Raymond de Rham, aumônier dans des EMS lausannois:"Il ya une vie avant la mort, jusqu'à la dernière minute"

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Raymond de Rham, aumônier dans des EMS lausannois:"Il ya une vie avant la mort, jusqu'à la dernière minute"

23 novembre 2006
Aumônier en EMS, Raymond de Rham partage son temps entre 7 établissements lausannois accueillant des personnes âgées
En contact avec plus de 300 pensionnaires et 400 employés, mais aussi avec les proches des résidents, il porte une attention particulière à ceux qui ont tout à fait conscience qu’ils mourront en institution. Ingrat, son ministère ? Enrichissant : « C’est là qu’on rencontre les 50 à 70 ans qui sont absents des lieux d’Eglise. On entre en contact avec eux dans des moments difficiles, au chevet d’un mourant, alors qu’ils se posent des questions sur le sens de la vie, quand ils sont en plein désarroi, ou réalisent que leur mère ou leur père ne les reconnaît plus ». On accueille en général l’aumônier vaudois comme un familier de la maison. Certains toutefois le voient arriver avec crainte : « Je dois être foutu pour qu’on m’envoie le pasteur ». Parfois aussi, on le jette dehors. Avec lui, on n’y va pas par quatre chemins. « Qu’est-ce qu’Il fout, Dieu, là-haut ? », l’a récemment interpellé un vieux monsieur qui n’en peut plus de vivre. Raymond de Rham écoute, console, plaisante, recueille confidences et récriminations et porte une attention empreinte de chaleur à ceux qui sont murés dans le silence. Il attache de l’importance aux anniversaires de chaque résident et leur rend une petite visite ce jour-là. Une façon de lui faire sentir qu’il existe et compte pour les autres. « Il y a une vie avant la mort, et jusqu’à la dernière minute, », aime-t-il à rappeler. Il serre dans ses bras les silhouettes fragiles des résidents, aide certains pensionnaires à manger, réconforte les familles et prie avec ceux qui le demandent. Il accompagne les personnes à se réconcilier avec elles-mêmes et avec Dieu.

En présence de l’homme d’Eglise, les questions spirituelles, laissées en suspens pendant des années, resurgissent et peuvent être abordées sans détour. Bien des personnes en institution souhaitent mourir. L’aumônier les entend bien : « C’est dommage, je ne vous verrai plus, mais je comprends que vous soyez fatiguée », répond-il à la personne qui lui dit son désir de « s’en aller ». Ensuite, il prie avec elle : « Seigneur, s’il te plaît, fais que la mort vienne pour Madame X ou Monsieur Y ». Une intercession difficile à dire de façon juste, reconnaît l’aumônier vaudois.

Une vieille dame lucide mais dépendante le prend à témoin : « Regardez ce qui est désormais mon seul horizon, un lit, une table et une chaise ». « Je veux rentrer à la maison », gémit cette autre vieille dame. « Ils m’ont mis là, ils m’ont abandonné », accusent d’autres pensionnaires pleins de rancune à l’égard de leurs proches.

Avec le temps, Raymond de Rham a appris à côtoyer la souffrance, à encaisser colère et révolte. Mais au début, il avoue s’être retrouvé en larmes, assis sur une marche d’escalier. Aujourd’hui, il reconnaît qu’il s’est enrichi au contact des résidents et que ces derniers lui ont beaucoup appris. « Au début, j’ai accepté ce ministère sans l’avoir vraiment choisi. J’ai peu à peu découvert que les questions essentielles sur la vie et la mort, sur l’échec, sur la réussite, sont abordées en EMS de façon directe et simple. On ne s’embarrasse pas de périphrases ni ne se cache la vérité. Tout résident qui entre dans une maison de retraite sait profondément qu’il n’en ressortira pas. Cela donne à l’instant qu’on vit force et vérité et les dialogues sonnent vrai. Aujourd’hui, pour rien au monde, je ne changerais de ministère ! ». Un regard différent sur les vieuxIl porte sur les vieilles personnes en EMS un regard différent de celui des amis et des proches qui les ont connues avant, quand elles allaient bien, qu’elles avaient toute leur tête, toutes leurs facultés. « J’ai un avantage sur les proches des résidents, explique l’aumônier, je vois ce qui est encore, je n’ai pas connu la personne avant qu’elle ne soit placée en institution ; la famille, elle, ne voit souvent plus que ce qui manque, elle comptabilise les pertes, elle ne voit plus la personne, mais l’ombre de ce qu’elle a été. Pour ma part, je me réjouis des facultés dont jouissent encore les résidents ».

Raymond de Rham dit se ressourcer en paroisse. Il consacre en effet un 30% de son temps à la paroisse de St-François St-Jacques à Lausanne. Préparer des mariages et célébrer des baptêmes, cela lui permet de souffler, mais aussi de rencontrer des gens qui « rentrent chez eux après le culte ou la célébration ».