Du tampon Jex au produit dentaire, le verdict du spécialiste suisse des produits kashers

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Du tampon Jex au produit dentaire, le verdict du spécialiste suisse des produits kashers

29 août 2006
Tout au long de l’année, le surveillant Josef Wieder visite les fabriques et industries alimentaires pour dresser la liste des marchandises conformes aux lois alimentaires juives
Ce document guiderait plus de la moitié des 18'000 fidèles en Suisse dans leurs achats.Cet été, la production de Williamine kasher par la distillerie Morand, à Martigny, a éveillé la curiosité du public pour les règles alimentaires de la communauté israélite. En Suisse, c’est l’Interessengemeinschaft für Koshere Lebensmittel, un groupe soutenu financièrement par la Fédération suisse des communautés israélites, qui assume le contrôle des produits pour déterminer leur conformité aux lois alimentaires juives. Aidé d’un rabbin zurichois, le surveillant Josef Wieder visite les sites de production et dresse la liste des produits reconnus conformes. A ce jour, cette base de données contient près d’un millier de références. Il s’agit essentiellement de denrées alimentaires, mais aussi de liquide vaisselle, tampons Jex ou autres eaux de rinçage dentaire. Décryptage de ce qui est conforme et de ce qui ne l’est pas, en compagnie du guide.

« Les visites que je fais dans les fabriques et les sites de production, l’établissement de la liste puis la transmission des données à la cinquantaine de correspondants (rabbinats, milieux israélites) représentent un emploi à 60%. Lorsqu’il s’agit d’une nouvelle usine, le rabbin doit assister au processus de fabrication. Une fois par mois, nous livrons une nouvelle information », explique le zurichois Josef Wieder. « Par la suite, chaque rabbin émet les recommandations qu’il souhaite pour sa communauté locale. Mais cette liste trouve sa place même chez des juifs qui ne sont pas très pratiquants. » Josef Wieder estime que ces directives guident plus de la moitié des 18'000 israélites vivant en Suisse dans leurs achats.

Pour manger kasher, s’abstenir de consommer simultanément les produits laitiers et carnés ne suffit pas, ni se limiter à la viande abattue rituellement. Ces règles, issues de l’Ancien Testament (« Vous ne ferez pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère », Exode 23, 19 ; « Vous ne consommerez pas le sang de l’animal », Deutéronome, 12, 15, justifiant l’abattage rituel laissant l’animal se vider de son sang), tout comme l’obligation de ne pas manger d’animaux impurs (notamment le porc, Lévitique 11) ont donné lieu à des directives complexes. « Les aliments que l’on trouve sur les étalages sont de moins en moins naturels », relève Alain Nacache, rabbin de la communauté israélite de Lausanne. « La transformation industrielle multiplie les risques de contamination par un ingrédient ou un ustensile prohibé ».

Ainsi, si la liste des produits kasher contient des dizaines de pains, flûtes ou ballons, c’est parce qu’ils doivent être cuits dans des fours sans plaquettes, ne nécessitant pas d’être graissés. « En Suisse, il n’y a que deux producteurs de graisses et d’huiles pour l’industrie alimentaire, Nutriswiss et Florin. Or toutes deux transforment également des graisses d’origine animale, comme le saindoux. Même si les cuves sont nettoyées, ces graisses ne sont pas kasher », poursuit Josef Wieder. Par conséquent, les pains produits dans des fours ou des moules graissés ne le sont pas non plus. Mais des traces de graisses animales peuvent aussi se trouver dans le savon de certains produits de nettoyage (liquide vaisselle, tampons Jex, rinçage dentaire) : « Tout ce qui est en contact avec la bouche doit être kasher, donc nous dressons aussi la liste de produits qui en sont exempts».

Les enfants ne mangeront pas n’importe quelle sucrerie : le chocolat, selon les graisses utilisées, ou le massepain font aussi l’objet de restrictions. « Les figurines de massepain ne sont pas kasher, car elles sont souvent recouvertes de gomme laque », une substance collante issue de certains insectes, précise Josef Wieder. Or les insectes font aussi partie des animaux impurs qu’un juif ne peut consommer. « Les yeux des figurines ou les feuilles vertes des carottes posent, eux, des problèmes car ils sont fabriqués à base de produits laitiers non contrôlés ». Certains israélites ne consommeront pas de produits laitiers non fabriqués sous la surveillance d’un rabbin, alors que d’autres se limiteront à ceux indiqués comme kasher.

L’alcool n’est pas prohibé d’emblée, comme chez les musulmans, mais la Bible interdit la consommation de vin qui aurait été élaboré pour le culte des idoles. D’autres lois juives interdisent la consommation de vin et de produits alcoolisés tirés du raisin qui n’ont pas été produits sous surveillance d’un rabbin. Il s’ensuit que « seuls les producteurs qui ne font que du kirsch fournissent des produits kasher, et non ceux qui font également de la grappa. » De même, le whisky d’origine est conforme, car l’Angleterre ne produit pas de vin. Sur la liste figurent une quinzaine d’eaux-de-vie, parmi lesquelles les fioles de trois fabricants alémaniques.

Une fois par an, la liste est imprimée et les produits dont le mode de fabrication a changé ou qui ne peuvent plus faire l’objet d’un contrôle, parce que leurs producteurs se situent à l’étranger, sont retirés. Josef Wieder ressent profondément l’ampleur de sa responsabilité face aux erreurs qui pourraient survenir : « A travers cette liste, la manière de se nourrir de la communauté israélite s’enrichit d’une dimension spirituelle. Pour moi, vis-à-vis de Dieu, me tromper poserait un sérieux problème ».