A Genève, rideau sur "Le Point de Repère"

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A Genève, rideau sur "Le Point de Repère"

15 avril 2004
L’appel aux dons n’a pas suffi: fin mai, la Société évangélique de Genève fermera son vaste magasin-librairie oecuménique, le seul de cette envergure en Suisse romande et le dernier commerce réformé de la Cité de Calvin
Tentatives d’explication de cet échec sur fond de regrets. Ouvert en juillet 2002, Le Point de Repère fermera définitivement ses portes à la fin mai, laissant Genève orpheline de sa dernière librairie réformée. Sans surprise, l’appel aux dons (lire notre article no 651) lancé en début d’année par la Société évangélique de Genève (SEG) n’a pas permis de réunir le demi million de francs indispensable à la poursuite des activités du "Point de repère". « Nous avons reçu un peu plus de 220'000 francs, ce qui est déjà énorme. Mais cela ne suffit malheureusement pas », regrette le directeur de la SEG et du magasin André Normandin.

C'est donc la fin de ce vaste espace commercial de 300 m2 idéalement situé entre quais et Pâquis, avec site Internet d’achats en ligne et large palette de produits - livres, musique, multimédia et artisanat – faisant la promotion des valeurs essentielles du christianisme. Cette fin abrupte marque aussi le terme de l’engagement du pasteur d’origine québécoise au sein de la SEG. « J’ai donné mon congé pour la fin de l’année », confirme celui qui fit également un passage éclair au sein de l’AJEG, le secteur jeunesse de l’Eglise protestante genevoise. « Notre but est de limiter les dégâts en trouvant un locataire pour nos locaux et en écoulant le mieux possible le restant de notre stock. Par ailleurs, nos moyens ne nous permettent tout simplement plus de continuer à assurer le salaire de monsieur Normandin », explique avec "infiniment de regret » le président de la Société évangélique Jean-Marc Allenbach. Pas d’union sacréeAu lendemain de l’assemblée extraordinaire de la SEG, les 11 employés à temps partiel du Point de Repère ont reçu leur lettre de licenciement. Tous avaient été engagés pour 2 ans, durée que la SEG espérait suffisante pour lancer et consolider son projet de grande boutique œcuménique, conçue comme un lieu de témoignage et de présence chrétienne en ville de Genève. « Avec d’autres, je continue à penser que cette idée était fédératrice, mais les Eglises ne l’ont pas compris ainsi », souligne André Normandin, qui a,dès son arrivée, consacré l’essentiel de son temps à la bonne marche du magasin. A la conjoncture économique particulièrement défavorable et un marché du livre en crise dans notre pays, s’ajoute, selon lui, l’absence de mobilisation des chrétiens du bassin genevois. Soit par manque d’argent, soit parce que « d’éternelles querelles de clocher, notamment au sein des tendances évangéliques, empêchent de faire un front commun pour mener une démarche ouverte à tous les courants du christianisme ». Jean-Marc Allenbach : « Les milieux chrétiens conservent un esprit de jugement les uns par rapport aux autres. "Le Point de Repère" ne pouvait devenir un endroit de référence pour le grand public que dans la mesure où tous les croyants s’identifiaient d’abord à sa démarche. Avec chagrin, nous constatons que ce ne fut pas le cas ».

Bref, réalité « triste mais désormais incontournable », le magasin - librairie n’aura pas survécu à une « accumulation de mauvaises nouvelles ». Malgré une augmentation constante du chiffre d’affaires, l’équilibre financier aura toujours été hors de portée, notamment en raison de charges salariales trop lourdes. N’a-t-on pas vu trop grand ? « Non, répond André Normandin. Notre pari consistait à sortir du créneau des minuscules librairies confessionnelles avec quelque chose d’ambitieux. Et pour cela, il fallait du monde ». « Assumer nos choix »Aucun partenaire ou repreneur n’a été trouvé. Jean-Marc Allenbach : « Nous n’attendions pas grand chose de Payot ». Il faut dire que, comme à Lausanne en ce moment, le géant vert a agrandi voilà quelques années à peine son propre rayon religieux. Même réponse négative de la part de la chaîne française de La Procure, sans doute échaudée par son précédent échec genevois.

La SEG revient donc à la case départ, se repliant sur ses activités traditionnelles constituées par la plate forme d’évangélisation, les camps mission ou encore le collège biblique. Malgré l’investissement de l’essentiel de son capital, soit un demi million de francs, son existence ne se trouve pas menacée. « Ce que nous avons dépensé correspond à un legs extraordinaire. Notre situation financière est en fait plutôt meilleure que celle qui prévalait auparavant », assure son président. Jean-Marc Allenbach s’insurge d’ailleurs lorsqu’il entend certaines déceptions se transformer en attaques contre la personne d’André Normandin, accusé d’avoir jeté de la poudre aux yeux avant de dépenser un peu trop allégrement. « La location des locaux aux Pâquis et l’engagement d’un directeur salarié ont été décidés avant son arrivée. Et c’est notre assemblée générale qui a validé projet. A nous maintenant d’assumer nos choix ». UTILE

Dès début mai, liquidation avec système progressif au Point de Repère, rue de Monthoux 13, Genève