Conférencier très sollicité, auteur de best-sellers, il a animé des centaines d’ateliers de formation. Son assistante,Isabelle d’Aspremont, formatrice à la relation d’aide, a donné récemment une conférence à Vevey sur l'estime de soi et la spiritualité. Tous deux ont accepté de répondre à nos questions.Pouvez-vous donner une définition simple de l'estime de soi?J.M.: L'estime de soi est une perception positive de soi sur le plan de sa personne et de son agir. On évalue l'estime de soi à la qualité de ses images, de ses dialogues intérieurs et de son émotivité. Une personne qui se mésestime entretiendra des images, des dialogues et des sentiments négatifs vis-à-vis d'elle-même et de son agir. Dans notre monde d’aujourd’hui, individualiste et peu communautaire, la personne doit compter davantage sur elle et sur ses propres possibilités. Ce n'est plus le groupe qui donne sa raison d'être à l’individu, qui doit apprendre à développer l'amour de soi et l'appréciation de son travail. Dès lors, pour évoluer, il doit apprendre à s'aimer, à s'accepter, à s'affirmer et à grandir tout en respectant l'espace d'autrui.Est-il facile de se s’affirmer non conforme aux valeurs ambiantes: paresseux, désinvolte, timide ou laid ? J.M.: Pour nous, il n'y a pas de traits négatifs ni de défauts. Il n’y a que ce que nous appelons le manque d’harmonie de certaines de nos qualités. Si je suis trop dominant, il va me falloir pratiquer l'humilité et la modestie. L’appréciation de l’entourage va aider la personne à développer son estime de soi, si elle parvient à recevoir les marques d’affection, d’attention, de félicitations de celles et ceux qui l’entourent. Si son entourage est malveillant, elle doit apprendre à refuser les marques d’attention et d’affection négatives comme les remarques désobligeantes, les humiliations, les expressions d’agressivité indues par exemple.La société n’accepte pas les perdants. L’estime de soi est une notion à la mode, n’est-ce pas aussi un phénomène de récupération? J.M.: Il y a des philosophies de l'estime de soi incomplètes qui tombent dans la surestime de soi et dans la domination d'autrui. Ces psychologies comportent un certain danger, car elles sont tronquées, elles ne développent que l'ego de la personne sans égard pour le côté spirituel de celle-ci. Ces psychologies superficielles de l'estime de soi sont comme un "fast food" pour l'esprit. On ne peut acquérir l'estime de soi à coup de recettes miracles. C'est là que réside le danger. L'utilisation du concept de l'estime de soi est souvent trompeuse parce qu'elle promeut un ego surdimensionné surtout centré sur les valeurs de consommation à l'américaine. Dans cette perspective de l'estime de soi, on peut parler du développement de l'ego à des fins personnelles, mais l'estime de soi bien comprise doit développer des valeurs spirituelles comme la compassion, la tolérance, l'humilité, la douceur, l'acceptation de soi et des autres.Que devient cette notion d’estime de soi dans l’extrême vulnérabilité physique ou psychique?J.M.: Une notion de l'estime de soi superficielle ne peut répondre à l'extrême vulnérabilité physique ou psychique. Dans des circonstances de vulnérabilité, on fait appel à des ressources plus profondes en soi qui nous mettent en contact avec une spiritualité du dépouillement, de l'abandon et du deuil. Cette spiritualité dans le malheur nous apprend le détachement et, bien comprise, elle nous fait grandir.Quel est votre définition de l’estime du Soi?J.M.: L'estime du Soi, c'est l'appréciation de son âme habitée par le divin.Le passage de l’estime de soi à l’estime du Soi, «quand l’ego renonce à tout contrôler et se place sous la direction du Soi», est présenté comme une continuité. Lorsque on a travaillé à son développement personnel grâce à ses efforts volontaires, comment s’abandonner aisément à une Intelligence divine?J.M.: Il est préférable de développer un ego fort pour faire face à son côté spirituel, sinon le risque est de tomber dans la mièvrerie et la prétention spirituelle. Défauts que la spiritualité chrétienne a trop souvent mis en avant, comme si la spiritualité devait se construire sur les ruines de l'ego. Au lieu d'opposer l'estime de soi et l'estime du Soi, on doit au contraire les mettre ensemble pour qu'elles collaborent à l'épanouissement de toute la personne. Le passage de l'estime de soi à l'estime du Soi est cependant un chemin plein d'embûches! De fait, celui-ci se fait ordinairement quand on vit des malheurs, des ruptures, des difficultés ou des séparations. On est alors projeté malgré soi dans une dépression ou dans un développement spirituel. Pour autant qu’on ait une connaissance au moins intellectuelle de la spiritualité, les malheurs peuvent nous approfondir et nous faire grandir.Les traditions religieuses, qu’elles soient orientales ou chrétiennes, se sont toujours méfiées de l’ego. Qu'en pensez-vous ?J.M.: Nous ne soutenons pas la destruction de l'ego prônée dans diverses traditions spirituelles. Pascal disait: "Si l'homme veut faire l'ange, il fait la bête". Respectez son ego tout en développant le Soi nous assure de ne pas tomber dans l'illusion spirituelle comme certaines pensées magiques ou ésotériques.Vous affirmez que le passage de la spiritualité à la foi chrétienne est «un soudain sentiment d’une Présence personnelle». J.M.: Nous avons voulu décrire un chemin spirituel qui conduit à la foi chrétienne. Trop souvent dans l'éducation religieuse chrétienne, on se fait une idée infantile du Christ. Cette idée n'est souvent pas renouvelée pendant les étapes de notre maturité. La foi du jeune chrétien est souvent laminée par la religion faite de rituels et de devoirs. Rare est la rencontre personnelle avec le Christ. Celle-ci fait grandir l'estime de soi et la confiance en soi. Loin de nous l'idée de tracer des chemins tout faits dans lesquels l'Esprit devrait se conformer!