Elections sur un campus de Chicago:Dieu n'est ni républicain ni démocrate !
11 octobre 2004
Depuis l’Europe, les protestants évangéliques apparaissent comme l’un des appuis les plus puissants à la réélection de George W
Bush. Au Wheaton College, une université évangélique de la banlieue de Chicago, la situation paraît plus nuancée. Certes la majorité des étudiants votera pour le président sortant le 2 novembre prochain, mais les démocrates pointent le nez. Enquête de notre envoyé spécial. "C’est la première fois que je placarde un autocollant à l’arrière de ma voiture. Mettre l’autocollant « Bush-Cheney » représente pour moi une démarche importante ». Curtis Isakson a 20 ans. Il préside aux destinées du club républicain du Wheaton College, une université protestante évangélique de 3000 étudiants dans la banlieue de Chicago. Cet étudiant en sciences politiques fait partie de ces bataillons de chrétiens évangéliques qui voteront G.W. Bush le 2 novembre prochain.
Débora Tiénou votera, elle, démocrate. Cette Afro-américaine étudie aussi au Wheaton College, avec l’anglais comme branche principale. Cette jeune femme francophone est née à New York, de parents émigrés du Burkina Faso. Depuis 4 ans, ils sont citoyens américains, ce qui permettra à Débora de glisser pour la première fois un bulletin dans l’urne en novembre prochain. « J’ai adhéré au club démocrate, récemment réactivé au Wheaton College, parce que ce parti se soucie de questions sociales comme le respect des droits humains », relève-t-elle.
Des origines bien différentes
Bien que comptant parmi les quelque 3000 étudiants de ce que l’on appelle communément le « Harvard évangélique », Curtis et Débora ne sont pas issus du même milieu. Curtis Isakson vient du Tennessee, un Etat du sud des Etats-Unis, de cette fameuse « Bible Belt » marquée très fortement par le protestantisme évangélique et fondamentaliste. Il est lui-même membre de la seule Eglise protestante qui a soutenu George W. Bush dans sa guerre en Irak, la Convention baptiste du Sud. Curtis possède sur le campus une splendide voiture européenne, flambant neuve, de couleur noire. « C’est vrai que ma famille a été bénie financièrement par Dieu », relève-t-il, lorsqu’on lui demande comment un étudiant de 20 ans a les moyens de rouler dans un tel véhicule.
Débora, elle, n’a pas de voiture sur l’un des parkings du campus. Mais elle a l’Afrique et le Burkina Faso, le pays de ses grands-parents, dans son cœur. Elle est membre d’une Eglise évangélique libre d’une petite ville à une heure de Chicago, où son père est professeur de théologie dans une faculté renommée, la Trinity University. Débora ne se sent pas mal à l’aise sur ce campus qui respire l’opulence américaine de protestants blancs nantis. Son engagement chrétien constitue un élément essentiel de son existence, de sorte qu’elle souhaite bénéficier de la meilleure éducation chrétienne possible. « Le message du Christ, relève-t-elle, nous pousse à la solidarité avec les plus pauvres. Ici au Wheaton College, beaucoup d’étudiants sont fortunés. Faire retentir un message de solidarité est fondamental, et les étudiants sont loin d’y être insensibles ».
Plus de 70% des étudiants voteront Bush
Le 2 novembre prochain, selon un sondage effectué par « The Record of Wheaton », l’hebdomadaire du collège, plus de 70 % des étudiants devraient glisser le ticket Bush-Cheney dans les urnes et 11 pour-cent le ticket Kerry-Edwards. Comme ailleurs aux Etats-Unis, les questions d’éthique individuelle sont décisives pour beaucoup de ces évangéliques dans l’octroi de leur suffrage aux républicains. Curtis Isakson partage cette orientation de fond. La clarté du non du président Bush à l’avortement et au mariage homosexuel emporte son adhésion, même s’il considère que c’est aussi pour des raisons économiques qu’il votera républicain. Pour ce baptiste du Sud, les homosexuels doivent toutefois bénéficier d’une « union civile ». « Ils ont besoin d’une protection de la loi, explique-t-il, mais cette union ne doit pas s’appeler « mariage ». Ce terme devrait rester l’apanage des seules unions hétérosexuelles ». Curtis se montre aussi critique face à sa propre Eglise. Il reproche à la Convention baptiste du Sud de mêler religion et politique. « Elle devrait plutôt séparer ces deux plans, tenter de promouvoir la réflexion sur les questions de fond et se garder de soutenir certains candidats ».
Débora Tiénou n’est pas insensible aux prises de position morales du locataire actuel de la Maison-Blanche, mais, pour elle, il y a d’autres sujets qui devraient mériter toute l’attention de la communauté évangélique américaine : le pourrissement de la guerre en Irak et une meilleure sécurité sociale. Comme les membres du club républicain du Wheaton College, Debora profitera d’un de ses prochains samedis de libre pour aller battre la campagne dans un Etat voisin de l’Illinois où se trouve la ville de Wheaton: le Wisconsin. Cet Etat est considéré par les politologues comme indécis, même si, selon Curtis Isakson, les républicains devraient l’emporter
Dieu : ni républicain, ni démocrate
« Nous ne sommes ni républicains ni démocrates, nous nous voulons non partisans », affirme avec insistance Duane Litfin, le président du Wheaton College. Dans son bureau, au deuxième étage du bâtiment Blanchard, du nom du fondateur de cette prestigieuse université en 1860, ce théologien de formation rappelle que, d’après des sondages, les étudiants qui sortent de son institution avec des convictions républicaines sont moins nombreux que ceux qui y entrent. «De plus, ajoute-t-il, même si nous accueillons une large proportion d’étudiants proches des républicains, nous évitons tout engagement politique de notre université et nous n’accueillerons jamais sur le campus de candidat en campagne électorale. Si nous le faisions, nous ferions appel en même temps aux autres candidats en campagne». Depuis plusieurs semaines, l’hebdomadaire de l’université vient renforcer ce désir de positionner Wheaton au-dessus de la mêlée politicienne. Il publie une publicité de « Sojourners », une association évangélique de gauche. Sur une pleine page, on peut lire : « Dieu n’est ni républicain, ni démocrate ! »
Débora Tiénou votera, elle, démocrate. Cette Afro-américaine étudie aussi au Wheaton College, avec l’anglais comme branche principale. Cette jeune femme francophone est née à New York, de parents émigrés du Burkina Faso. Depuis 4 ans, ils sont citoyens américains, ce qui permettra à Débora de glisser pour la première fois un bulletin dans l’urne en novembre prochain. « J’ai adhéré au club démocrate, récemment réactivé au Wheaton College, parce que ce parti se soucie de questions sociales comme le respect des droits humains », relève-t-elle.
Des origines bien différentes
Bien que comptant parmi les quelque 3000 étudiants de ce que l’on appelle communément le « Harvard évangélique », Curtis et Débora ne sont pas issus du même milieu. Curtis Isakson vient du Tennessee, un Etat du sud des Etats-Unis, de cette fameuse « Bible Belt » marquée très fortement par le protestantisme évangélique et fondamentaliste. Il est lui-même membre de la seule Eglise protestante qui a soutenu George W. Bush dans sa guerre en Irak, la Convention baptiste du Sud. Curtis possède sur le campus une splendide voiture européenne, flambant neuve, de couleur noire. « C’est vrai que ma famille a été bénie financièrement par Dieu », relève-t-il, lorsqu’on lui demande comment un étudiant de 20 ans a les moyens de rouler dans un tel véhicule.
Débora, elle, n’a pas de voiture sur l’un des parkings du campus. Mais elle a l’Afrique et le Burkina Faso, le pays de ses grands-parents, dans son cœur. Elle est membre d’une Eglise évangélique libre d’une petite ville à une heure de Chicago, où son père est professeur de théologie dans une faculté renommée, la Trinity University. Débora ne se sent pas mal à l’aise sur ce campus qui respire l’opulence américaine de protestants blancs nantis. Son engagement chrétien constitue un élément essentiel de son existence, de sorte qu’elle souhaite bénéficier de la meilleure éducation chrétienne possible. « Le message du Christ, relève-t-elle, nous pousse à la solidarité avec les plus pauvres. Ici au Wheaton College, beaucoup d’étudiants sont fortunés. Faire retentir un message de solidarité est fondamental, et les étudiants sont loin d’y être insensibles ».
Plus de 70% des étudiants voteront Bush
Le 2 novembre prochain, selon un sondage effectué par « The Record of Wheaton », l’hebdomadaire du collège, plus de 70 % des étudiants devraient glisser le ticket Bush-Cheney dans les urnes et 11 pour-cent le ticket Kerry-Edwards. Comme ailleurs aux Etats-Unis, les questions d’éthique individuelle sont décisives pour beaucoup de ces évangéliques dans l’octroi de leur suffrage aux républicains. Curtis Isakson partage cette orientation de fond. La clarté du non du président Bush à l’avortement et au mariage homosexuel emporte son adhésion, même s’il considère que c’est aussi pour des raisons économiques qu’il votera républicain. Pour ce baptiste du Sud, les homosexuels doivent toutefois bénéficier d’une « union civile ». « Ils ont besoin d’une protection de la loi, explique-t-il, mais cette union ne doit pas s’appeler « mariage ». Ce terme devrait rester l’apanage des seules unions hétérosexuelles ». Curtis se montre aussi critique face à sa propre Eglise. Il reproche à la Convention baptiste du Sud de mêler religion et politique. « Elle devrait plutôt séparer ces deux plans, tenter de promouvoir la réflexion sur les questions de fond et se garder de soutenir certains candidats ».
Débora Tiénou n’est pas insensible aux prises de position morales du locataire actuel de la Maison-Blanche, mais, pour elle, il y a d’autres sujets qui devraient mériter toute l’attention de la communauté évangélique américaine : le pourrissement de la guerre en Irak et une meilleure sécurité sociale. Comme les membres du club républicain du Wheaton College, Debora profitera d’un de ses prochains samedis de libre pour aller battre la campagne dans un Etat voisin de l’Illinois où se trouve la ville de Wheaton: le Wisconsin. Cet Etat est considéré par les politologues comme indécis, même si, selon Curtis Isakson, les républicains devraient l’emporter
Dieu : ni républicain, ni démocrate
« Nous ne sommes ni républicains ni démocrates, nous nous voulons non partisans », affirme avec insistance Duane Litfin, le président du Wheaton College. Dans son bureau, au deuxième étage du bâtiment Blanchard, du nom du fondateur de cette prestigieuse université en 1860, ce théologien de formation rappelle que, d’après des sondages, les étudiants qui sortent de son institution avec des convictions républicaines sont moins nombreux que ceux qui y entrent. «De plus, ajoute-t-il, même si nous accueillons une large proportion d’étudiants proches des républicains, nous évitons tout engagement politique de notre université et nous n’accueillerons jamais sur le campus de candidat en campagne électorale. Si nous le faisions, nous ferions appel en même temps aux autres candidats en campagne». Depuis plusieurs semaines, l’hebdomadaire de l’université vient renforcer ce désir de positionner Wheaton au-dessus de la mêlée politicienne. Il publie une publicité de « Sojourners », une association évangélique de gauche. Sur une pleine page, on peut lire : « Dieu n’est ni républicain, ni démocrate ! »