Entre passé et avenir, les deux visages de la mission

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Entre passé et avenir, les deux visages de la mission

22 juillet 2004
Le jeune pasteur vaudois Reto Gmünder aura passé 6 ans au Cameroun
L’imprimeur Heinz Schärer, lui, a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle à une entreprise du Lesotho. Regards croisés sur deux trajectoires significatives de l’évolution de la coopération d’Eglise.L’âge de Reto Gmünder, né en 1966, correspond peu ou prou au temps qu’Heinz Schärer aura passé au Lesotho, en Afrique australe. Les expériences du jeune pasteur vaudois et de l’imprimeur d’Olten, retraité depuis quelques semaines, offrent un bon exemple de la manière dont s’est transformé le rapport entre nos Eglises et celles du Sud. De passage à Lausanne, ils se sont croisés sans se rencontrer au DM-échange et mission, qui les a tous deux envoyés au nom de la Cevaa (Communauté d’Eglises protestantes en mission née en 1971) sur le continent noir.

Heinz Schärer appartient à une catégorie de missionnaires – on dit aujourd’hui « volontaires » - en voie d’extinction. Après une jeunesse très active au sein de l’Eglise d’Olten, il passe une année dans un centre de retraite protestant en France. « J’y ai rencontré des gens de la Mission de Paris, ça m’a donné envie de partir ». On l’oriente vers le DM, qui pilote plusieurs projets en Afrique. « On a d’abord évoqué le Cameroun ». Ce sera finalement le Lesotho, petit pays à l’ombre de la grande Afrique du Sud. Heinz Shärer a 24 ans lorsqu’il débarque pour la première fois à Morija où l’importante imprimerie de l’Eglise évangélique nationale est secouée par une grève. « Je me souviens qu’il y avait encore une centaine de familles missionnaires à l’époque. Ces dernières années, nous étions les derniers ». Le travail d’une vieCe premier séjour durera un peu plus de trois ans. « Je faisais office de conseiller technique. Culturellement, ça a été un grand choc. Les choses sont venues petit à petit ». Heinz Schärer apprend à monter à cheval, moyen de transport incontournable dans les montagnes du royaume. Il y rencontre une jeune correctrice, Adeline, avec laquelle il rentre en Suisse. Elle est toujours sa compagne aujourd’hui. Le temps passe et le couple retrouve le rythme de vie européen. Mais, en 1971, la situation se dégrade une nouvelle fois à Morija. Le directeur est licencié et l’imprimerie se voit à nouveau plongée dans la tourmente. Le DM-échange reprend contact avec les Schärer, leur demande s’ils sont d’accord de repartir. « Nous avons beaucoup hésité, notamment parce que notre situation de couple mixte n’était pas acceptée par tout le monde en pleine période d’apartheid dans l’Afrique du Sud voisine ». Lors de leur nouveau départ, Heinz et Adeline ne sont pas autorisés à quitter la zone internationale de l’aéroport de Johannesburg.

« Le mandat s’étendait sur 4 ans. Puis il n’a cessé de se renouveler. Il a fallu agrandir l’entreprise, se mettre à l’offset puis à l’informatique, former des gens. Et c’est seulement au milieu des années 90 que nous nous sommes dit que nous resterions jusqu’à la retraite». Leur travail a porté ses fruits : l’imprimerie de Morija est aujourd’hui l’une des plus modernes d’Afrique australe. Avec ses 60 employés, elle est l’un des plus gros employeurs de l’endroit. En septembre, Adeline et Heinz Schärer s’envoleront vers Le Cap, histoire de rester proches de leurs deux enfants adultes. « Tant que nous serons valides, nous vivrons en Afrique du Sud ». Heinz est à la retraite, il se réjouit de retrouver de temps à autre sa petite maison à Morija où l’attendent ses abeilles. « Je sais que l’on me téléphonera parfois de l’imprimerie pour des conseils, et je répondrai volontiers ». Clairement au service de l’EvangileDe son côté, Reto Gmünder aura lui retrouvé Bafoussam, au Cameroun. Depuis 1999, avec sa femme et ses trois enfants, il travaille au sein du CIPCRE (pour Centre international pour la promotion de la création), une petite ONG également implantée au Bénin et au Tchad. « Je m’occupe notamment d’ouvrir les gens à la dimension théologique de nos actions en faveur du développement, contre la violence domestique ou l’insécurité ». Ce pasteur vaudois représente le nouveau visage de la mission, où les postes de longue durée n’excèdent pas cinq ou six ans. « Pour notre part, ça se termine en 2005. Je trouve que c’est une bonne durée. Sinon, en tant qu’étranger, on a tendance à trop marquer un projet qui doit, au contraire, rester celui des gens sur place ».

Après un long séjour en Inde, plusieurs voyages en Asie, un engagement de bonne heure dans le volontariat, cette parenthèse à l’étranger constituait une évidence pour le couple. « Quand je suis parti, je ne voulais pas être celui arrive comme le missionnaire typique, avec la Bonne Nouvelle en poche. La mission a évolué. Nous sommes capables de nous mettre à l’écoute du Sud qui a aussi quelque chose à nous apporter ». Le CIPCRE n’est pas directement intégré dans une Eglise, contrairement à l’imprimerie de Morija, mais Reto Gmünder y travaille en tant que pasteur, clairement « au service de l’Evangile ». Quel regard porte-t-il sur les missionnaires laïcs ? « Certains se rendent compte qu’ils oeuvrent pour les Eglises, d’autres pas du tout. Cette dimension me paraît importante dans le contexte africain beaucoup moins laïque qu’en Occident, où les gens ont des attentes dans ce domaine aussi ».