poliphilo, CC0, Wikimedia Commons
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Statue de Julienne de Norwich, créée par David Holgate en 2000, devant la cathédrale de Norwich
©Poliphilo, CC0, Wikimedia Commons

«Dieu est aussi notre mère»

Mystique
Dieu ne se réduit pas à l’image masculine que la tradition en fait. Sa maternité est avérée, affirme Julienne de Norwich, mystique médiévale anglaise.
Comme il est vrai que Dieu est notre Père, il est également vrai que Dieu est notre Mère. Il dit en effet: ‹Je suis la puissance et la bonté du Père; je suis la sagesse de la Mère; je suis la lumière et la grâce qui est amour heureux; je suis la Trinité; je suis l’Unité.
Julienne de Norwich, Révélations de l’amour divin (XIVe–XVe)

Dieu, notre Mère? Ces dernières années, un tel langage a pu stupéfier dans les Eglises. Mais il n’a en fait rien de novateur… Une femme mystique de l’est de l’Angleterre, dont la vie s’est étendue de 1342 environ à 1416, le développait déjà. Elle, c’est Julienne de Norwich. Cette femme vit en recluse, c’est-à-dire dans la solitude, à l’écart du monde. En 1373, elle reçoit une série de seize visions ou révélations, dont elle dictera plus tard le récit.

Pour Julienne, Dieu n’est qu’amour, débordant de bienveillance et de grâce. Une pensée dense, qui n’a rien de mièvre ni de simpliste, mais qui la met en tension avec l’enseignement de l’Eglise de son temps. Ses textes spirituels sont d’ailleurs très théologiques, même si elle n’a jamais étudié la théologie à proprement parler. Et pour la qualité de sa plume, on l’a aussi surnommée la «première femme de lettres anglaise».

Dans la vie de Julienne, le Christ tient une place centrale. Une place qu’il occupe aussi dans ses écrits. Elle le saisit non pas comme un objet de savoir, mais comme celui qui l’aime: le Christ révèle un Dieu non pas qui punit, mais dont la manifestation n’est que miséricorde. Pour elle, le Seigneur est «tout amour dans l’amour». Cette certitude, la mystique anglaise la développe de manière audacieuse, en consacrant plusieurs chapitres à la maternité de Jésus Christ. Elle va jusqu’à écrire: «Jésus Christ, qui a vaincu le mal par le bien, est notre véritable mère: nous recevons notre ‹être› de lui. C’est ici que commence sa maternité. Et la douce protection et la garde de son amour ne cesseront jamais de nous entourer.»

La douce protection et la garde de son amour ne cesseront jamais de nous entourer

Dimension féminine de Dieu

A la différence des auteurs bibliques, Julienne ne recourt pas seulement à des métaphores ou à des symboles pour décrire la dimension féminine présente en Dieu: pour elle, Dieu est la mère de ceux et celles qui croient en lui. Et cela, dans une logique trinitaire: «Par le consentement unanime de toute la Sainte Trinité, Dieu a voulu que le Christ devienne notre Mère.» Elle poursuit: «Il est donc logique que Dieu, étant notre Père, soit aussi notre Mère. Notre Père veut, notre Mère opère, et notre bon Seigneur, l’Esprit Saint, confirme. Il nous convient donc de louer Dieu pour nous avoir créés, de prier ardemment notre Mère pour obtenir miséricorde, et de prier notre Seigneur, l’Esprit Saint, pour obtenir aide et grâce.»

Des paroles qui font autorité: Julienne est reconnue comme une sainte non seulement dans l’Eglise catholique, mais aussi par l’Eglise anglicane.

Pensée positive

Dans ses Révélations, Julienne de Norwich relate ces mots que le Christ lui aurait transmis: «Ce qui te paraît impossible ne l’est pas pour moi. Mes paroles se vérifieront en tout; oui, je ferai que tout sera bien.» Selon ces révélations, le salut – offert à toute personne – rétablira la création entière: «Tout finira bien. Toutes choses, quelles qu’elles soient, finiront bien.» Il ne s’agit en rien d’une consolation facile ni d’une pensée feel good. Au contraire, all shall be well, «tout finira bien», c’est l’expression d’une solide espérance, ancrée dans le Christ, que Julienne répète à plusieurs reprises: à la fin, tu verras que tout était bien.