Au Mexique, des protestants du Chiapas se convertissent à l'islam
11 août 2005
Des femmes voilées traversent des routes rocailleuses et couvertes de poussière
Près de là, dans la capitale de l'Etat, des autochtones construisent une mosquée. "Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et Muhammad est son prophète", psalmodie un groupe d'enfants. Une scène venue tout droit du Moyen-Orient, d'Asie ou d'Afrique? Non, du deuxième plus grand pays catholique d'Amérique latine, le Mexique, de son turbulent Etat du sud, le Chiapas. Tout a commencé vers 1994 lorsque deux Espagnols, Aureliano Pérez et Esteban Lopez, ont introduit l'enseignement de l'islam dans un quartier pauvre de la banlieue de San Cristobal de las Casas, la capitale du Chiapas. C'est une date dont la population se souvient bien car l'armée zapatiste de libération avait lancé son insurrection à peu près à la même époque. Ces enseignants musulmans prêchèrent d'abord à une communauté d'autochtones qui avaient été expulsés de leurs terres à San Juan Chamula pour avoir abandonné leur foi catholique traditionnelle et leurs pratiques communautaires en faveur du protestantisme. "Un grand nombre de ceux qui se sont convertis à l'islam étaient des presbytériens", a déclaré le pasteur Dan Gonzalez lors de sa récente visite à Genève en tant que nouveau secrétaire régional de la Fédération universelle des associations chrétiennes d'étudiants pour l'Amérique latine. Le pasteur Gonzalez appartient à l'Eglise presbytérienne nationale du Mexique. Selon lui, les enseignants musulmans ont trouvé un terrain fertile au Chiapas, une région marquée par le renouveau et les conflits religieux, dont la population se chiffre à un peu plus de 4 millions d'habitants. "Les Indiens ont une forte identité religieuse, caractérisée par le syncrétisme et le désir de voir s'exprimer leur espérance à travers les différentes manifestations du sacré", a-t-il ajouté. L'enseignement du Coran allait de pair avec une stratégie soigneusement élaborée, qui mettait l'accent sur l'ardeur à la tâche, un facteur qui, selon le pasteur Gonzalez, explique aussi la réussite de cette expérience. Les enseignants ont encouragé avec succès les activités de la communauté dans trois grands secteurs: l'alimentation, la menuiserie et les textiles. Ainsi un système économique quasiment autonome a été constitué, permettant aux hommes de pratiquer l'islam sans relâche, tandis que les femmes - engagées dans l'artisanat textile - étaient assurées de toucher un revenu indépendant, soutenant ainsi l'économie locale. Environ 300 Mayas de l'ethnie tzotzile constituent la nouvelle communauté musulmane, la première parmi les autochtones d'Amérique latine. Ils appartiendraient à la tradition soufie, considérée comme le courant mystique de l'islam. L'évêque catholique de San Cristobal, Felipe Arizmendi, a exprimé ses préoccupations face à la croissance de l'islam dans l'Etat, mais les Eglises protestantes traditionnelles n'ont pas élevé d'objections, estimant que la tolérance et le pluralisme sont nécessaires dans une société fragmentée. En privé, toutefois, quelques responsables protestants se sont déclarés déçus de voir les Mayas tzotzils se convertir encore une fois à une autre religion.