Crise de l'Eglise protestante de Genève :Roland Benz, le nouveau " pasteur des pasteurs" a du pain sur la planche

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Crise de l'Eglise protestante de Genève :Roland Benz, le nouveau " pasteur des pasteurs" a du pain sur la planche

10 septembre 2004
Roland Benz, le nouveau modérateur de la Compagnie des pasteurs depuis jeudi passé, entre en fonction en pleine tourmente : l’Eglise protestante de Genève s’apprête à licencier ces jours-ci 11 pasteurs et diacres pour rééquilibrer ses finances mises à mal par la baisse des dons, sa seule source de revenus
Le choc est rude. Le travail d’accompagnement du « pasteur des pasteurs » va prendre tout son sens. Portrait.En 1997, ils étaient 98 ministres en poste dans le canton de Genève ; en 2004, l’effectif est tombé à 71. Cette forte diminution, due essentiellement à la non repourvue des postes laissés vacants par des départs à la retraite, ne suffit pourtant pas à combler l’important déficit de l’Eglise protestante genevoise. Il faut encore supprimer 11 postes. Les lettres de licenciement vont être envoyées ces prochains jours. La situation est tendue. Le nouveau modérateur qui vient d’être installé solennellement lors d’une célébration à la cathédrale Saint-Pierre, n’aura à l’évidence pas la tâche facile. S’il n’est pour rien dans les choix qui ont été arrêtés par le Conseil de l’Eglise, et dont il a été soigneusement tenu à l’écart, il devra faire face à la colère, être à l’écoute de ceux qui ont été largués, les aider à reprendre pied. « Comment ne pas être abattu dans une telle situation ! », commente-t-il, sobre. Il s’est assuré que de sérieuses mesures d’accompagnement ont été prévues et se tient à disposition de chacun, prêt à envisager avec les personnes concernées leur avenir professionnel, à chercher avec elles des débouchés en Suisse Romande (dans certains cantons, à Neuchâtel notamment, il y a pénurie de ministres), ou à préparer une reconversion professionnelle, une réalité qu’il connaît bien pour l’avoir lui-même choisie.Le prof de physique devient pasteurRoland Benz fut un professeur de physique « heureux » comme il le dit lui-même avant de décider, en homme de foi engagé, de reprendre des études de théologie. Issu des milieux évangéliques dont il s’est distancié, il a toujours cherché à vivre son engagement chrétien de façon concrète et quotidienne. Dans les années 70, il a participé à la création de communautés de maison, où l’on se retrouve pour prier, méditer et partager un repas en dehors des cultes dominicaux. Il a mis sur pied des ateliers de théologie, s’est investi auprès des jeunes, a organisé à leur intention des camps de ski et d’artisanat, fait de sa maison l’auberge du Bon Dieu où il a accueilli à l’année des étudiantes ; il s’est engagé dans sa paroisse de Plan-les-Ouates, en a présidé le Conseil. Sa décision de reprendre des études était audacieuse, ses 3 enfants avaient alors entre 16 et 20 ans. Il a fait le grand saut et travaillé d’arrache-pied pendant 4 ans.

Sa licence de théologie en poche, il est engagé par l’Eglise protestante de Genève pour animer le Service Jeunesse. La fréquentation des Jeunesses Paroissiales était alors en chute libre. Il invente de nouvelles activités, monte avec des jeunes des comédies musicales, exigeant de tous les participants d’accepter d'entrer dans une démarche spirituelle ; avec la complicité d’un animateur de jeunesse, Philippe von Aesch, il redonne vie au temple de Plainpalais, alors inutilisé et « rempli de vent » ; Il y ouvre le Back Nef Café, qui devient un rendez-vous prisé des jeunes. Un deuxième pasteur, Blaise Menu, rejoint bientôt l’équipe du Back Nef Café. Ainsi qu’un autre animateur, dont le salaire est assuré par des dons que l’équipe a réussi à trouver. Pour les cabarets du vendredi soir, les formations musicales et les groupes d’animation se bousculent au portillon. La convivialité du lieu n’est plus à faire et son engagement spirituel affiché: le dimanche soir, on y célèbre un culte, qui réunit de 40 à 80 jeunes.

Roland Benz continuera de travailler à la cause des jeunes au sein de l’Eglise genevoise, sa fonction de modérateur de la Compagnie des pasteurs lui en laissant théoriquement le temps, une fois la crise de la restructuration un peu calmée.

Pour lui, les temps de crise sont souvent porteurs de renouveau: or il estime qu’il est urgent de repenser la vie de l’Eglise différemment, aussi bien sur le plan paroissial qu'au niveau d'une présence visible dans la ville de façon différente et visible, avec des lieux de vie bien typés où développer des dynamiques de témoignages de vie communautaire, pouvant toucher une population plus large mais également ciblée. Pas question toutefois d’abandonner la présence discrète et solidaire auprès des gens qui souffrent ni d’abandonner le culte. « Il est important de célébrer le Seigneur ensemble, de se situer devant Dieu et devant les autres. C’est un moment symbolique fort qu’il ne faut surtout pas abandonner sous peine de voir disparaître l’Eglise protestante réformée ! ».

Malgré les remous qui secouent son Eglise, Roland Benz se montre confiant. Il évoque sa relation à Dieu." J’appartiens à ce Dieu d’amour tel que le Christ nous le révèle, je sais que nous sommes aimés d’un amour qui nous dépasse, qui est source de joie et de paix. Je Lui fais confiance, même s’Il me surprend à chaque fois, qu’Il est toujours différent de celui que j’imagine, qu’Il me bouscule et me remet perpétuellement en question ».