Hafid Ouardiri, porte-parole de la Mosquée de Genève:« On ne peut cautionner aucune violence au nom de l’islam »

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Hafid Ouardiri, porte-parole de la Mosquée de Genève:« On ne peut cautionner aucune violence au nom de l’islam »

26 mars 2007
« Dans la tradition du Prophète, tout tend vers le dialogue, affirme Hafid Ouardiri, porte-parole de la Mosquée de Genève au Petit Saconnex, avant de poursuivre : « En aucun cas, l’adoration que l’on porte à Dieu ne doit être porteuse d’obstacles dans la relation qu’on doit à notre semblable »
Interview d’un musulman humaniste qui lutte contre l’ignorance, mère de toutes les intolérances et de toutes les peurs.Le regard qui se fiche bien droit dans le vôtre, Hafid Ouardiri est tout sauf un homme de convenance. Depuis quelques années, il sent dans sa chair que le regard qu’on porte sur les musulmans, donc aussi sur lui-même, est devenu méfiant, inquisiteur, excluant.

« On dévisage aujourd’hui les musulmans avec suspicion. On a fabriqué des peurs, on stigmatise les musulmans au nom du terrorisme. Je refuse d’être dans la peau d’une victime et je revendique le droit à la confiance. J’aimerais ne plus être dans la peau d’un toléré mais dans celle d’un être respecté ». Hafid Ouardiri croit plus que jamais au dialogue pour arriver à une compréhension et une tolérance réciproques. Il pointe du doigt les médias qui relaient le sensationnel et exacerbent les inquiétudes et alimentent le désarroi.Peut-on dire que vous êtes un musulman modéré ?Islam veut dire paix, juste milieu, harmonie : pas besoin d’y ajouter un adjectif quelconque, pas besoin de le qualifier de « modéré ». L’islam définit lui-même l’orientation qui est la sienne, celle de l’équité. Il est une manière de vivre le juste milieu entre le temporel et le spirituel, c’est une religion en perpétuel mouvement et en relation permanente avec Dieu, c’est une voie ouverte qui n’a rien d’archaïque ou de figé. Les musulmans doivent faire usage de l’Ijtihad, l’effort d’interprétation en tout temps et en tout lieu.Et pourtant c’est au nom de l’islam que les terroristes agissent ?On ne peut souscrire à aucune violence, à aucun fanatisme au nom de l’islam. Ceux qui se prétendent de cette obédience, on les dénonce avec fermeté et nous les combattons. Il faut chercher à comprendre les causes du fanatisme et du terrorisme, mais ça reste une déviance qu’on ne peut cautionner. Il faut faire un travail pour connaître les injustices qui poussent les gens à n’avoir plus que la violence comme horizon. On ne peut pas parler de paix sans faire ce travail de reconnaissance. L’autre est au centre de l’islam, dites-vous ?Etre pieux, c’est faire œuvre d’utilité publique envers l’autre, quelle que soit la singularité de cet autre. La dimension humaine est en chacun de nous. Mais souvent, il est vrai, la volonté de mettre cela en pratique manque. L’ignorance de part et d’autre creuse des fossés, dresse des murs. L’individualisme, tant valorisé aujourd’hui, fait des ravages. Dans notre tradition, il est dit que celui qui possède de quoi subvenir à ses besoins et à sa sécurité, et qui ne se préoccupe pas de son voisin qui est dans le besoin ou l’insécurité, celui-là ne peut prétendre croire en Dieu. Chacun doit se poser la question : Quelle place pour l’autre ai-je aménagé en moi ? Il faut respecter l’autre comme on a envie d’être respecté. Le musulman doit s’investir dans la société, afin de faire évoluer la condition humaine car le meilleur des hommes auprès de Dieu est celui qui est le plus utile à l’humanité.Les valeurs des uns et des autres sont-elles compatibles ?Il faut additionner nos valeurs respectives pour que la société dans laquelle on est soit vivable pour tous. Pour y parvenir, il faut travailler ensemble à développer un esprit de compréhension réciproque, plutôt que de chercher à faire des concessions, ou à mettre en place des stratégies. Comme on est le produit de notre éducation et de notre existence, il faut mener un travail d’éducation au respect de l’humain, quel qu’il soit. Dans le cadre des activités de la Fondation, je reçois régulièrement des classes, j’anime des débats sur l’actualité avec des jeunes de la communauté. Je veux combattre l’ignorance.Quelle est votre attitude face à la question, qui pose parfois problème ici, du port du voile pour les femmes ?C’est la liberté de la femme de vivre sa foi comme elle l’entend. Le rapport avec Dieu est un rapport d’intelligence. Le Coran demande de la décence pour préserver la femme du regard de l’homme le plus faible, qui ne va voir en elle que l’objet de son désir. Elle doit se protéger de celui qui peut la corrompre. Mais personne ne doit contraindre une femme à porter le voile.Des musulmans appellent à la Guerre Sainte, qu’en dites-vous ? Les deux termes sont antinomiques. Une guerre ne peut être sainte. Il faut lutter pour la justice et l’équité, et cette lutte n’implique pas la violence. Cela passe par l’éducation et la promotion du respect de l’humain, mais aussi par l’accueil Ici, nous accueillons tout le monde, coreligionnaires ou non.