Une ancienne adepte de Guy-Claude Burger raconte son cauchemar

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Secte, oser en parler
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Une ancienne adepte de Guy-Claude Burger raconte son cauchemar

26 avril 2002
Secte
Nicole Schneider n’a pas dix-huit ans lorsqu’elle tombe sous le charme de Guy-Claude Burger, le fondateur de l’instinctothérapie aujourd’hui en prison

Elle restera sept ans entre les mains, et souvent dans les bras, du gourou qui a installé sa communauté dans le Gros-de-Vaud. A quarante-quatre ans, cette Veveysanne a trouvé la force de raconter sa descente aux enfers, et de se libérer de ses souvenirs dans un livre lucide et émouvant. Son cauchemar commence presque par hasard. Nicole n’a pas dix-huit ans et accompagne son père à une conférence sur l’instinctothérapie. Elle tombe immédiatement sous le charme de l’orateur, « image christique, à la fois autoritaire et douce ». Cet homme, c’est bien sûr Guy-Claude Burger. Il parle du manger cru, d’oublier l’invention du feu et de se nourrir exclusivement de denrées non transformées par la main humaine, « avec l’instinct du plaisir comme nouvelle règle alimentaire, pour lutter contre le vieillissement, le cancer et la dépression nerveuse ».

Nous sommes au milieu des années 70. L’heure est à la libération et aux utopies et celle que cultive Guy-Claude Burger dans une ferme d’Eclépens, aux allures de jardin d’Eden, fait florès. Mary Anna Barbey, créatrice des ateliers d’écriture où elle rencontra pour la première fois l’auteur, rappelle d’ailleurs dans sa préface que le pays de Vaud ne vit pas d’un bon œil la première condamnation de l’apôtre du régime cru en 1978.

Physicien, musicien, père de six enfants, Burger sait séduire son monde et les médias de l’époque ; la foule se presse lorsqu’il vend ses fruits et légumes aux marchés de Lausanne et Genève. C’est donc avec la bénédiction de ses parents que Nicole Schneider franchit les portes de ce que personne ne présente alors comme une secte en janvier 1975.

Elle devient ainsi une « instincto », ne se lavant à l’eau chaude qu’une fois par semaine, reniflant les aliments, oubliant TV, journaux ou cinéma perturbateurs d’énergie. A la suite de cet « homme-père », la jeune fille vit son commencement du monde en pénétrant dans « cette communauté repliée sur elle-même, vivant de manière quasi autarcique et fusionnelle ». Tout y est différent, du mode alimentaire à la « sexualité chargée d’une dimension cosmique. »

Car au delà d’un régime alimentaire, l’instinctothérapie se veut un idéal et une philosophie. Son fondateur marche sur les traces de Wilhelm Reich et de son rousseauisme aux allures de libération sexuelle délirante. Guy-Claude Burger est convaincu qu’il doit « sauver la société d’une agressivité destructrice qui a son origine dans la nourriture, mais aussi dans la répression sexuelle et le traumatisme qu’elle engendre ». Dès lors, la communauté des Trois-Noyers se sent investie d’une mission, « celle d’ouvrir le chemin vers une nouvelle société ».

La puissance de conviction, le pouvoir du gourou sur le petit groupe de jeunes qui l’entoure, lui permet de mettre les femmes et, parfois les enfants, dans son lit au profit d’un salutaire « partage des énergies ». Comme d’autres, Nicole Schneider franchira la porte capitonnée de cuir vert. Comme d’autres, le maître l’estimera digne de marcher sur le chemin qu’il a tracé.

En 1978, alors que naît son premier enfant, le procès de Burger s’ouvre à Cossonay. Malgré les efforts de ceux qui sont devenus des disciples, la cour le condamne, mais « du bout des lèvres ». Quatre ans de prison (il n’en purgera que deux et demi) pour l’abuseur que tout le monde – y compris les journaux – préfère nommer le « prophète d’une nouvelle morale ».

Il faudra attendre encore presque trois ans et une fuite de la secte au Mexique – par peur d’une invasion russe de la Suisse ! – pour que Nicole parvienne à briser ses chaînes en compagnie du père de ses enfants. « Sept années sous influence. Plus du double pour m’en sortir. Et tout ce qui ne pourra plus jamais être comme avant », résume-t-elle dans son témoignage poignant qui la libère du passé.

§UTILENicole Schneider, « Sept ans sous influence », éditions Mon Village, 2002