Nouvelle montée de l'antisémitisme:Le psychanalyste Daniel Sibony remonte à l'origine du mal

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Nouvelle montée de l'antisémitisme:Le psychanalyste Daniel Sibony remonte à l'origine du mal

14 octobre 2004
Difficile de parler de l’antisémitisme, sous peine d’être taxé de tendancieux ou accusé de minimiser cette forme de racisme qui a repris vigueur ces temps-ci
Dans un essai qui vient de paraître, « l’énigme antisémite », le psychanalyste Daniel Sibony fait le point sur cette forme de racisme, réactivée depuis que l’Etat juif existe et que l’islam s’intègre en Europe. Le « politiquement correct » en prend un coup.L’an passé, 72 % des violences et menaces racistes ont visé des Juifs rien qu’en France. Cette statistique émane du rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Elle est en ça de la vérité. Les menaces et les violences contre les Maghrébins, elles, sont aujourd’hui minoritaires, contrairement à l’opinion qui prévaut.

«Tout l’establishment condamne les actes antisémites mais il ne peut les empêcher, constate, amer, Daniel Sibony, car cela l’amènerait à poursuivre leurs auteurs, essentiellement musulmans, donc à paraître raciste. Du coup, il laisse faire l’antisémitisme qui est la racine même de tout racisme en tant que haine identitaire ».

Dans un récent numéro de l’hebdomadaire l’Express, l’écrivain est allé plus loin, déclarant que « la seule issue pour les gens qui ont un pouvoir, ce serait d’être honnête, d’appliquer la loi, et non pas d’appliquer comme une compresse leurs bons sentiments sur la plaie des uns ou des autres ».

L’écrivain cerne le pourquoi de la fixation sur les Juifs d’une haine et d’une malédiction qui ont traversé les siècles et ose une analyse sur le partage des origines entre Juifs et musulmans qu’il avait esquissée dans son précédent ouvrage « Nom de Dieu ». Il souligne que le texte coranique repose sur le rejet des Juifs, à qui l’islam a emprunté l’Ancien Testament. Un emprunt qu’il estime mal assumé, ce qui a entraîné l’expulsion des Juifs, dépositaires de ce premier texte sacré.

« Le vrai problème ne tient pas au « plagiat » mais au fait qu’on se sente tenu de maudire ceux qu’on a plagiés », analyse Daniel Sibony. «Dans une transmission, celui qui arrive « après » veut, non pas prendre la suite, reconnaître sa dette envers celui qui venait « avant » et ouvrir un nouveau chemin, mais prendre la place de celui-ci et se poser comme la version réussie du premier, lequel est jugé comme raté, donc à exclure », analyse-t-il. Il rappelle aussi que la vindicte antijuive du Coran vient de très loin, qu’elle a largement précédé la création de l’Etat d’Israël mais qu’elle a été révélée au grand jour par les politiques israélienne et américaine tout à fait désastreuses. « Le conflit du Proche-Orient n’est pas un épisode gênant ou un terrible prétexte, c’est le lieu même où aujourd’hui l’affect antijuif se cherche et se trouve », estime encore l’auteur, qui risque une hypothèse : «Le monde arabo-musulman se serait servi des Palestiniens inconsciemment, en toute innocence, pour écluser sa haine des Juifs sans avoir à la reconnaître ». Et les pacifistes aujourd’hui lui auraient emboîté le pas, eux aussi en toute bonne foi. L’analyse détonante de Daniel Sibony fait grincer des dents, mais elle a le mérite de sortir du langage consensuel et de forcer à réfléchir à cette haine qui implique qu’on fonde sa propre valeur sur la non valeur de l’autre. Une haine très répandue aujourd’hui.L’énigme antisémite, Daniel Sibony, éd. Le Seuil, 171 pages, septembre 2004.