Plus de 20 ans de travail oecuménique en Amérique latine :Le témoignage d’un homme de terrain sur la crise bolivienne
4 avril 2005
Depuis 29 ans en Bolivie, où il a fondé le Centre de théologie populaire, puis l’Institut supérieur œcuménique andin de théologie (ISEAT), le pasteur originaire de Lutry (VD) Matthias Preiswerk est de passage ces jours-ci en Suisse romande
L’occasion de faire le point sur son engagement en Amérique latine, dans le droit fil de la théologie de la libération et dans un esprit œcuménique jamais démenti et d’évoquer aussi la fulgurante montée du pentecôtisme. Plus de 20 ans de travail oecuménique en Bolivie :
Le témoignage d’un homme de terrain sur la crise bolivienne
Depuis 29 ans en Bolivie, où il a fondé le Centre de théologie populaire, puis l’Institut supérieur œcuménique andin de théologie (ISEAT), le pasteur originaire de Lutry (VD) Matthias Preiswerk est de passage ces jours-ci en Suisse romande. L’occasion de faire le point sur son engagement en Amérique latine, dans le droit fil de la théologie de la libération et dans un esprit œcuménique jamais démenti et d’évoquer aussi la fulgurante montée du pentecôtisme.
C’est un pays en pleine crise politique et sociale que Matthias Preiswerk a quitté début mars. L’enjeu, la réappropriation par la Bolivie de son gaz naturel, seule richesse du pays, actuellement aux mains des compagnies étrangères qui l’exploitent. Un projet de loi sur les hydrocarbures, fort controversé, a précipité le pays dans la tourmente. Il est vu d’un très mauvais œil par les compagnies transnationales qui menacent de quitter le pays, et il oppose le Parlement au président Carlos Mesa. Ce dernier a présenté sa démission le 6 mars dernier, qui lui fut refusée par le Congrès.
Quand le président Carlos Mesa, homme de centre-droit et figure indépendante de la politique bolivienne, a choisi de présenter sa démission, il a tablé sur le réel appui populaire dont il jouit. Le Congrès a refusé sa démission. Il se retrouve coincé entre l’appui de la population qui veut que le gaz du pays soit en quelque sorte nationalisé et non pas exporté aux Etats-Unis via le Chili, et la droite gouvernementale qui soutient les intérêts des grandes compagnies étrangères. Il est seul face à un Parlement qui lui est hostile et défend les intérêts économiques des transnationales. De plus, le Congrès ne veut pas des élections anticipées fixées au 28 août prochain par le président. Ces élections permettraient d’établir une nouvelle Constitution, de rééquilibrer le jeu politique entre les différents acteurs sociaux, de refondre la Bolivie sur la base d’un nouveau contrat social. Je tiens à rappeler que le pays est grand comme 25 fois la Suisse, mais qu’il est le plus pauvre de l’Amérique latine. Sur les hauts plateaux, la majorité de la population vit en général avec moins d’un dollar par jour. Il y a actuellement une importante polarisation sociale qui se combine avec des conflits ethniques et culturels, mais aussi avec des rivalités extrêmement fortes entre les régions des hauts plateaux et la région de Santa Cruz et de Tariga, qui jouissent, elles, d’un essor économique lié à l’exploitation du gaz. Dans ce contexte, il est particulièrement difficile de trouver des accords nationaux dans lesquels les différents groupes nationaux se reconnaissent».Vous avez été commencé en 1976 par être responsable de l’enseignement religieux des collèges méthodistes de Bolivie avant de fonder le Centre de théologie populaire à La Paz. Puis, envoyé du DM Echange et Mission, organisme missionnaire des Eglises réformées de Suisse romande, vous avez enseigné à l’Institut supérieur œcuménique andin de théologie (ISEAT) dont vous avez ensuite été le recteur jusqu’à fin 2004. Quelle théologie y avez-vous enseignée ? La théologie que nous enseignons se veut au service d’une réflexion sur l’identité culturelle indigène, mais aussi sur les problèmes de libération. Nous sommes liés de façon intime au dialogue œcuménique et interreligieux, c’est une de nos forces. Nos étudiants, dont 95 % sont en situation de survie et ne peuvent pas payer le coût de leur formation - se destinent au ministère pastoral, soit dans une Eglise méthodiste soit dans une Eglise pentecôtiste. Nous formons aussi des leaders de communautés de base. Nous avons largement ouvert notre enseignement aux étudiants pentecôtistes.Pourquoi ? Après leur conversation et l’enthousiasme du début, ils ressentent souvent le besoin d’acquérir des outils théologiques solides. Le pentecôtisme fait de fulgurantes avancées en Bolivie.Oui. Si la théologie de la libération a choisi les pauvres, ces derniers ont choisi le pentecôtisme pour se sortir d’affaire. Il faut d’ailleurs faire une distinction entre le pentecôtisme et le néo-pentecôtisme. Ce dernier est fortement lié à la théologie de la prospérité chère aux télévangélistes américains.Votre école peut-elle fonctionner sans un soutien financier extérieur ? Elle est complètement dépendante du financement des organisations et Eglises étrangères, Sans la solidarité que lui manifestent les Eglises méthodistes anglaises et américaines, les différentes missions suisses (DM Echange et Mission et Mission 21), mais aussi hollandaises et allemandes, elle ne pourrait pas exister. Grâce à ces aides, nous avons pu construire une institution sans devoir faire des compromis, c’est vraiment très important dans un pays où les pressions sont pratiques courantes.
Le témoignage d’un homme de terrain sur la crise bolivienne
Depuis 29 ans en Bolivie, où il a fondé le Centre de théologie populaire, puis l’Institut supérieur œcuménique andin de théologie (ISEAT), le pasteur originaire de Lutry (VD) Matthias Preiswerk est de passage ces jours-ci en Suisse romande. L’occasion de faire le point sur son engagement en Amérique latine, dans le droit fil de la théologie de la libération et dans un esprit œcuménique jamais démenti et d’évoquer aussi la fulgurante montée du pentecôtisme.
C’est un pays en pleine crise politique et sociale que Matthias Preiswerk a quitté début mars. L’enjeu, la réappropriation par la Bolivie de son gaz naturel, seule richesse du pays, actuellement aux mains des compagnies étrangères qui l’exploitent. Un projet de loi sur les hydrocarbures, fort controversé, a précipité le pays dans la tourmente. Il est vu d’un très mauvais œil par les compagnies transnationales qui menacent de quitter le pays, et il oppose le Parlement au président Carlos Mesa. Ce dernier a présenté sa démission le 6 mars dernier, qui lui fut refusée par le Congrès.
Quand le président Carlos Mesa, homme de centre-droit et figure indépendante de la politique bolivienne, a choisi de présenter sa démission, il a tablé sur le réel appui populaire dont il jouit. Le Congrès a refusé sa démission. Il se retrouve coincé entre l’appui de la population qui veut que le gaz du pays soit en quelque sorte nationalisé et non pas exporté aux Etats-Unis via le Chili, et la droite gouvernementale qui soutient les intérêts des grandes compagnies étrangères. Il est seul face à un Parlement qui lui est hostile et défend les intérêts économiques des transnationales. De plus, le Congrès ne veut pas des élections anticipées fixées au 28 août prochain par le président. Ces élections permettraient d’établir une nouvelle Constitution, de rééquilibrer le jeu politique entre les différents acteurs sociaux, de refondre la Bolivie sur la base d’un nouveau contrat social. Je tiens à rappeler que le pays est grand comme 25 fois la Suisse, mais qu’il est le plus pauvre de l’Amérique latine. Sur les hauts plateaux, la majorité de la population vit en général avec moins d’un dollar par jour. Il y a actuellement une importante polarisation sociale qui se combine avec des conflits ethniques et culturels, mais aussi avec des rivalités extrêmement fortes entre les régions des hauts plateaux et la région de Santa Cruz et de Tariga, qui jouissent, elles, d’un essor économique lié à l’exploitation du gaz. Dans ce contexte, il est particulièrement difficile de trouver des accords nationaux dans lesquels les différents groupes nationaux se reconnaissent».Vous avez été commencé en 1976 par être responsable de l’enseignement religieux des collèges méthodistes de Bolivie avant de fonder le Centre de théologie populaire à La Paz. Puis, envoyé du DM Echange et Mission, organisme missionnaire des Eglises réformées de Suisse romande, vous avez enseigné à l’Institut supérieur œcuménique andin de théologie (ISEAT) dont vous avez ensuite été le recteur jusqu’à fin 2004. Quelle théologie y avez-vous enseignée ? La théologie que nous enseignons se veut au service d’une réflexion sur l’identité culturelle indigène, mais aussi sur les problèmes de libération. Nous sommes liés de façon intime au dialogue œcuménique et interreligieux, c’est une de nos forces. Nos étudiants, dont 95 % sont en situation de survie et ne peuvent pas payer le coût de leur formation - se destinent au ministère pastoral, soit dans une Eglise méthodiste soit dans une Eglise pentecôtiste. Nous formons aussi des leaders de communautés de base. Nous avons largement ouvert notre enseignement aux étudiants pentecôtistes.Pourquoi ? Après leur conversation et l’enthousiasme du début, ils ressentent souvent le besoin d’acquérir des outils théologiques solides. Le pentecôtisme fait de fulgurantes avancées en Bolivie.Oui. Si la théologie de la libération a choisi les pauvres, ces derniers ont choisi le pentecôtisme pour se sortir d’affaire. Il faut d’ailleurs faire une distinction entre le pentecôtisme et le néo-pentecôtisme. Ce dernier est fortement lié à la théologie de la prospérité chère aux télévangélistes américains.Votre école peut-elle fonctionner sans un soutien financier extérieur ? Elle est complètement dépendante du financement des organisations et Eglises étrangères, Sans la solidarité que lui manifestent les Eglises méthodistes anglaises et américaines, les différentes missions suisses (DM Echange et Mission et Mission 21), mais aussi hollandaises et allemandes, elle ne pourrait pas exister. Grâce à ces aides, nous avons pu construire une institution sans devoir faire des compromis, c’est vraiment très important dans un pays où les pressions sont pratiques courantes.