Ils ont quitté leur métier pour devenir diacres

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Ils ont quitté leur métier pour devenir diacres

5 mars 2007
Vétérinaire, publicitaire, travailleur social, juriste, mère au foyer : désireux de donner un sens nouveau à leur vie, des femmes et des hommes n’ont pas hésité à changer de métier et à entreprendre une (longue) formation de diacre, à la suite du séminaire de culture théologique exigé comme préalable
Ils se sont mis au service et à l’écoute des autres. « L’Eglise, disent-ils, a véritablement une place à prendre dans le domaine de l’accompagnement ». Interview de trois d’entre eux à Moutier, Couvet et Lausanne. « Les enfants partis, qu’est-ce que je fais à la maison, j’attends la mort ? ». A 48 ans, Maria Gafner-Ackermann, qui habite Moutier, a posé cette question à son mari, qui lui demandait pourquoi elle tenait tant à retravailler, une fois leurs enfants loin de la maison. Pour elle, ça sautait aux yeux : elle voulait donner un nouveau sens à sa vie et se mettre au service de son prochain. L’idée a fait son chemin, elle termine actuellement sa formation de diacre et s’apprête à faire un stage à l’Eglise réformée française de Berne.

Pour cette catholique venue au protestantisme, sa formation au diaconat n’est que la suite logique de tout un cheminement amorcé lors de la préparation du baptême de sa fille, puis lors des questions fondamentales que ses enfants lui posèrent à l’adolescence. Elle peinait à y répondre, ce qui la poussa à chercher à en savoir plus. « Je me sentais terriblement démunie, je n’avais aucune de formation théologique, j’ai commencé par me former à la catéchèse et à enseigner le catéchisme aux jeunes. Ensuite, j’ai suivi un cours d’exploration théologique, qui m’a donné envie de m’inscrire au séminaire de culture théologique. Les thèmes abordés sont inépuisables », dit-elle, visiblement enthousiaste. De fil en aiguille, elle a envie de se lancer dans une formation qui débouche enfin sur un métier, diacre. « J’ai toujours eu envie de me mettre au service des autres de façon très terre à terre, au plus près de la vie des gens. Une femme a souvent une approche de la vie plus pragmatique et concrète que celle des hommes, elle n’est pas déconnectée de la réalité ».

Mais une diacre n’est-elle pas la petite main du pasteur ? « Non, affirme-t-elle sans l’ombre d’une hésitation, le (ou la) diacre ne travaille pas sur le même terrain que le ministre, et l’Eglise a véritablement une place à prendre dans le domaine de l’accompagnement. On invite le diacre à s’asseoir à la cuisine, alors qu’on installe le pasteur au salon. Toute la différence est là. Le dialogue est souvent plus facile quand on aide quelqu’un à faire la vaisselle et qu’on partage, en discutant, les problèmes de tous les jours, qu’on discute de l’éducation des enfants. Bien des personnes se sentent très démunies face à ces problèmes ».

Présidente du Conseil de paroisse à Moutier, elle envisage, une fois son diplôme en poche, de travailler dans une aumônerie de rue, à condition qu’elle se sente assez solide pour être à la hauteur. Jamais elle ne se départit de son souci de réalité, ni de la joie de ses choix : « Je suis heureuse de la sérénité que m’apporte ma formation et la perspective d’un travail en Eglise ». Anne-Sylvie Martin-Durussel: des soins aux animaux aux soins à l'âme des gensAnne-Sylvie Martin-Durussel, 33 ans, vétérinaire, termine sa deuxième année de formation diaconale et jongle avec ses nombreuses activités. Elle effectue un remplacement comme aumônier au CHUV à Lausanne et travaille à 20% dans l’unité d’accueil de Plein-Soleil, qui accueille des gens atteints de maladies dégénératives. L’hôpital, elle connaît bien, pour y avoir passé beaucoup de temps à la suite de multiples opérations pour soigner un handicap aux jambes. « Beaucoup de gens m’ont aidée pendant ces années difficiles en milieu hospitalier ; j’ai eu envie d’y retourner comme bénévole », explique-t-elle. Elle a suivi un stage d’éducation pastorale clinique à l’écoute au lit du patient. « J’ai compris que ma vocation était là. J’ai le sentiment d’être à la fois au service de Dieu et de l’humain. Je peux témoigner que Dieu est présent même dans les pires situations, au cœur de la souffrance. Ma foi a grandi à l’adolescence, elle m’a permis de vivre avec les difficultés qui étaient les miennes, d’assumer ma différence au milieu des autres jeunes. J’ai compris que j’étais aimée telle que je suis, que je compte aux yeux de Dieu. C’est dans les groupes bibliques universitaires (GBU) que j’ai été en contact avec le message de l’Evangile. Il a eu une forte résonance en moi, ça m’a permis de m’aimer telle que je suis ».

L’écoute représente le gros du travail d’Anne-Sylvie Martin-Durussel. « Chaque rencontre est unique. Les gens m’apportent leur richesse à eux et leur différence. Les variations sont infinies au niveau de la spiritualité de chacun. Avec les non-croyants, je ne parle pas forcément de Dieu. L’important, c’est que chacun se sente accueilli avec ses doutes, son incroyance ».

La jeune femme jongle avec ses activités. Elle n’a pas lâché complètement son métier de vétérinaire, qu’elle aime bien et qui lui sert de porte de secours, tant que l’Eglise ne peut lui promettre à coup sûr un emploi. Sa formation de diacre lui a imposé des sacrifices financiers mais elle ne le regrette pas. Elle se ressource dans la nature, en enfilant un bleu de travail et en allant nourrir les bêtes de la ferme de Puidoux, que son mari exploite en tant qu’agriculteur.Jean-Philippe Uhlmann, diacre itinérant du Val-de-TraversL'accompagnement,

Responsable cantonal de Pro Senectute pour le canton de Neuchâtel pendant dix-huit ans, Jean-Philippe Uhlmann a suivi la formation de diacre en cours d’emploi après avoir suivi une formation à l'animation cultuelle. Celui qui se disait « distancé de l’Eglise », a été consacré il y a trois ans dans le ministère diaconal. «Je suis tombé sur une cure ouverte, celle du pasteur Jean Wimmer, qui permettait à chacun de trouver sa place dans la paroisse et de pouvoir y déployer ses talents propres. Cela m’a remis en route ».

Parallèlement, il se voit contraint, dans son travail, d’appliquer des mesures d’économies budgétaires sévères et de licencier des gens. Ce dont il est incapable. « On me demandait de défaire ce que j’avais patiemment construit en équipe, j’ai compris qu’il était temps de partir ». Il se retrouve au chômage pendant neuf mois, mais ne perd pas pour autant de vue son objectif : se mettre au service des autres et travailler de façon concrète sur le terrain, afin de donner sens à sa vie. Il rencontre alors Nicolas Cochand, responsable des ministères de l’EREN, qui lui offre de suivre une formation d’écoute et de communication à l’hôpital de Strasbourg et lui met le pied à l’étrier. Il est ensuite suffragant à l’hôpital de la Chaux-de-Fonds, puis est nommé aumônier itinérant pour les onze communes du Val-de Travers. Il partage désormais son temps entre les visites à l’hôpital de Couvet et dans les sept homes de la région. « Les gens ont besoin qu’on prenne le temps de les écouter, cela leur permet de se sentir exister et pris en compte ». Pour mieux répondre aux demandes, Jean-Philippe Uhlmann met sur pied et accompagne un groupe de dix-huit visiteurs bénévoles. Heureux et reconnu dans son travail, il se sent gratifié par la confiance que lui font les gens avec qui il partage des moments forts sur le plan émotionnel. Quand les services funèbres, par un triste concours de circonstances, s’enchaînent et que ça lui pèse, il se ressource auprès de sa femme, qui est aide familiale, dans leur petite maison de Bourgogne.