« L’identité religieuse n’est pas tout l’humain »
29 janvier 2004
Invité au café théologique lausannois, le prêtre lyonnais Christian Delorme a rappelé qu'aucune religion ne détient tout de Dieu
Selon ce spécialiste des relations avec l’islam, aller vers l'autre, c’est d’abord se remettre en question soi-même. Christian Delorme est chargé des relations avec l’islam pour le diocèse de Lyon. Autant dire que lorsqu’il vient parler des « religions qui s’entrechoquent », comme ce fut le cas mardi dernier au Café théologique lausannois, il connaît son sujet. « Aujourd’hui, l’Eglise catholique admet que la vérité peut aussi être disséminée chez les autres. Mais ce processus a été aussi difficile chez nous qu’ailleurs », souligne l’orateur.
Le Père Delorme le rappelle : désormais, une bonne partie du monde chrétien n’entretient plus avec l’Eglise qu’un lien culturel et le christianisme a largement abandonné toute prétention à diriger Etats et sociétés. L’islam, en revanche, ne connaît pas ce processus de sécularisation. « Elle demeure même la seule religion capable d’influer sur l’avenir du peuple et du monde », estime Christian Delorme. C’est sans doute en cela qu’elle nous fait si peur, car si l’hindouisme connaît aussi une expression politique et des courants intégristes qui le travaillent, la limitation géographique de sa présence ne représente pour nous aucune menace. Dépasser les "mémoires blessées"En revanche, de l’Iran à l’Afghanistan en passant par le Maghreb, l’islam politique ne cesse de s’étendre, « apparaissant même comme la seule idéologie capable de résister à la main mise de l’Occident ». Telle est en tout cas la manière dont nous le voyons ; car pour un musulman, il s’agit avant tout de l’expression d’une foi pas plus conquérante que ne le fut longtemps le christianisme. « Il ne faut pas oublier ces mémoires blessées des deux côtés », note Christian Delorme. L’islam a toujours été cette réalité forte qui nous résiste, au contraire du judaïsme qui a rapidement eu à subir notre domination. « Du VIIIe au XVe siècle, de Charlemagne à Isabelle la catholique, l’Occident chrétien n’a rêvé que de reconquête », et toute tentative de dialogue doit maintenant encore composer avec ce passé, tout en se heurtant à d’importants conflits théologiques comme celui de la Trinité biblique et de l’unicité divine chère au Coran.
Dès lors, comment passer de la méfiance à la confiance ? En se remémorant d’abord que « l’identité religieuse n’est pas tout ce qui nous fait être humain. Je suis aussi homme ou femme, de telle ou telle nationalité, baignant dans un milieu social et culturel spécifiques. Bref, composé de multiples éléments qui me permettent d’entrer en relation avec d’autres ». Par ailleurs, une religion doit lutter contre sa tendance à se refermer sur elle-même, à devenir totalitaire dans un témoignage qui exclut les autres. Le Père Delorme aime à citer ce passage du Coran : « La vérité ne vous appartient pas, mais vous appartenez à la vérité ». « Cela nous rappelle que nous ne pouvons prétendre tout détenir de Dieu. Prenons exemple sur Jésus qui vivait dans un contexte pluri religieux et n’entrait pourtant jamais en conflit avec les autres courants ».
Au moment des questions, le débat s’est longuement arrêté sur cette question de l’identité et de l’ouverture : comment s’entendre sur des valeurs communes tout en restant différents ? « En n’oubliant pas, par exemple, que christianisme et islam sont de constantes interprétations d’eux-mêmes », en dépassant les dogmes qui séparent et en prenant le risque salutaire de se remettre en question. « Le message de la Parole peut aussi être vu comme l’adhésion à une personne, avec laquelle chacun est appelé à faire un bout de chemin. Soit le contraire d’une affirmation figée. De manière générale, la meilleure manière d’aller vers l’autre est peut-être de ne pas discourir de sa foi mais de la vivre en montrant ce qu’elle transforme dans l’existence ».
Le Père Delorme le rappelle : désormais, une bonne partie du monde chrétien n’entretient plus avec l’Eglise qu’un lien culturel et le christianisme a largement abandonné toute prétention à diriger Etats et sociétés. L’islam, en revanche, ne connaît pas ce processus de sécularisation. « Elle demeure même la seule religion capable d’influer sur l’avenir du peuple et du monde », estime Christian Delorme. C’est sans doute en cela qu’elle nous fait si peur, car si l’hindouisme connaît aussi une expression politique et des courants intégristes qui le travaillent, la limitation géographique de sa présence ne représente pour nous aucune menace. Dépasser les "mémoires blessées"En revanche, de l’Iran à l’Afghanistan en passant par le Maghreb, l’islam politique ne cesse de s’étendre, « apparaissant même comme la seule idéologie capable de résister à la main mise de l’Occident ». Telle est en tout cas la manière dont nous le voyons ; car pour un musulman, il s’agit avant tout de l’expression d’une foi pas plus conquérante que ne le fut longtemps le christianisme. « Il ne faut pas oublier ces mémoires blessées des deux côtés », note Christian Delorme. L’islam a toujours été cette réalité forte qui nous résiste, au contraire du judaïsme qui a rapidement eu à subir notre domination. « Du VIIIe au XVe siècle, de Charlemagne à Isabelle la catholique, l’Occident chrétien n’a rêvé que de reconquête », et toute tentative de dialogue doit maintenant encore composer avec ce passé, tout en se heurtant à d’importants conflits théologiques comme celui de la Trinité biblique et de l’unicité divine chère au Coran.
Dès lors, comment passer de la méfiance à la confiance ? En se remémorant d’abord que « l’identité religieuse n’est pas tout ce qui nous fait être humain. Je suis aussi homme ou femme, de telle ou telle nationalité, baignant dans un milieu social et culturel spécifiques. Bref, composé de multiples éléments qui me permettent d’entrer en relation avec d’autres ». Par ailleurs, une religion doit lutter contre sa tendance à se refermer sur elle-même, à devenir totalitaire dans un témoignage qui exclut les autres. Le Père Delorme aime à citer ce passage du Coran : « La vérité ne vous appartient pas, mais vous appartenez à la vérité ». « Cela nous rappelle que nous ne pouvons prétendre tout détenir de Dieu. Prenons exemple sur Jésus qui vivait dans un contexte pluri religieux et n’entrait pourtant jamais en conflit avec les autres courants ».
Au moment des questions, le débat s’est longuement arrêté sur cette question de l’identité et de l’ouverture : comment s’entendre sur des valeurs communes tout en restant différents ? « En n’oubliant pas, par exemple, que christianisme et islam sont de constantes interprétations d’eux-mêmes », en dépassant les dogmes qui séparent et en prenant le risque salutaire de se remettre en question. « Le message de la Parole peut aussi être vu comme l’adhésion à une personne, avec laquelle chacun est appelé à faire un bout de chemin. Soit le contraire d’une affirmation figée. De manière générale, la meilleure manière d’aller vers l’autre est peut-être de ne pas discourir de sa foi mais de la vivre en montrant ce qu’elle transforme dans l’existence ».