Radio romande: de la rubrique économique aux émissions religieuses, le choix engagé de Philippe Le Bé

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Radio romande: de la rubrique économique aux émissions religieuses, le choix engagé de Philippe Le Bé

26 janvier 2001
On croyait que l'économie était son domaine de prédilection
On lui découvre une passion pour le religieux. Le journaliste Philippe Le Bé, actuel responsable de la rubrique économique à la Radio suisse romande, plaque le tout économique pour le tout spirituel: il vient d'être nommé chef du service catholique à la RSR. La démarche est peu courante. Explication d'un homme frémissant de passion qui se moque des plans de carrière et se soucie peu de gagner moins.

§(Photos exclusives de Philippe Le Bé à disposition à la rédaction)"Ma terre, c'est le ciel!" Le ton est donné. Le journaliste Philippe Le Bé n'a rien d'un tiède. En choisissant de quitter le poste en vue de responsable de la rubrique économique à la Radio suisse romande pour rejoindre les émissions religieuses de cette même radio, il a provoqué un choc dans les milieux de l'information. La démarche est pour le moins à l'envers du bon sens si l'on entend mener rondement un plan de carrière. Le journaliste n'en a que faire.

"J'ai passé 20 ans à tenter d'insuffler de la spiritualité dans l'économie, maintenant j'ai envie d'insuffler de l'économie dans la vie spirituelle". Philippe Le Bé s'amuse de sa formule. En fait, les questions spirituelles et religieuses ont toujours été primordiales dans sa vie. Tout pour lui a une dimension sacrée, même le simple acte de manger ou de converser. "Il ne devrait pas y avoir de rupture entre le monde profane et le monde religieux, si nous étions suffisamment évolués". D'où son envie de se battre avec ses futurs collègues, protestants et catholiques des émissions religieuses à la Radio suisse romande pour décloisonner le religieux et donner au spirituel une place "naturelle" dans l'information. "Il faut, résume le journaliste, tisser des liens entre les émissions religieuses et les autres et les sortir définitivement de leur ghetto". S'alignera-t-il sur Rome? Pas question proteste-t-il, j'ai été engagé par le Centre catholique de radio et télévision comme journaliste, pas comme porte-parole!"

§ Comme un Tamoul blancBreton né au Maroc, Philippe Le Bé est arrivé en Suisse il y a 20 ans pour suivre sa femme, qui avait été engagée comme danseuse soliste au Théâtre de la Ville de Berne. "Au début, je n'avais pas le droit de travailler. Je me sentais un peu comme un Tamoul blanc. Quand ma femme a attendu notre premier enfant, on m'a accordé un permis de travail humanitaire".

Il est d'abord engagé par la Fédération horlogère, fait ses premières piges pour La Liberté, puis accomplit son stage de journalisme à la rubrique économique à l'Agence télégraphique suisse. Il passe ensuite 3 ans à Radio suisse international, puis devient rédacteur à Bilan avant de rejoindre laRSR où il est nommé chef de la rubrique économique et sociale. La place est confortable, l'homme est apprécié. Il propose alors ses services au Centre catholique de radio et de télévision (CCRT), il est engagé, l'équipe des émissions protestantes de radio applaudissent.

§Religion du coeurPour lui, il n'y a qu'une religion, celle du cœur. "La religion sociale divise, la religion du cœur unit et rassemble. Voyez la crise provoquée entre protestants et catholiques à la suite de la déclaration du pape "Dominus Iesus". On ne peut pas nier les différences importantes qu'il y a entre les deux communautés catholique et protestante, poursuit-il, mais en fait qu'est-ce qui nous sépare? Presque rien. Qu'est ce qui nous rassemble? Presque tout à un certain niveau de conscience".

Pour étayer ses propos, Philippe Le Bé aime citer le théologien Pierre Teilhard de Chardin, qui affirmait que "tout ce qui monte converge".

Pour Philippe Le Bé, catholiques et protestants lui font penser parfois à des enfants qui joueraient dans une pièce obscure, juste éclairée par une bougie. "Cette bougie dessine de grandes ombres inquiétantes sur les murs, explique-t-il, elles sont vacillantes comme nos idéologies, et elles font peur. On se met à les prendre pour la réalité, jusqu'au jour où quelqu'un s'avise d'ouvrir la fenêtre, alors le soleil apparaît, efface les ombres, la lumière l'emporte sur les ténèbres".

Philippe Le Bé affiche un fervent optimisme quand bien même tout est bien sombre. "C'est vrai, reconnaît-il, jamais la planète n'a été aussi malade de la pollution, de la violence, les jeunes se sentent mal dans leur peau, se droguent, les églises se vident. Mais il y a des êtres dont la conscience devient de plus en plus claire et large, ils se rassemblent et forment des points de lumière intenses. Je crois à ces points de lumière qui éclairent le monde. Je crois à la beauté qui peut changer le monde, à l'art qui touche le cœur et non pas le mental, et qui permet d'approcher l'insaisissable".