Sainte-Croix: des Camerounais découvrent la réalité des demandeurs d'asile

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Sainte-Croix: des Camerounais découvrent la réalité des demandeurs d'asile

21 avril 2004
Reportage en compagnie d’une quinzaine d’animateurs d’un centre d’aide au développement camerounais, foulant pour la première fois le sol romand
Entre étonnement et incompréhension, les invités du Département missionnaire (DM) ont fait part de leur expérience. « Toute cette eau propre, elle retourne à la rivière ? » Jean Jules Tamo n’en croit pas ses yeux. Christian Jaccard, l’employé de la station d’épuration de Sainte-Croix, montre l’ingénieux bassin de décantation qui ôte le limon du précieux liquide. Comme pour une dizaine d’autres collaborateurs du Centre d'Animation, de Formation, de Recherche et d'Appui au Développement (Cafrad) basé à Douala, c’est sa première visite en Suisse. Alors que tous les Camerounais ne disposent pas d’un accès à l’eau potable, l’Africain apprend que l’onéreuse installation de la petite commune vaudoise sert en partie à éviter la pollution de l’Arnon.

Le Cafrad a été créé par l’Eglise camerounaise pour offrir un encadrement et une formation professionnelle à une jeunesse désoeuvrée, attirée par les lumières de la ville. Mécanique, couture, hôtellerie, informatique, autant de cours qui tentent de lutter contre les effets de l’exode rural et du chômage grandissant sévissant dans la capitale économique du pays. Depuis longtemps, l’institution camerounaise entretient des liens privilégiés avec les envoyés du Département missionnaire (DM) des Eglises romandes. Nombreux sont les Suisses à être passés ou à y avoir séjourné. Très actif dans les instances protestantes et ancien président la paroisse du Balcon du Jura, Paul Schneider y voyagea pour sa part en 2002 avec plusieurs autres collègues du Nord vaudois. « En les accueillant aujourd’hui, nous avons enfin l’occasion de leur offrir la réciproque», se réjouit le médecin à la retraite.

Directeur du Cafrad, le pasteur Nono Kepatou a l’habitude des allers et retours en Europe, contrairement à ses collègues qui n’ont jamais traversé l’océan. Cela ne les empêche pas d’entretenir une image souvent idyllique de notre pays, que la visite du centre FAREAS de Sainte-Croix terminant la matinée ne suffit pas à effacer complètement. « Sur les 20'000 réfugiés qui frappent à la porte de la Suisse, leur explique la directrice Laurence Deruisseau, seuls 5% verront leur demande d’asile acceptée ». Rencontres à la FAREASCent quarante personnes, dont beaucoup de familles, composent une belle mosaïque culturelle dans ce centre de premier accueil où les séjours ne cessent de s’allonger, durant une année et parfois davantage. « Quelles difficultés y a-t-il à gérer un endroit avec des gens si différents ? », interroge Aristide. La directrice reconnaît que cela demande aux requérants « un effort quotidien » et qu’aux périodes de calme et de relative bonne entente succèdent parfois des instants plus tendus.

Douze francs et quelques par jour, « qui permettent de vivre honnêtement, même si les tentations commerciales demeurent hors de portée », reconnaît Laurence Deruisseau. Elle risque quelques mots sur le trafic de drogue « en partie en mains africaines » et « les préjugés de la population locale qui en découlent parfois ». Des réalités que nos invités semblent ne pas ignorer. En revanche, ils se montrent intrigués par la question de la clandestinité dans laquelle se retrouvent un certain nombre de réfugiés. « Si je comprends bien, le gouvernement favorise la débrouillardise », ironise l’un d’eux. Le pasteur Kepatou se demande, lui, « ce qui est fait pour traiter les causes de cet afflux des pays du Sud » ?

Pour Paul Schneider, ce voyage d’une quinzaine de jours en terre romande vise aussi à faire connaître une initiative comme celle du Cafrad « qui aide les gens sur place, afin de ne pas les contraindre à un douloureux déracinement ».