Pourquoi le droit suisse des constructions n’empêchera pas la multiplication des minarets
4 septembre 2006
A Saint-Gall, Soleure ou Berne, les réticences locales face aux projets de mosquées s’accumulent
D’autres mesures que l’interdiction permettent de trouver un compromis, constate le spécialiste du droit administratif Jean-Baptiste Zufferey. La transformation d’édifices religieux est au cœur du débat qu’il organise à Fribourg.A Wangen (SO), à Langenthal (BE), à Wohlen (AG) et maintenant à Wil (SG), les autorités sont confrontées aux oppositions de nombreux citoyens lors de projets d’édification d’un minaret. Que dit le droit suisse des constructions à ce sujet ?Aujourd’hui, on règle par la police des constructions et l’aménagement du territoire des problèmes de société, à propos desquels il est très difficile de prendre une décision politique. L’édification d’un minaret, tout comme la gestion des requérants d’asile ou l’ouverture de sex-shops, est une thématique qui prête à controverses. Un politicien n’a rien à gagner à la traiter. Les opposants règlent donc le problème par l’aménagement du territoire, en invoquant le bruit, l’esthétique et le volume du minaret ou les nuisances qu’un nouveau centre de prières ne va pas manquer de causer. Sur ces questions religieuses, des arrêts cantonaux ont ainsi refusé, faute d’autorisation, l’édification de croix bleues Dozulé dans le canton de Fribourg (au motif que ces immenses néons portaient atteinte à l’environnement), l’installation d’une pierre de la scientologie en Valais ou de pyramides dans un alpage singinois (parce que ces éléments n’ont pas leur place en zone agricole, le dernier cas ayant été jugé par le TF). Un jugement tessinois a même soumis à autorisation la réunion en forêt de Témoins de Jéhovah, bien qu’elle se fasse en pleine nature, en raison des nuisances que ce rassemblement allait entraîner. A Soleure, la construction du minaret a été admise en zone industrielle. Que penser de cette décision ?Depuis peu, c’est l’édification de mosquées et de minarets qui suscite les réactions. Il s’agit souvent de la transformation de bâtiments existants, comme des halles ou des garages. A teneur d’autres arrêts cantonaux, édifier un minaret en zone industrielle, comme c’est le cas à Soleure, est problématique. Il a été jugé qu’une chapelle n’avait rien à faire dans une telle zone, dévolue à l’activité commerciale. Mais là encore, les choses peuvent évoluer. Les musulmans (quelque 311'000 en Suisse, ndlr.) se sentent suffisamment nombreux et forts désormais pour officialiser leur culte et leur présence. L’intérêt public n’est plus le même lorsque la société perd son homogénéité. Il se déplace vers la recherche d’une bonne harmonie entre religions.Autoriser la construction d’un minaret, mais interdire d’appeler à la prière depuis son sommet représente-t-il une juste pesée des intérêts entre la liberté religieuse et le droit à la tranquillité du voisinage ?A priori oui. La liberté religieuse ne prime pas toujours les autres intérêts en cause, notamment les mesures de police justifiées par la sécurité publique, il faut donc pondérer ces intérêts. La législation sur le bruit s’applique dès que le nombre de fidèles est suffisant pour provoquer un niveau constant de bruit, donc dès qu’il se produit un attroupement régulier dans un endroit. Mais avant de fermer un lieu de prière, on peut envisager quantité de mesures moins incisives et préventives, comme de fermer les portes et fenêtres, ne pas avoir de muezzin, et si le bruit reste intolérable pour le voisinage, limiter le nombre de participants.
L’argument des opposants bernois, qui entendent « s’opposer au contenu symbolique d’un minaret, signe de l’avancée de l’islam », n’est par contre pas recevable en droit des constructions. Il existe certes des arrêts anciens interdisant les processions religieuses pour causes de troubles à l’ordre public, mais il doit s’agir d’un danger imminent ou sérieux. La clause générale de police n’est pas faite pour stopper la construction de minarets ! En outre, le règlement ne doit pas être discriminatoire sous prétexte d’aménagement du territoire ; une commune qui modifierait son règlement pour cantonner les lieux de culte musulmans dans des arrière-cours ne respecterait pas ce principe.Les bâtiments religieux chrétiens posent aussi des problèmes lorsque, comme c’est de plus en plus souvent le cas, ils sont transformés dans un nouveau but.Ici à Fribourg, une procédure de droit canonique relativement complexe a été nécessaire pour transformer l’ancienne église Regina Mundi en salle de lecture pour l’université. Mais au Canada, en Angleterre ou en Hollande, c’est par centaines que les églises sont désaffectées et transformées en surfaces commerciales, bureaux, logements ou même mosquées. La protection du patrimoine impose généralement de ne pas toucher à la structure historique et de réaménager les volumes avec des parois démontables et faux plafonds. Il faut introduire des portes anti-feu, des escaliers de secours, le chauffage. Tout un savoir-faire que la Suisse, bientôt atteinte par cette vague de transformations, devra acquérir.
L’argument des opposants bernois, qui entendent « s’opposer au contenu symbolique d’un minaret, signe de l’avancée de l’islam », n’est par contre pas recevable en droit des constructions. Il existe certes des arrêts anciens interdisant les processions religieuses pour causes de troubles à l’ordre public, mais il doit s’agir d’un danger imminent ou sérieux. La clause générale de police n’est pas faite pour stopper la construction de minarets ! En outre, le règlement ne doit pas être discriminatoire sous prétexte d’aménagement du territoire ; une commune qui modifierait son règlement pour cantonner les lieux de culte musulmans dans des arrière-cours ne respecterait pas ce principe.Les bâtiments religieux chrétiens posent aussi des problèmes lorsque, comme c’est de plus en plus souvent le cas, ils sont transformés dans un nouveau but.Ici à Fribourg, une procédure de droit canonique relativement complexe a été nécessaire pour transformer l’ancienne église Regina Mundi en salle de lecture pour l’université. Mais au Canada, en Angleterre ou en Hollande, c’est par centaines que les églises sont désaffectées et transformées en surfaces commerciales, bureaux, logements ou même mosquées. La protection du patrimoine impose généralement de ne pas toucher à la structure historique et de réaménager les volumes avec des parois démontables et faux plafonds. Il faut introduire des portes anti-feu, des escaliers de secours, le chauffage. Tout un savoir-faire que la Suisse, bientôt atteinte par cette vague de transformations, devra acquérir.