Les Suisses boudent le confessionnal au profit de nouveaux rituels du pardon

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Les Suisses boudent le confessionnal au profit de nouveaux rituels du pardon

20 novembre 2006
La possibilité de donner l’absolution collectivement en cas de pénurie de prêtres a raréfié la confession des péchés
Toutefois, même dans l’Eglise protestante, le besoin de se réconcilier après des événements douloureux se manifeste lors de retraites, de cérémonies destinées à ceux qui doutent ou d’accueil dans des communautés religieuses.Dans son message aux évêques suisses, ce mois-ci, Benoît XVI déplorait « une perte largement répandue du sentiment du péché » comme étant la marque de notre époque. « D’un point de vue purement anthropologique, il est important de savoir reconnaître sa propre faute, et d’un autre côté d’exercer le pardon ». Il invitait les fidèles à « redécouvrir le sacrement » de la confession personnelle, dont la pratique se perd. « Ici à Genève, il n’y a plus de présence régulière du prêtre au confessionnal depuis plus de 10 ans », confirme le délégué épiscopal Philippe Matthey. « Dans les années 1980, le Vatican avait autorisé la pratique de l’absolution collective là où il y avait pénurie de prêtres », se souvient Nicolas Betticher, chancelier et porte-parole du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Gage de liberté pour les fidèles qui ne devaient plus se rendre individuellement devant un prêtre pour recevoir le pardon, cette solution a été adoptée par tous les diocèses, à l’exception de Sion. « Le Saint-Père rappelle pourtant que le sacrement du pardon n’est pas une expérience communautaire, mais une démarche personnelle visant à réparer la relation avec Dieu et les autres».

Des changements sociologiques expliquent, pour Nicolas Betticher, que les Suisses n’aient plus envie de se rendre au confessionnal. « Le bien et le mal sont des notions privatisées. Chacun considère que cela ne regarde que soi, et non le prêtre. Dès lors, les limites s’estompent. On manque d’attention envers la pauvreté ou la détresse d’autrui, de manière générale ». Philippe Matthey juge qu’il n’y a pas lieu d’être nostalgique du passé : « c’est parce que nous vivons dans un monde où les gens se posent moins de question sur eux-mêmes, sur la justesse de leurs orientations, qu’ils ne ressentent plus le besoin de se rendre au confessionnal. Ce sacrement peut prendre d’autres formes. A Notre-Dame ou à Saint-Joseph, lieux de passage à Genève, les gens savent qu’un prêtre est présent en permanence. La rencontre personnelle au confessionnal fait place à des entretiens où l’on cherche à réorienter sa vie, des célébrations communautaires du pardon avant les grandes fêtes religieuses ou des semaines de réflexion durant le Carême. Il ne s’agit plus d’établir la liste de ce que l’on a fait de mal, mais de fêter le pardon comme une bonne nouvelle ».Les pasteurs aussiL’Eglise protestante ne reconnaît pas à la confession un caractère de sacrement. Toutefois, certains pasteurs pratiquent la confession personnelle des péchés. La Communauté réformée des sœurs de Grandchamp, dans le canton de Neuchâtel. « fait toujours appel à un pasteur lorsqu’il s’agit de recevoir la confession, lors d’une retraite ou lorsqu’une des 35 sœurs le demande. On peut toujours se confesser à Dieu, mais cela reste important d’entendre prononcer le pardon par quelqu’un dont c’est le ministère. Le pardon ne se reçoit pas par n’importe qui et n’importe quand ; les grandes fêtes religieuses en sont l’occasion », témoigne l’une des résidentes. Ursula Tissot, pasteur à Neuchâtel et Soleure, pratique quant à elle la confession dans le cadre de retraites sur le pardon ou d’accompagnements au long cours. « Pouvoir vivre libre et s’ouvrir à de nouvelles expériences exige parfois de déposer quelque chose qui empoisonne la vie. Cela peut être un divorce où l’on s’est déchiré, ou quelqu’un à qui l’on a fait du mal. On peut demander pardon à Dieu si ce n’est plus possible de le faire à la personne. Les gens préparent une confession, il y a un temps prévu pour la réconciliation et je leur donne une absolution ».

« Très peu de pasteurs le font, parce qu’il y a une méconnaissance absolue de ce qu’est le pardon. Il ne s’agit pas d’une question d’éthique ou de morale, mais d’une question vitale. Comme aumônière d’hôpital, j’ai connu des gens rendus malades faute d’avoir pu faire ce chemin », poursuit Ursula Tissot. Des rituels analogues peuvent prendre place dans les Thomasmesse. Ces célébrations alternatives sont conçues pour tous ceux qui ont des doutes et des questions par rapport à la foi. Lors d’un atelier, il est possible de rédiger une lettre pour confier un événement pesant et de la brûler ensuite, ou de se confier lors d’un entretien. La première Thomasmesse de Suisse romande aura lieu le 3 juin prochain au Landeron, à l’occasion du culte cantonal neuchâtelois.