Lausanne: congrès du GRAAP « Demain on sera vieux » :Arrêtons de monter les générations les unes contres les autres

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Lausanne: congrès du GRAAP « Demain on sera vieux » :Arrêtons de monter les générations les unes contres les autres

28 avril 2005
Vieillir, moi ? Jamais ! Le déni de la vieillesse entraîne le rejet des vieux qu’on accuse en vrac d’être trop nombreux, de vivre trop longtemps, - en réalité les retraités représentent 16,9% de la population en Suisse -, de coûter trop cher
Le dernier congrès du Groupe romand d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP) intitulé « Demain on sera vieux », qui s’est terminé ce jeudi 28 avril à Lausanne, a tenu à corriger le regard culpabilisant porté sur les « seniors ». Les intervenants ont pourfendu un certain nombre d’idées fausses et esquissé des pistes pour réinsérer la vieillesse dans la vie.La vieillesse ne fait pas recette. Le Congrès du Groupe romand d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP) n’a pas fait le plein. A croire que le sujet ne concernait qu’une minorité de gens. L’angoisse, elle, avait attiré la foule lors d’un précédent colloque organisé par le GRAAP. Sa directrice Madeleine Pont n’a pu s’empêcher de penser que le vieillissement génère une angoisse telle qu’on l’occulte tout simplement.

Mais au fait, quand la vieillesse débute-t-elle ? Comment repérer le moment où l’on attaque la dernière étape de sa vie ? « Commence-t-elle à l’âge auquel on a droit à l’AVS, quand la mémoire vous fait faux bond ou encore quand on doit lâcher le permis de conduire ? », s’interroge Angeline Fankhauser, ancienne conseillère nationale, coprésidente du Conseil suisse des aînés. « D’abord on est des jeunes retraités, puis des retraités tout court, puis des aînés, enfin on est des seniors. Façon moderne de désigner une catégorie dans laquelle on ne se reconnaît pas. Les vieux, c’est bien connu, ce sont de toute façon toujours les autres », rappelle l’oratrice. Pour elle, la notion d’âge de la vieillesse est en réalité dictée par le monde du travail. « On dit qu’on part à la retraite, qu’on prend sa retraite, mais on y est poussé ! ». s’exclame l’oratrice en verve.

La sortie de la vie professionnelle est de toute évidence aujourd’hui une césure qui exclut d’un monde. « On nous demande de n’embêter personne, poursuit Angeline Fankhauser, d’apprendre à lâcher prise. On nous dit que nous sommes trop nombreux, on calcule le nombre de lits supplémentaires qu’il faudra mettre à disposition dans les EMS. On nous fait comprendre que nous vivons trop longtemps. En réalité, on surestime la population âgée. Il y a en Suisse exactement 16,9% de gens à l’âge de la retraite ». La militante du Conseil des Aînés pointe l’utilisation qui est faite de la démographie pour faire croire que les vieux sont à l’origine des difficultés actuelles, et monter les générations les uns contre les autres. Elle évoque ce professeur saint gallois qui essaie d’attaquer les droits démocratiques des personnes âgées en proposant de limiter leurs droits civiques : « Il propose de donner trois quarts de voix aux personnes âgées et une voix et un quart aux jeunes ». Un autre projet dans l’air voudrait que les personnes âgées ne votent que sur des projets dont ils pourraient supporter les conséquences. « S’il est vrai que les vieux votent plus que les jeunes, c’est au sens civique des jeunes ou à son absence qu’il faut s’en prendre ! ».

La conférencière estime que l’allongement de la vie est un progrès social et une chance ; elle salue les conquêtes sociales qui ont permis de surmonter la grande indigence des vieillards et de rendre aux familles leur indépendance financière, ne devant plus supporter la charge financière de leurs aînés. « Il faut de toute urgence travailler à changer l’image des vieux discriminés et injustement dépréciés. Elle rappelle enfin que les retraités paient des impôts, consomment, participent largement au bénévolat, gardent souvent leurs petits-enfants. « Sans eux, que de crèches il faudrait ouvrir ! ».

Pour l’anthropologue Ilario Rossi, professeur à l’Université de Lausanne, il convient de changer le statut social de la personne âgée, tordre le cou à la mythologie du vieillard malade qui pèse sur la société, mais aussi arrêter d’en faire un objet d’études et de planification médicale. «Cessons de transformer la vieillesse en une communauté marginale caractérisée par des données pathologiques, on considère toutes les personnes âgées comme inaptes aux changements. Faisons de la gérontologie, pas de la gériatrie ! »

Travailler au-delà de 60 ansCoordinatrice de recherche « Les quatre piliers, association de Genève », centre de réflexion sur les assurances sociales, Geneviève Reday-Mulvey aborde la question du travail au-delà de soixante ans et estime qu’il est urgent de repenser l’activité professionnelle dans une société de longue vie et de « vieillissement actif ». Elle plaide pour la diversité des fins de carrière, une flexibilité du temps de travail plus grande et le choix de l’âge du départ. Elle estime qu’il faut revoir l’avenir de nos systèmes de retraite en tenant compte de ce qu’elle appelle « le vieillissement actif ». Elle plaide pour un travail souple à temps partiel qui permette d’allonger le temps de la vie active, tout en évitant un maximum de stress aux travailleurs vieillissants et en leur assurant une transition en douceur vers d’autres activités, familiales, volontariat, etc. « L’âge de la retraite n’est plus le moment où l’on se reconnaît comme vieux. C’est l’âge où l’on commence à souffrir d’incapacités », estime-t-elle.

A chacun son approche personnelle de l’âge fatidique, en tenant compte toutefois d’une donnée psychanalytique que nous souffle Jack Messy, psychanalyste, dans son livre » La personne âgée n’existe pas »; il risque une approche psychanalytique de la vieillesse et explique que l’âge n’intervient pas dans la psyché et que le rapport temporel est le fait du système conscient. « Les processus de l’inconscient sont hors du temps, poursuit-il, entre le vieux et soi, il y a l’épaisseur d’une peau ou d’une chimère ». A méditer pour mieux comprendre pourquoi on a cette fâcheuse tendance à escamoter la vieillesse, à l’expulser de l’histoire de toute une vie, à vouloir la voir comme un chemin de croix.