Méli-mélo familial: sortir des liens qui étouffent

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Méli-mélo familial: sortir des liens qui étouffent

5 novembre 2004
S’aimer et chercher l’épanouissement personnel de chacun est devenu le nouveau credo familial
Thérapeute de famille, le psychiatre Serge Hefez voit arriver dans son cabinet des cohortes de familles en crise, empêtrées dans des liens inextricables. De sa pratique, il a tiré un livre « Quand la famille s’emmêle », où il propose des pistes pour concilier les acquis d’autrefois avec la conquête de la liberté, et pour éviter aussi bien l’excès d’autorité que son absence. Notes de lecture.Familles contemporaines : comment éviter les dérives fusionnelles

Nous avons tous, dans notre petite mythologie personnelle, une image idéale et idéalisée de ce qui nous paraît être une famille « normale », voire parfaite. Une de nos illusions est de croire que l’amour en famille suffit à fonder notre identité et donne tout sons sens à notre existence. Pour le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez, c’est au contraire le sentiment d’appartenance qui constitue l’être humain. « C’est le groupe qui fonde l’individu et non le sentiment amoureux, rappelle-t-il, toute famille, de la plus simple à la plus complexe, s’ancre dans une histoire, perpétue des traditions, intègre des règles, des mythes, des croyances, qui se concrétisent par des obligations et des contraintes ».

L’auteur analyse les nouvelles valeurs de la famille, basées sur la démocratie et la défense des libertés et des égalités qui ignorent toute notion de hiérarchie, ne lèguent aucune tradition et sont d’une redoutable complexité. Dans cette perspective, la relation à l’enfant s’appuie sur la confiance réciproque, l’estime, l’amour inconditionnel, une fusion souvent inconsciente, qui peut aboutir à une confusion extrême des générations et des sentiments.

La famille ne favorise plus l’apprentissage des usages et des règles qui permettent la coexistence collective mais fonctionne à l’affectif. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’éduquer l’enfant mais de l’aider à s’épanouir. Les parents n’osent plus exercer d’autorité, doutant de la légitimité de leur pouvoir. Ils confondent la tyrannie qui empêche et interdit, et l’autorité qui permet et autorise. Ils craignent les conflits par-dessus tout, estimant à tort qu’ils vont à l’encontre du rapport affectif. Or, rappelle Serge Hefez, les conflits, inhérents à toute relation, ne mènent pas à la destruction des liens, mais permettent au contraire de les construire.

Trop absorbés par leur besoin de plaire et de se faire aimer, fascinés par le style adolescent et le jeunisme ambiant, les parents, estime l’auteur, sont en train de faire fausse route et d’emmêler les liens familiaux rendus encore plus compliqués par la géographie complexe des familles recomposées. « La crise d’adolescence généralisée qui frappe toutes les générations en même temps et abolit les frontières, empêche en vérité l’inévitable séparation entre enfants et adultes ».

Serge Hefez propose des pistes très concrètes pour aider les familles à dessiner de nouvelles formes de liens qui unissent sans étouffer, à réapprendre certaines règles de base permettant d’élever des êtres aptes à vivre en société et à éviter le tout affectif, qui porte en soi des tensions et des violences destructrices.

Serge Hefez, "Quand la famille s'emmêle", 298 pages, octobre 2004, éd. Hachette.