Dépouillée de ses légendes, Marie gagne en humanité

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Dépouillée de ses légendes, Marie gagne en humanité

18 août 2004
Marie, mère de famille nombreuse : Jacques Duquesne s’appuie sur les recherches des meilleurs spécialistes de notre temps - historiens, biblistes et exégètes - , pour mener son enquête sur la mère de Jésus
Il en fait une femme comme les autres, au cœur de la foi chrétienne. Le dogme en prend un coup, les femmes peuvent respirer.Dépouillée de ses légendes, Marie gagne en humanité

Jacques Duquesne, écrivain catholique, a osé briser le tabou. En s’attaquant à la figure de Marie et en évoquant ouvertement les frères et sœurs de Jésus, son fils premier-né, alors même que le pape célébrait à Lourdes le 150e anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception, Jacques Duquesne s’est fait des ennemis, mais a réussi un coup de maître : son ouvrage est un passionnant succès de librairie. Et un livre qui réconcilie celles qui voyaient dans la figure mariale un modèle inaccessible et infériorisant, faisant d’elles des mères ou des putains. Marie, dans la perspective de Duquesne, n’est plus une femme contre les femmes.

L’écrivain mène une rigoureuse enquête sur la véritable figure de Marie, singulièrement absente des Evangiles - Matthieu et Marc ne lui consacrent que 17 versets - basée sur les travaux des meilleurs spécialistes actuels. Il en dresse un portrait attachant et lumineux, loin de la Vierge éthérée qui aurait fait voeu de virginité perpétuelle dans des temps où les femmes de la Bible ne vivaient que pour procréer, craignant, si elles n’engendraient pas, de pécher contre Dieu.

L’auteur rappelle que Pierre et Paul annoncent Jésus comme le Messie, le Seigneur, le Fils de Dieu mais ne s’intéressent à aucun moment aux conditions de sa naissance. Le judaïsme ne tenait pas la virginité en haute estime, les rabbins recommandant au contraire de se marier au plus vite. Pour les premières communautés chrétiennes, la conception virginale n’était pas un fait essentiel. Jacques Duquesne souligne qu’il est difficile de croire à la fois en l’Incarnation et en la conception virginale. Pour que Jésus soit un « vrai homme », il est indispensable qu’il soit né d’un père humain et d’une mère humaine, l’intervention de l’Esprit Saint n’étant pas charnelle. « C’est grâce à l’intervention de l’Esprit Saint que l’union de Joseph et de Marie entraîne la naissance d’un humain hors du commun ».Marie désincarnée Pour bien marquer la divinité de Jésus, toute la tradition de l’Eglise va « spiritualiser » Marie et la désincarner peu à peu au cours des siècles. Justin, Ambroise, Origène, Saint Jérôme et Saint Augustin vont propager l’idée de la virginité perpétuelle de Marie. Saint Jérôme, obsédé par la pureté charnelle, opèrera une mise à l’écart des femmes à travers la figure mariale et inspirera la règle de n’admettre parmi les prêtres que des hommes vierges ou qui s’engageraient à s’abstenir de relations sexuelles. Quant à Saint Augustin, il maudit l’existence d’Eve, par qui le péché est arrivé et lui oppose la pureté de Marie qui rachète les péchés de la première femme. « Alors que tout désignait Marie pour être une femme accomplie, ces hommes en ont fait une femme contre les femmes », écrit Jacques Duquesne qui a mesuré à quel point la figure de Marie a empoisonné les femmes et hypothéqué leur condition. Il poursuit : « On ne peut plus nier aujourd’hui qu’elle fut, au contraire, une mère de famille nombreuse ».

Jacques Duquesne cherche à comprendre ce qui s’est passé pour que les frères et sœurs de Jésus, notamment Jacques, soient passés sous silence. Est-ce la peur des premières communautés chrétiennes de voir la famille de Jésus, notamment Jacques, qui dirigeait alors l’Eglise de Jérusalem, accaparer le pouvoir ? Sa démonstration, soigneusement étayée et annotée, est convaincante mais heurte forcément le cœur des catholiques attachés plus que jamais à la Vierge à laquelle Jean-Paul II voue une dévotion personnelle toute particulière.UtileMarie, Jacques Duquesne, 227 pages, juin 2004, éd. Plon.