"La Bible oubliée": une anthologie de textes apocryphes parfois renversants

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"La Bible oubliée": une anthologie de textes apocryphes parfois renversants

5 mars 2004
Sortie ces jours-ci de la traduction française de « La Bible oubliée », anthologie des écrits apocryphes commentés par un bibliste anglais à l’intention des néophytes
L’occasion de découvrir des extraits des textes écartés par l’Eglise chrétienne, mais que la piété populaire s’est appropriés en douce.Professeur de théologie à l’Université d’Exeter en Grande-Bretagne, Joshua Roy Porter propose une lecture suivie et commentée des textes apocryphes à travers des morceaux choisis qui témoignent d’une polyphonie d’interprétations divergentes, tout à tour apocalyptique et essénienne, judéo-chrétienne et gnostique et donnent une idée de l’activité littéraire foisonnante des premiers chrétiens. Condamnés par l’Eglise aux premiers siècles, les écrits apocryphes ont continué à circuler sous le manteau, à être traduits dans des communautés excentrées, dans l’Eglise éthiopienne notamment, et à nourrir l’imaginaire et la spiritualité populaire. Ceux qui ont été réunis dans cette « Bible oubliée » permettent des découvertes étonnantes, parfois émouvantes et donnent des éclairages différents qui enrichissent les récits que nous connaissons.

Dans le Livre des Jubilés, qui fait partie de la Bible de l’Eglise éthiopienne et reprend les récits du Livre de la Genèse ainsi que les premiers chapitres de l’Exode, on apprend que, lorsque Adam fut expulsé du jardin d’Eden, les animaux perdirent la parole et que toutes les créatures qui vivaient unies au paradis furent dispersées et divisées sur toute la terre. Dans 2 Hénoch, qui fait partie de cette même Bible éthiopienne, Eve y fait elle-mêmele récit de la chute.. Elle y apparaît comme un personnage important, responsable pour la moitié du jardin d’Eden et de l’ensemble des femelles d’animaux, contrairement à la Bible où Adam exerce seul l’autorité.

Le Testament d’Abraham, écrit en grec et sans doute rédigé entre le 1er et le 2ème siècle avant JC., ne fait aucune distinction entre Juif et non Juif et, mis à part une référence unique aux douze tributs, Israël ne se voit pas attribuer de rôle particulier. Le texte met par contre l’accent sur la miséricorde de Dieu envers l’humanité et montre clairement que Dieu ne désire pas la mort des pécheurs mais qu’il cherche plutôt à leur offrir l’occasion de se repentir. L'importance des femmesCe qui frappe dans le Testament de Job, dont le plus ancien manuscrit existant, écrit en copte, date du 5e siècle, c’est l’importance qu’il donne aux femmes, illustrée par un récit consacré à Sitis, la première épouse de Job. Vers la fin de sa vie, Job distribue ses biens à ses fils et promet à ses filles un héritage meilleur : des cordelettes magiques qui leur permettent de parler la langue des anges. «Mettez-les autour de votre poitrine afin qu’elles vous fassent du bien tous les jours de votre vie ! ».

Les apocryphes du Nouveau Testament réservent des surprises renversantes, notamment cette « Histoire de l’Enfance du Seigneur", où l’on découvre un Jésus de 5 ans qui, jouant près du gué d’un ruisseau, fait littéralement « sécher » un gamin qui le contrecarre.

Tous ces textes renvoient nécessairement à la Bible, dont ils sont un complément et un commentaire souvent inspirés par le souffle de la foi, un révélateur de l’esprit du temps et des sociétés dont ils sont contemporains. Passionnant.J. R. Porter, La Bible oubliée, Apocryphe de l’Ancien et du Nouveau Testament, éd. Albin Michel Spiritualités, mars 2004.