L'Action des chrétiens contre la torture (ACAT) a 30 ans:La lutte contre le terrorisme ne justifie aucune exaction

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L'Action des chrétiens contre la torture (ACAT) a 30 ans:La lutte contre le terrorisme ne justifie aucune exaction

11 juin 2004
L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) a 30 ans
Et beaucoup de pain sur la planche. L’acceptation de la pratique de la torture comme moyen de connaître la vérité sous prétexte de lutter contre le terrorisme est actuellement au centre de ses préoccupations. Interview de Patrick Byrne, président de la Fédération internationale de passage à Genève. Pas question pour les militants de l’ACAT, mouvement oecuménique né en France en 1974 pour lutter contre la torture et la peine de mort, de relâcher son action et sa vigilance : après les révélations des tortures et des traitements inhumains et dégradants infligés à des prisonniers irakiens dans la prison d’Abou Ghraib par les forces militaires américaines, et le glissement perceptible vers une tolérance de la torture pour des raisons sécuritaires, l’ACAT a plus que jamais sa raison d’être, aux côtés d’autres organisations internationales comme Amnesty International, pour défendre l’article 5 de La Déclaration universelle des Droits de l’Homme, mais aussi soutenir les victimes et ne pas les abandonner à leur sort.

Patrick Byrne, président de la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT) présente dans 33 pays, était à Genève vendredi passé pour rencontrer les secrétaires généraux du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) et de l’Alliance Réformée Mondiale (ARM), ainsi que Mgr Sylvano Tomasi, le représentant du Saint-Siège auprès des organisations internationales. Traducteur au Parlement européen au Luxembourg, catholique marié à une protestante, il s’est engagé de façon bénévole il y a 9 ans pour la défense des droits de l’homme.

-N’y a-t-il pas concurrence entre les divers mouvements au service de la défenses des droits de l’homme ?

Aucune. L’ACAT n’est pas née d’une volonté de se distinguer des autres organisations de lutte contre la torture mais d’engager les chrétiens et leurs Eglises dans ce combat long et difficile qui exige un maximum de forces. Nous travaillons souvent à des stratégies et des actions communes. L’ACAT se différencie simplement par une identité chrétienne et œcuménique voulue dès sa création en France par deux Françaises protestantes qui lui ont d’emblée une dimension œcuménique. En tant que chrétiens, nous retrouvons dans les visages des personnes torturées à travers le monde celui du Christ, lui aussi victime de tortures et exécuté. Nous nous sommes donné pour mission de briser le silence et de donner la parole aux victimes bafouées dans leurs droits, leur humanité et blessés dans leur chair.

Quelles sont les urgences actuelles ?

Le vrai danger actuellement est la remise en cause du principe fondamental de l’interdiction de la torture fixée par le Droit international humanitaire concernant les prisonniers de guerre. Nous sentons, du côté américain, une volonté de redéfinir à la baisse les normes internationales en matière de protection des droits humains afin de les « adapter » à la nouvelle situation créée après le 11 septembre 2001. La lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas légitimer le fait d’enfreindre les principes fondamentaux et absolus des respects de la personne humaine. A nous chrétiens de mettre en garde contre la spirale infernale de la violence, de démontrer l’inefficacité de l’usage de la force pour faire sortir la vérité. On risque de torturer des innocents mais en aucun cas de régler les problèmes de terrorisme. J’ajouterai que notre message en tant que chrétiens face aux fondamentalismes religieux actuels, est de rappeler que notre foi nous oblige à respecter l’être humain dans toute sa dignité. Que le tortionnaire qui n’arrive pas à voir dans l’autre l’être humain, se déshumanise.

Que pouvez-vous concrètement faire ?

Nos adhérents mènent un travail de vigilance qui, dans certains pays, les met en danger. C’est pourquoi il est capital qu’ils puissent compter sur le relais international et la solidarité de l’extérieur. Prenons un exemple : les militants togolais risquent leur vie quand ils parlent des exactions commises dans leur propre pays, par contre ils peuvent dénoncer ouvertement la torture en Irak. Leur voix a du poids à Washington. Notre devoir est de rappeler avec insistance aux Etats-Unis, par des pressions multiples, qu’ils se sont engagés par rapport à la Convention contre la torture. Leurs excuses par rapport à ce qui s’est passé dans la prison d’Abou Graïb ne suffisent pas, il faut que les auteurs de crimes de guerre aux termes de la Convention de Genève soient traduits en justice et sanctionnés et que toutes les victimes et leurs familles soient indemnisées. Notre devoir est aussi de rappeler aux populations des pays concernés par la torture leur engagement citoyen. Lorsque chacun aura compris que les exactions commises sont inadmissibles, la torture ne sera plus possible. Nous sommes engagés dans un vaste travail d’information et de sensibilisation de l’opinion publique et d’éducation aux droits de l’homme. A l’Université de Yaoundé, nous avons mis sur pied un projet de formation soutenu par les gouvernements suisses, français et luxembourgeois.

26 juin, Journée internationale de soutien aux victimes de la torture.