« Le christianisme n’a jamais été univoque »
23 juin 2005
Loin d’une homogénéité largement légendaire, les premières communautés chrétiennes furent d’une surprenante diversité
Vulgarisée dans un petit ouvrage dense, la thèse du professeur François Vouga interpelle à l’heure de l’individualisation de la foi. Cela semble désormais une évidence : loin de correspondre à une légendaire homogénéité, le christianisme primitif fut divers et multiple. Dans un petit livre reprenant et vulgarisant une thèse déjà ancienne,* François Vouga, professeur de Nouveau Testament et d’histoire des premiers christianismes à Bielefeld (Allemagne), renverse les perspectives : l’étonnant n’est pas cette diversité, mais « que tous, en dépit de la mosaïque infinie de leurs origines, sensibilités, conditions de vie, orientations théologiques, et même au prix de conflits douloureux, aient pu se reconnaître mutuellement dans une foi commune ».
La démarche de l’auteur est celle d’un historien, traquant les indices, recoupant les sources, comparant les textes. « La confession de foi que Paul cite dans sa première épître aux Corinthiens – en Co 15,3b-7 - est le plus ancien document qui témoigne des origines du christianisme », rappelle François Vouga. Ce passage confirne que les apparitions de Jésus ressuscité constituèrent le point de départ du christianisme. « Selon les groupes et les mouvements, cette proclamation de la résurrection reçut des interprétations diverses et des fonctions variées, mais tous s’en réclament comme d’un événement fondateur ». Le tournant du Ier siècleAprès la première Guerre juive (66-70 ap J-C), s’ouvre la plus riche période de production littéraire du christianisme. « D’ici au tournant du siècle paraissent les uns après les autres, et dans des lieux divers, les quatre évangiles ainsi que la plus grande partie de la littérature apostolique, des écrits composés et diffusés sous le nom des apôtres ». En quelques années, le christianisme a perdu ses figures fondatrices : Jacques, Pierre et Paul. Ces nouvelles lettres sont donc « liées à cette disparition et (...) retravaillent les thèmes de la première prédication chrétienne », en les développant et en les actualisant.
Second tournant dans la transmission des traditions relatives aux paroles et actes de Jésus, la rédaction des évangiles. Ceux-ci, contrairement à la collection des Logia ou à l’évangile non canonique de Thomas, « se présentent comme une histoire close ».
Le christianisme s’étend, arborant des visages multiples. Le judéo-christianisme demeure vivace dans la région du Jourdain. En Egypte se développe un courant gnostique à partir des écoles d’Alexandrie. L’épître aux Hébreux, par exemple, « laisse apparaître des références à l’Ancien Testament, mais également à la philosophie de Platon ». Le christianisme de Syrie, lui, produit l’évangile de Matthieu et l’épître de Jacques. A Corinthe, le christianisme est né de la prédication de Paul. Celui de Rome est le fruit de la tendance helléniste. Regroupés en Asie, les croyants johanniques commencent à se diviser et perdent de leur importance.
Bref, « l’histoire du christianisme ne se laisse pas reconstruire comme une évolution linéaire. Elle se constitue, dès l’origine, en une multiplicité de courants qui ont fréquemment interféré les uns sur les autres, ainsi que le montrent les débats menés par Paul dans ses lettres, ou les controverses rapportées par les évangiles ».
Selon François Vouga, la vision unanime de la communauté primitive transmise par les Actes des apôtres serait donc un « mythe fondateur » assurant la cohésion et le sens de l’histoire de l’Eglise. Car la pluralité originelle du christianisme résulte tout naturellement « de la diversité des gens qui, de la Galilée à Jérusalem, ont entendu la prédication de Jésus ».
Reste à comprendre comment est né le sentiment d’une appartenance commune au-delà de ces multiples réseaux. « La première idée est celle de la foi(...), acte de confiance individuel en un Dieu personnel révélé par un personnage historique, Jésus de Nazareth confessé comme Seigneur ». Ainsi, l’unité de la foi ne réside pas dans l’unanimité, « mais au contraire et précisément dans la reconnaissance de la singularité de chacun ». Cette vision trouve aujourd’hui un écho étonnant, à l’heure de l’individualisation de la spiritualité. UTILE
François Vouga, Le Christianisme à l’école de la diversité, éd. du Moulin
La démarche de l’auteur est celle d’un historien, traquant les indices, recoupant les sources, comparant les textes. « La confession de foi que Paul cite dans sa première épître aux Corinthiens – en Co 15,3b-7 - est le plus ancien document qui témoigne des origines du christianisme », rappelle François Vouga. Ce passage confirne que les apparitions de Jésus ressuscité constituèrent le point de départ du christianisme. « Selon les groupes et les mouvements, cette proclamation de la résurrection reçut des interprétations diverses et des fonctions variées, mais tous s’en réclament comme d’un événement fondateur ». Le tournant du Ier siècleAprès la première Guerre juive (66-70 ap J-C), s’ouvre la plus riche période de production littéraire du christianisme. « D’ici au tournant du siècle paraissent les uns après les autres, et dans des lieux divers, les quatre évangiles ainsi que la plus grande partie de la littérature apostolique, des écrits composés et diffusés sous le nom des apôtres ». En quelques années, le christianisme a perdu ses figures fondatrices : Jacques, Pierre et Paul. Ces nouvelles lettres sont donc « liées à cette disparition et (...) retravaillent les thèmes de la première prédication chrétienne », en les développant et en les actualisant.
Second tournant dans la transmission des traditions relatives aux paroles et actes de Jésus, la rédaction des évangiles. Ceux-ci, contrairement à la collection des Logia ou à l’évangile non canonique de Thomas, « se présentent comme une histoire close ».
Le christianisme s’étend, arborant des visages multiples. Le judéo-christianisme demeure vivace dans la région du Jourdain. En Egypte se développe un courant gnostique à partir des écoles d’Alexandrie. L’épître aux Hébreux, par exemple, « laisse apparaître des références à l’Ancien Testament, mais également à la philosophie de Platon ». Le christianisme de Syrie, lui, produit l’évangile de Matthieu et l’épître de Jacques. A Corinthe, le christianisme est né de la prédication de Paul. Celui de Rome est le fruit de la tendance helléniste. Regroupés en Asie, les croyants johanniques commencent à se diviser et perdent de leur importance.
Bref, « l’histoire du christianisme ne se laisse pas reconstruire comme une évolution linéaire. Elle se constitue, dès l’origine, en une multiplicité de courants qui ont fréquemment interféré les uns sur les autres, ainsi que le montrent les débats menés par Paul dans ses lettres, ou les controverses rapportées par les évangiles ».
Selon François Vouga, la vision unanime de la communauté primitive transmise par les Actes des apôtres serait donc un « mythe fondateur » assurant la cohésion et le sens de l’histoire de l’Eglise. Car la pluralité originelle du christianisme résulte tout naturellement « de la diversité des gens qui, de la Galilée à Jérusalem, ont entendu la prédication de Jésus ».
Reste à comprendre comment est né le sentiment d’une appartenance commune au-delà de ces multiples réseaux. « La première idée est celle de la foi(...), acte de confiance individuel en un Dieu personnel révélé par un personnage historique, Jésus de Nazareth confessé comme Seigneur ». Ainsi, l’unité de la foi ne réside pas dans l’unanimité, « mais au contraire et précisément dans la reconnaissance de la singularité de chacun ». Cette vision trouve aujourd’hui un écho étonnant, à l’heure de l’individualisation de la spiritualité. UTILE
François Vouga, Le Christianisme à l’école de la diversité, éd. du Moulin