Reconnaissance du martyre aborigène : L’espoir vient de la société civile

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Reconnaissance du martyre aborigène : L’espoir vient de la société civile

11 août 2005
Alors que vient de se dérouler la Journée internationale des peuples autochtones sous l’égide de l’ONU, rencontre à Caux avec le représentant de Journey of Healing, mouvement de réconciliation entre blancs et aborigènes auxquels le gouvernement australien refuse toujours des excuses officielles
Sorti en 2001, « Le Chemin de la liberté » a marqué des millions de spectateurs à travers le monde. Rythmée par la musique hypnotique de Peter Gabriel, la fuite de deux soeurs aborigènes à travers le Bush australien révélait au grand public une tragédie. « Durant 150 ans, et jusque dans les années 70, près de 50'000 enfants aborigènes ont été enlevés de force à leur famille pour être élevés comme des blancs », raconte John Bond.

En visite à Caux (VD), le secrétaire national du mouvement « Journey of Healing » a découvert tardivement l’ampleur de la souffrance et des crimes infligés par les colons anglo-saxons aux peuples indigènes qui occupaient l’Australie depuis des milliers d’années. En 1997, une commission nommée par le gouvernement de l’époque sort un rapport de 600 pages narrant le destin terrible de cette « génération volée ». « Avec stupeur, j’ai découvert en même temps que la plupart de mes compatriotes une partie honteuse de notre passé soigneusement cachée par les autorités depuis des décennies ».

Pour l’histoire officielle, en effet, les peuples aborigènes sont restés à l’âge de la pierre. C’est donc pour leur bien que les enfants étaient sortis de leur misère pour profiter d’une éducation anglo-saxonne. « Beaucoup d’entre nous avaient côtoyé l’un ou l’autre sur les bancs de l’école. Nous ignorions tout des maltraitances psychologiques, physiques, souvent sexuelles aussi qu’ils subissaient. En fait, nous ignorions tout du mode de vie aborigène et de la richesse de leur culture que les autorités cherchaient à briser ».Refus gouvernementalMais alors que l’émotion est vive sur tout le continent, les élections changent la donne gouvernementale. « L’ancien gouvernement avait engagé plusieurs actions en vue de la reconnaissance de nos fautes envers les aborigènes, les nouveaux dirigeants de droite ont complètement fait marche arrière et ignoré les conclusions de ce rapport en refusant toute excuse officielle ». Sir Ronald Wilson, éminent juge à la retraite de la Cour suprême ne l’entend pas de cette oreille. Ayant présidé la commission à l’origine de ce travail de mémoire, il n’accepte pas qu’on en ignore les conséquences et commence à donner des conférences dans tout le pays, à intervenir sur les ondes de la radio, de la télévision. « Si cette recherche m’a changé, elle peut changer toute la nation », explique-t-il.

C’est en assistant à l’un de ses discours qu’un petit groupe, dont John Bond fait partie, décide de créer un Comité national du pardon en 1999. « Un million de personnes – sur 20 millions d’habitants – ont rempli des livres d’or que l’on trouve désormais dans de nombreuses bibliothèques et salles de classe ». Sur leur lancée, les initiants mettent sur pied un « voyage du regret » (Journey of healing) où, dans chaque région de cet immense territoire, blancs et indigènes peuvent se apprendre à se connaître et à entendre le récit des uns et des autres. Des centaines d’événements de ce type se déroulent chaque année aux quatre coins du continent. « En 2000 par exemple, 250'000 personnes se sont réunies pour une marche symbolique dans la baie de Sydney. Désormais, plus de la moitié de la population est favorable à des excuses officielles ». Le comité se trouve également en contact avec des peuples autochtones d’Amérique du Nord et du Canada, « pays qui ont fait davantage pour eux que le nôtre ». Une situation toujours dramatiqueLa différence de niveau de vie entre les blancs et les quelque 400'000 aborigènes demeure impressionnante. En majorité entassés dans des les banlieues urbaines les plus pauvres des grandes villes, quelques dizaines de milliers ont choisi le retour à un mode de vie traditionnel dans des communautés installées sur leurs terres d’origine. Dans les deux cas, leur espérance de vie est inférieure d’une vingtaine d’années à celle des blancs. La pauvreté, l’alcoolisme, l’analphabétisme et le racisme dont ils souffrent dressent un triste tableau social. Le combat de « Journey of Healing » n’est pas prêt de s’achever. UTILE

Site Internet de Journey of Healing : http://www.alphalink.com.au/~rez/Journey/