Conférences du Centre protestant d'études: "Le corps, un don de Dieu "

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Conférences du Centre protestant d'études: "Le corps, un don de Dieu "

11 mars 2004
Pour la pasteure genevoise Isabelle Graesslé, la Bible évoque le corps comme une dimension essentielle de la présence divine
En faire un synonyme de péché en l’opposant à une âme parfaite serait poursuivre les errements moraux des premiers penseurs chrétiens. Eclairage. Le corps réhabilité: pour Isabelle Graesslé, loin d’être honnie ou oubliée, la dimension corporelle demeure de première importance dans la Bible. Inaugurant une série de rencontres sur le « Corps dans tous ses états » organisée début mars par le Centre protestant d’études, la modératrice de la Compagnie des pasteurs et diacres estime que beaucoup de bêtises ont été écrites à ce sujet par les premiers penseurs chrétiens, ce qui aboutit à des siècles de mépris et de diabolisation de tout ce qui n’était pad de l'ordre de l’esprit ou à de l’âme.

Pourtant, une lecture attentive de l'Ancien Testament montre que « le corps participe pleinement au souffle divin, et que ce principe de vie accompagne l’humain à travers l’éternité ». Les deux dimensions, âme et corps, sont étroitement liées, l’une n’allant pas sans l’autre. « Le Talmud pour sa part évoque un homme créé à l’image de Dieu, ce qui laisse déjà place à la dimension corporelle. Cette ressemblance avec le Seigneur exige que nous poursuivions son œuvre avec nos moyens, et le corps participe à ce mouvement ».

Chez les Juifs, la prière se pratique deux fois par jour, au lever et au coucher du soleil, aux moments où « l’âme se fragilise ». Or « Aimer l’Eternel de tout son cœur », c’est aussi le vénérer de tout son corps, car « la prière met en branle la totalité de notre humanité ». Chaque partie du corps exprime nos capacités à nous rapprocher du Créateur. Les entrailles sont le lieu de l’émotion, la patience se signale par la longueur du souffle (d’où l’expression ‘ne pas perdre haleine’), le sang est le signe de la vie. Versé injustement, il « crie jusqu’à Dieu », comme l’affirme la Genèse. Ainsi, dans la théologie hébraïque, « l’homme doit rendre visible la présence de Dieu sur terre par l’entièreté d’un corps humain pleinement assumé », résume Isabelle Graesslé.

Dans le Nouveau Testament, l’image du corps se brouille quelque peu, notamment parce que ce ne sont plus les concepts, mais les relations interpersonnelles qui comptent. On remarque néanmoins, surtout dans les trois premiers Evangiles, que « Jésus n’apparaît pas comme un pur esprit, mais au contraire comme un être très charnel, partie prenante de tous les événements de la vie ». Le Christ prend en compte toute la personne. Grâce à lui, « les gens se relèvent et vont continuer à exister autrement, à tous les niveaux ».

C’est surtout dans les lettres de Paul que le corps est très présent. « Paul, c’est une pensée en marche qui évolue, rappelle la ministre genevoise. D’où parfois des contradictions . Une chose est sûre : pour l’apôtre, le corps représente « le lieu du culte » et non un élément foncièrement mauvais comme le clameront ensuite les premiers philosophes de la chrétienté. Certes, le corpus paulinien contient des textes où le corps est désigné négativement. « Mais c’est pour signifier qu’il y a quelque chose d’une nouvelle création, d’une nouvelle liberté dans l’alliance avec Dieu ».

De manière générale, donc, la Bible affirme que les deux dimensions de l’être humain ne s’opposent pas. Bien au contraire, c’est à la fois le corps et l’âme qui révèlent une partie du divin résidant en nous. Pourquoi le corps fut-il ensuite durant des siècles assimilés au péché ? D’abord, explique Isabelle Graesslé, "parce que la conception dualiste du monde, avec le corps en rival de l’âme foncièrement bonne, réapparaît très vite, notamment avec les gnostiques ». Saint Augustin parle ainsi du « champ de bataille » qui oppose ces deux dimensions.

Erreur, selon l’interprétation de l’exégèse moderne dont parle Isabelle Graesslé. D’ailleurs, « le corps de Dieu est dérobé, mais aussi incarné. De son côté, le corps humain fait rayonner sa présence. Finalement, la seule image possible du divin se trouve dans le visage d’autrui ». "Entre tyrannie et harmonie: le corps dans tous ses états", 17 mars 03 à 20h30, 3e soirée du cycle organisé par le Centre protestant d'études, Centre de la Jonction, 24, rue Gourgas à Genève, avec la sociologue ElkEliane Perrin.