Oui au pacs, non au mariage homosexuel: L'éthicien Denis Müller prend position
Oui au pacs, mais non au mariage homosexuel ! Voilà en substance la position que défend le théologien protestant Denis Müller avant la votation du 5 juin prochain. Professeur d’éthique à l’Université de Lausanne, Denis Müller participe depuis de nombreuses années au débat sur le partenariat enregistré pour personnes de même sexe. « L’avantage de ce qui a été mis en place en Suisse, relève-t-il, c’est qu’on a clairement distingué entre le partenariat enregistré et le mariage ». La Suisse se pose franchement la question des couples homosexuels, alors que dans d’autres pays on a refusé de la poser. « En France par exemple, explique Denis Müller, on a cherché à noyer le débat autour de l’homosexualité en élaborant un partenariat pour frère et soeur vivant ensemble, pour concubins hétérosexuels... et pour homosexuels. »
Une nouvelle institution à créerSelon Denis Müller, notre société reconnaît des institutions qui constituent des idéaux pour notre vivre ensemble. Même décrié et malmené, le mariage compte parmi ces institutions. Dans le débat autour de la votation du 5 juin, il s’agit de reconnaître une nouvelle institution spécifique pour le partenariat homosexuel, avec des effets semblables à ceux du mariage, mais sans confondre les deux institutions.
Pour le théologien protestant, les chrétiens sont pris en tenaille entre deux séries d’arguments. D’un côté des arguments indirects comme l’amour du prochain ou le respect de l’homosexuel et, de l’autre, une tradition biblique et théologique franchement défavorable à l’homosexualité. Pour Denis Müller, il ne s’agit pas ici de se voiler la face : la Bible ne présente aucune légitimation du couple homosexuel. Certains veulent voir dans l’amitié entre le futur roi David et Jonathan le paradigme d’une relation homosexuelle, mais aucun argument décisif n’emporte la mise. « Souvent dans ces débats, ajoute l’éthicien romand, on maltraite les textes bibliques pour leur faire dire ce qui nous arrange. »
En fait, il s’agit pour les chrétiens de vivre en tension entre des arguments contradictoires. « Dieu ne me dit pas ce qu’il faut faire socialement avec les homosexuels, mais l’Evangile m’aide à adopter une attitude juste à l’endroit de personnes qui peuvent être des voisins, des amis et des membres de ma propre famille. » Le seul retour à une tradition ne permet pas à Denis Müller d’aller chercher des réponses aux grandes questions éthiques d’aujourd’hui. « Une telle démarche est importante, mais elle ne nous empêche pas de vivre une « école d’intranquillité » et d’exister parfois sans filet, alors que nous souhaiterions fonder notre opinion sur des certitudes définitives », ajoute l’éthicien protestant.
Denis Müller votera donc oui le 5 juin prochain à la mise en place d’une nouvelle institution pour les couples homosexuels. L’égalité entre couple de même sexe ou de sexe différent lui paraissant un argument fondamental à l’acceptation du partenariat. « Personne ne nie à un homosexuel le droit de rendre visite à son compagnon à l’hôpital ou en prison. On peut ne pas souscrire à l’homosexualité et, dans le même temps, reconnaître que ce droit doit exister dans notre législation pour les partenaires de même sexe. »
Il demeure toutefois important de ne pas assimiler ces deux formes de conjugalité. « En tant qu’hétérosexuel, lance Denis Müller, je suis choqué quand on dit que vivre avec une personne de son sexe, c’est la même chose que vivre avec quelqu’un de l’autre sexe ! » L’idéologie du politiquement correct aujourd’hui voudrait nous faire croire que tout est égal. Mais ce n’est pas vrai ! Les enfants naissent de couples hétérosexuels et ce n’est pas indifférent pour une société de reconnaître que des couples sont au bénéfice d’une filiation, d’autres pas ! « Je suis un partisan résolu de la reconnaissance de la différence sexuelle, ajoute Denis Müller. La nier, comme le font beaucoup aujourd’hui, me paraît faire peu de cas d’une donnée anthropologique fondamentale. » Ces convictions poussent l’éthicien romand à se montrer très réservé à l’endroit de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels comme à l’endroit de la procréation médicalement assistée pour des lesbiennes. « Comment ces couples-là seront-ils à même de gérer la présence de l’autre sexe dans leur couple ?, s’interroge-t-il. Tout enfant a besoin de connaître le nom de son père ou d’être au fait de sa double origine pour se constituer personnellement. »