Livre : « La mémoire, pour quoi faire ? » Entre devoir de mémoire et droit à l’oubli
9 mai 2006
Dans un récent ouvrage, « La mémoire, pour quoi faire ? », le philosophe Alain Finkelkraut, le théologien français Alain Houziaux, l’écrivain Jean-Claude Guillebaud et l’historien François Dosse se demandent à quoi correspond la manie commémorative actuelle et dans quelle mesure le devoir de mémoire aide à mieux construire l’avenir
Mémoire de la Shoah, de l’esclavage, du colonialisme, du Front populaire : à quoi sert ce retour, parfois compulsif, sur le passé ? A reconnaître les préjudices subis, les crimes commis, et à éviter qu’ils ne se reproduisent ? Tout n’est pas aussi simple. Pour Jean-Claude Guillebaud, la manie commémorative actuelle n’est rien d’autre qu’une dépréciation du futur, voire une absence de projet et d’espérance. Il constate que plus on perd confiance en l’avenir, plus on fait appel au passé, idéalisé et diabolisé tout à la fois. Au « devoir » de mémoire, il préfère le « travail » de mémoire qui peut déboucher, non sur une culpabilité stérile et un repentir paralysant qui pèse sur des générations, mais sur un véritable changement de comportement. Pour lui, la mémoire culpabilisante et la prise en horreur de l’histoire sont tournées vers le passé, alors que le souvenir, parce qu’il tient compte des enseignements des fautes du passé, permet d’envisager le futur sans répéter l’histoire dans ce qu’elle a de plus sombre. La dialectique subtile, sans cesse négociable, entre mémoire et oubli, est indispensable pour imaginer demain : « L’histoire humaine implique que les hommes soient capables d’oublier, c’est-à-dire d’effacer délibérément de leur imaginaire les souvenirs abominables qui les empêcheraient de vivre ensemble». Il croit pour sa part à une espérance agissante, cette « invention judéo-chrétienne du futur à construire ». La simplification dogmatique, la dénégation hystérique du passé, tout autant que la culpabilisation indéfinie et la prise en horreur de l’histoire, brisent le mécanisme humanisant de la transmission, indispensable pour construire l’avenir.
« Plus on insiste sur les horreurs du passé, plus on ignore le présent », estime le théologien français Alain Houziaux. Il remarque que c’est souvent pour se donner bonne conscience, alors que nous fermons les yeux sur les exactions commises aujourd’hui, que nous nous attachons à commémorer les exactions perpétrées autrefois. Pour lui, la mémoire culpabilisante, tournée exclusivement vers le passé, est stérile, alors que le souvenir, qui intègre les enseignements des fautes passées, est ouvert sur l’avenir. « Faire mémoire de la Shoah, c’est se souvenir d’elle, non pas en tant qu’événement du passé, mais plutôt en tant que prédiction d’une nouvelle catastrophe toujours possible, qu’il est de notre responsabilité d’empêcher ». S’en souvenir, c’est vouloir que de telles abominations ne puissent plus jamais avoir lieu et tout faire pour les empêcher, à commencer par l’éducation et la transmission aux jeunes générations d’une éthique de vie, du respect de l’autre et de l’interdit.
« La mémoire, pour quoi faire ? », sous la direction d’Alain Houziaux, François Dosse, Alain Finkelkraut et Jean-Claude Guillebaud,119 pages, avril 2006, Les Editions de l’atelier.
« Plus on insiste sur les horreurs du passé, plus on ignore le présent », estime le théologien français Alain Houziaux. Il remarque que c’est souvent pour se donner bonne conscience, alors que nous fermons les yeux sur les exactions commises aujourd’hui, que nous nous attachons à commémorer les exactions perpétrées autrefois. Pour lui, la mémoire culpabilisante, tournée exclusivement vers le passé, est stérile, alors que le souvenir, qui intègre les enseignements des fautes passées, est ouvert sur l’avenir. « Faire mémoire de la Shoah, c’est se souvenir d’elle, non pas en tant qu’événement du passé, mais plutôt en tant que prédiction d’une nouvelle catastrophe toujours possible, qu’il est de notre responsabilité d’empêcher ». S’en souvenir, c’est vouloir que de telles abominations ne puissent plus jamais avoir lieu et tout faire pour les empêcher, à commencer par l’éducation et la transmission aux jeunes générations d’une éthique de vie, du respect de l’autre et de l’interdit.
« La mémoire, pour quoi faire ? », sous la direction d’Alain Houziaux, François Dosse, Alain Finkelkraut et Jean-Claude Guillebaud,119 pages, avril 2006, Les Editions de l’atelier.