Le Symposium sur le droit à l'alimentation dénonce le scandale meurtrier de la faim

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Le Symposium sur le droit à l'alimentation dénonce le scandale meurtrier de la faim

4 mars 2004
A l’occasion du lancement de la campagne œcuménique pour le droit à l’alimentation, Action de Carême et Pain pour le Prochain proposaient la semaine dernière une journée de réflexion sur ce thème à Berne
Pour tenter, avec une brochette d’invités de marque dont Jean 'est en aucun cas, une malédiction. La faim tue davantage que le terrorisme ou le sida. D’un côté, 200 multinationales se partagent 30% du Produit intérieur brut (PIB) mondial et une poignée de 500 milliardaires règnent sur le monde. De l’autre, 840 millions de personnes souffrent de sous-alimentation endémique, petits paysans sans le sous ou déshérités des mégapoles. Toutes les 7 secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de malnutrition. Pourtant, équitablement distribuées, les céréales produites sur notre planète suffiraient largement pour nourrir tous ses habitants. « Une réalité choquante, injustifiable, qui ne préoccupe pas beaucoup les médias parce qu’elle n’est malheureusement pas nouvelle », a déploré Micheline Calmy-Rey.

La semaine dernière, la Conseillère fédérale s’exprimait en ouverture d’un symposium sur le droit à l’alimentation organisé par les Œuvres d’entraide Pain pour le prochain (PPP) et Action de Carême, dans le cadre d’une campagne œcuménique sur le même thème (lire notre article no 633). Parvenir à ce que tout être humain puisse manger constitue plus que jamais « une tâche cruciale pour l’avenir de l’humanité », a ajouté Micheline notre ministre des affaires étrangères. Un Droit désormais prioritaireDans ce combat, 1996 constitue une tournant majeur. Datant de 1947, la Déclaration des Droits de l’Homme concernait avant tout les aspects civiques et politiques. Il a fallu attendre près de 50 ans et la tenue d’un Sommet mondial contre la faim pour que les droits culturels, sociaux mais surtout économiques soient, à leur tour, officiellement pris en compte par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les chefs d’Etat se sont engagés à réduire de moitié le nombre des affamés. Malgré les efforts de multiples associations non gouvernementales et des spécialistes en développement, tout laisse à craindre que l’on n’y parviendra pas.

Jean Ziegler, nommé depuis l’an 2000 rapporteur spécial de la Commission de l’ONU sur le droit à l’alimentation, a rappelé la définition de ce nouveau Droit de l’homme : « Avoir un accès permanent et libre à une nourriture adéquate et suffisante, correspondant aux habitudes locales et permettant un développement physique et psychique suffisant ». Pour l’ancien Conseiller national socialiste, la Berne fédérale représente un bel exemple de « schizophrénie » avec d’un côté le travail de fourmi de la Direction de la coopération et du développement (DDC) et de l’autre « des conseillers fédéraux qui votent selon l’idéologie néolibérale au sein des instances du FMI, annulant le peu de progrès réalisé ». Jean Ziegler a donc plaidé pour un tournus dans la représentation helvétique au sein des institutions issues des accords de Bretton Woods, avant de saluer « la dimension universelle et révolutionnaire » du programme « Faim zéro » lancé par le président « Lula » au Brésil. Une entreprise selon lui malheureusement vouée à l’échec sans la renégociation d’une dette extérieure de 300 milliards de dollars.

Frei Betto, appelé par le président brésilien à diriger cette expérience unique au monde visant à sortir de la misère près d’un quart de la population brésilienne, comptait également parmi les invités de cette journée. Le théologien sud-américain a rappelé les grandes lignes d’un projet qui « n’est pas gouvernemental mais concerne la société toute entière », avec notamment une importante redistribution des terres et un accent particulier mis sur l’éducation des femmes, « parce que c’est par elles que passe l’avenir des enfants ». Imposer des règles au commerce mondialDe son côté, l’historien allemand Peter Rottach travaillant à Brot für die Welt Allemagne a milité pour que « l’on donne un visage à celui qui a faim ». Ce qui passe par la multiplication « de petits projets sur le terrain, qui associent les populations sur place, en marge de grandes stratégies globales et des déclarations d’intention abstraites ». Tous les orateurs ont rappelé que la sécurité alimentaire pour tous passait par la nécessité d’imposer de règles éthiques à un commerce mondial qui, en se globalisant, ne cessait de creuser les inégalités. Un constat résumé avec une tragique ironie par Toss Mukwa Mugenba, coordinateur des projets d’Action de Carême dans la république démocratique du Congo, « où l’on trouve de plus en plus d’aliments congelés alors que les poissons meurent de vieillesse dans nos rivières».