Marc Faessler, pasteur et défricheur de textes bibliques à l’honneur à Genève :"La joie, c’est ce qui me fait vivre"

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Marc Faessler, pasteur et défricheur de textes bibliques à l’honneur à Genève :"La joie, c’est ce qui me fait vivre"

24 avril 2006
Un colloque est organisé le 6 mai prochain à Genève en l’honneur de Marc Faessler, théologien curieux et passionné qui a ouvert de nouvelles pistes de lecture des textes bibliques, en les passant notamment au filtre de la psychanalyse et de la philosophie
Le colloque réunira une brochette de théologiens, un psychanalyste, un écrivain et une philosophe. Fil rouge des exposés: Dire Dieu autrement. Ce que ne cesse de faire Marc Faessler avec une rigueur, une liberté et une curiosité stimulantes. Rencontre. « Buée de buée, tout n’est qu’évanescente buée » : de son petit chalet de vacances sur les hauteurs de Gingins, Marc Faessler embrasse d’un coup d’oeil le ciel, la terre et l’eau. Un balcon privilégié pour méditer le commentaire qu’il projette d’écrire sur le Qohélet, personnage qu’il ne considère pas comme le plus pessimiste de l’Ancien Testament. « C’est lui, le premier, qui a vu que tout était éphémère, sauf la joie ! La joie, c’est ce qui ne peut être programmé. Elle surgit. Elle est une métaphore de la grâce. Aller vers la joie, c’est ce qui me fait vivre ».

La parole du théologien qui me reçoit est limpide et simple, à l’opposé de la réputation qui est faite à ses écrits, d’approche difficile. L’homme, à l’évidence, aime marcher hors des sentiers battus. Il avoue détester les académismes et les bavardages spirituels: « Je n’ai jamais voulu m’enfermer dans des perspectives purement historico-critiques, ce qui explique que je n’ai pas fait une carrière universitaire ».

Si l’ancien pasteur de Champel, qui a dirigé pendant plus de vingt ans le Centre Protestant d’Etudes de Genève, est à la retraite, officiellement depuis l’automne passé, le théologien, lui, continue avec un plaisir gourmand à interroger les Ecritures, à chercher à redonner aux laïcs le goût d’une théologie en prise directe sur le monde moderne. « La retraite, c’est absolument délicieux, explique-t-il de la cuisinette où il est en train de faire rôtir des filets de canard, j’ai passé 40 ans de ma vie à me dire que dès que j’aurai fini, je pourrai enfin commencer ce que je projette depuis longtemps. Maintenant, j’ai le temps de bien faire les choses ». Psychanalyse et guérisons miraculeusesDéfricheur de textes et jeteur de passerelles, Marc Faessler s’est inspiré des recherches en psychanalyse pour réinterpréter les récits évangéliques de guérison. « Il faut avoir la patience de suivre la littéralité du texte afin de surprendre, dans ses aspérités, le non-dit, l’implicite, porteurs de sens pour celui qui se situe sur un plan psychanalytique. J’ai pu démontrer le bien-fondé de cette approche sur le récit de la soi-disant résurrection de la fille de Jaïre, qui se révèle être, quand on l’étudie à la lumière de la psychanalyse, une sortie d’anorexie et le déliement d’un Œdipe mal engagé. Ces textes ont une force symbolique inouïe, que nous n’avons peut-être encore jamais vraiment compris ».

Très vite, la conversation roule sur l’influence du philosophe Emmanuel Levinas, dont l’amitié et l’œuvre ont marqué Marc Faessler. « J’ai découvert, grâce à Levinas, qu’on m’avait caché la manière juive de solliciter les versets bibliques que la science historico-critique moderne a consciencieusement effacé du champ de ses investigations».

Dans « Judaïsme et Christianisme, l’écoute en partage », ouvrage écrit avec Catherine Chalier, professeur de philoosophie à Nanterre, a cherché à retrouver, dans le Nouveau Testament, des traces de la perspective herméneutique hébraïque des deux Messies. Pour le théologien, formé à la Faculté de théologie de l’Université de Genève, chaque approche est complémentaire et non pas opposée aux autres. « Pour faire un beau bouquet, n’assemble-t-on pas des fleurs de couleurs différentes ? ».

Face à l’effacement des Eglises dans la société actuelle, Marc Faessler ne montre aucune inquiétude. « La foi, tient-il à préciser, n’est pas la religion. C’est une adhésion à quelque chose qui vient de la Parole évangélique. La religion répond au besoin de l’angoisse humaine de trouver quelque chose qui la rassure. Or la foi, elle, n’est pas rassurante. Elle est vivante, fluctuante, questionnante. Le passage de la religion à la foi se fait quand on abandonne le besoin de sécurité enfantine et qu’on s’ouvre à la responsabilité de devoir donner sens à sa vie. Tout à coup s’offre là l’occasion d’entendre une Parole et un sens qui nous précèdent, comme un horizon auquel on peut acquiescer ou non. Ca devient alors un chemin. Il faut chercher à trouver en soi une source profonde, un point d’infini ». Et le doute dans ce cheminement ? Marc Faessler rit : « Je n’ai que des doutes. La foi, c’est ce qui se conquiert chaque jour sur le doute. Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. Nous sommes tous des Thomas. Pour entrer dans le texte, il faut croire ! ». Et douter.