Le Janus Josef Ratzinger-Benoît XVI signe un ouvrage sur un thème protestant : Jésus de Nazareth
16 avril 2007
En ne choisissant pas de dire si c’est Joseph Ratzinger ou Benoît XVI qui est l’auteur de son livre sur le Christ, le Pape suscite un malaise, estime Gottfried W
Locher, vice-président de l’Alliance Réformée Mondiale. Il était l’invité, hier, de la conférence de presse initiée à Berne par la Conférence des évêques suisses, à l’occasion de la parution de l’ouvrage en allemand. La version française suivra au mois de mai chez Flammarion.« C’est un livre difficile », juge Gottfried W. Locher, vice-président de l’Alliance réformée mondiale, à la question d’un éditeur qui souhaitait savoir s’il pouvait recommander la lecture de l’ouvrage à tout un chacun. Et d’éclater de rire, après la réunion initiée à Berne par la Conférence des évêques suisses, à l’occasion de la parution de « Jésus de Nazareth » en allemand, lorsque je lui fais part de mon intention de le lire « dès cet après-midi ». Bon, vous voilà avertis : ce n’est en effet pas un ouvrage que l’on lit, disons, même en un midi et un après-midi. Durant ce laps de temps, on peut toutefois le parcourir, se plonger dans certains chapitres, et soumettre certains passages à des interlocuteurs des communautés juives ou réformées. Extraits et commentaires.
La jaquette de l’ouvrage tout d’abord : « (…) J’espère que les lecteurs s’apercevront, eux aussi, que la figure du Christ est plus logique et, d’un point de vue historique, également plus compréhensible que les reconstructions auxquelles nous avons été confrontés durant ces derniers siècles. Je pense précisément que ce Jésus-là – celui des Evangiles – est un personnage historiquement parlant et empli de signification », dit Benoît XVI/Josef Ratzinger à propos de son œuvre, parue lundi à l’occasion de ses 80 ans (trad. personnelle libre de l’allemand). En condamnant les « reconstructions » de la figure du Christ, le pape entend-il donner une réponse à la plus célèbre d’entres-elles et parmi les plus récentes, celle du best seller Da Vinci Code, selon laquelle Jésus aurait eu une descendance avec Marie-Madeleine ? « On peut le voir comme cela », répond l’évêque de Bâle et président de la Conférence des évêques suisses Mgr Kurt Koch, « mais Josef Ratzinger se réjouissait d’être libéré de sa fonction de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, après la mort de Jean-Paul II, pour pouvoir commencer cet ouvrage. Son élection en tant que Pape ne l’en n’a pas détourné. Il a profité de tous ses instants libres pour rédiger et éditer cet ouvrage, commencé en 2003 ». Mgr Koch soupire ; il juge les journalistes bien difficiles : «La Suisse est le seul pays où un réformé, qui plus est le vice-président de l’Alliance Réformée Mondiale, est associé à la conférence de presse, pour tenir compte de la tradition protestante du pays et parce que Jésus n’est pas une figure uniquement catholique. Et on nous cherche noise parce que nous n’avons pas invité le pasteur Thomas Wipf (nlrd : homologue de Mgr Kurt Koch et président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) ».Juifs : un retour en arrière ?Sur le fond, que nous dit Josef Ratzinger/Benoît XVI de Jésus de Nazareth ?
« Les quatre livres de l’Ecriture tout comme la Bible dans sa totalité (Ancien et Nouveau Testament) ne sont pas seulement de la littérature », écrit Benoît XVI/Josef Ratzinger dans sa préface. Plus loin : « Le rapport avec le « peuple de Dieu » est vital pour l’Ecriture. (…) Le peuple de Dieu - l’Eglise (catholique) - est le sujet vivant de l’Ecriture ; en elle les mots de la Bible sont toujours présents. Bien sûr il en résulte que ce peuple se reçoive de Dieu lui-même, en fin de compte du Christ en chair et en os, et qu’il se laisse conduire, ordonner, et diriger par lui. » Alfred Donath, président de la Fédération suisse des communautés israélites, est « un peu surpris » par un tel discours. « Il se rapproche de l’ancienne attitude de l’Eglise catholique à l’égard des communautés juives, qui les avait longtemps considérées comme relevant d’une religion périmée, attribuant la seule valeur à la transcendance apportée par le Christ. J’avais cru comprendre que l’Eglise catholique était revenue, avec Vatican II et Jean XXIII, à la reconnaissance de la validité de notre religion, en dépit de nos divergences. A propos d’un autre passage du livre (p. 132), Alfred Donath constate toutefois que l’ «on continue à faire croire aux Juifs qu’ils n’auront le salut que s’ils reviennent à la vraie foi, et le message de Benoît XVI semble s’aligner sur cette position. Ce passage corrobore ce qu’il disait précédemment : la religion juive n’est en soi pas complète car elle se limite à ses yeux à l’Ancien Testament. Elle a besoin de l’apport du Nouveau Testament pour se transformer en religion radicalement nouvelle. Paul, que cite Benoît XVI, a été de loin l’apôtre le plus virulent à l’égard des Juifs. Benoît XVI, en le citant, a l’air de réduire la religion juive à la circoncision, à un ensemble de règles alimentaires et l’observation du sabbat. Mais c’est oublier que toutes les valeurs de notre civilisation, parmi lesquelles l’amour du prochain, dont les chrétiens se font volontiers les porte-drapeaux, viennent de là. En outre, réduire la civilisation juive à l’Ancien Testament, c’est oublier toute la littérature postérieure du Talmud qui nourrit notre religion ». Qui écrit, Josef Ratzinger ou Benoît XVI ?Pour le protestant Gottfried W. Locher, l’écrit du pape est critiquable à plusieurs points de vue : « Tout d’abord, il n’est pas possible de ne pas dire à quel titre il écrit cet ouvrage. Veut-il présenter sa propre vision des choses, est-ce Josef Ratzinger ou Benoit XVI qui écrit? Il faut choisir, même s’il affirme ne pas faire en priorité œuvre de prescription doctrinale, il faudrait savoir ce qui différencie le pape de Josef Ratzinger. Le thème de l’ouvrage, Jésus de Nazareth, est celui auquel il consacre sa fin de vie. Mais ce thème est typiquement réformé : « Solus Christus », disent les protestants. Nous pourrions nous en réjouir comme d’un signe de rapprochement œcuménique (certains passages, comme par ex. celui consacré au Sermon sur la montagne (p.106), sont d’ailleurs très beaux de ce point de vue) si d’autres éléments ne nous portaient à en douter, comme la place que l’ouvrage réserve à la religion juive. En outre, pour les Réformés, le principe « Sola Scriptura » prévaut (l’Ecriture seule). Benoît XVI lui oppose la révélation de la divinité du Christ, la Bible et la tradition ne faisant qu’attester de sa qualité. L’Ecriture est dont secondaire. Nous lisons en fait une grande prédication qu’un pape allemand adresse à la fin de sa vie, alors qu’il semble moins intéressé par le rapprochement avec les Réformés qu’avec les Eglises de l’Est », conclut Gottfried Locher. Malgré nos efforts pour le joindre, le pasteur Thomas Wipf, pris par la consultation internationale pour le Jubilée de Calvin en 2009 à Genève, n’a pas souhaité commenter des extraits de « Jésus de Nazareth ».
La jaquette de l’ouvrage tout d’abord : « (…) J’espère que les lecteurs s’apercevront, eux aussi, que la figure du Christ est plus logique et, d’un point de vue historique, également plus compréhensible que les reconstructions auxquelles nous avons été confrontés durant ces derniers siècles. Je pense précisément que ce Jésus-là – celui des Evangiles – est un personnage historiquement parlant et empli de signification », dit Benoît XVI/Josef Ratzinger à propos de son œuvre, parue lundi à l’occasion de ses 80 ans (trad. personnelle libre de l’allemand). En condamnant les « reconstructions » de la figure du Christ, le pape entend-il donner une réponse à la plus célèbre d’entres-elles et parmi les plus récentes, celle du best seller Da Vinci Code, selon laquelle Jésus aurait eu une descendance avec Marie-Madeleine ? « On peut le voir comme cela », répond l’évêque de Bâle et président de la Conférence des évêques suisses Mgr Kurt Koch, « mais Josef Ratzinger se réjouissait d’être libéré de sa fonction de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, après la mort de Jean-Paul II, pour pouvoir commencer cet ouvrage. Son élection en tant que Pape ne l’en n’a pas détourné. Il a profité de tous ses instants libres pour rédiger et éditer cet ouvrage, commencé en 2003 ». Mgr Koch soupire ; il juge les journalistes bien difficiles : «La Suisse est le seul pays où un réformé, qui plus est le vice-président de l’Alliance Réformée Mondiale, est associé à la conférence de presse, pour tenir compte de la tradition protestante du pays et parce que Jésus n’est pas une figure uniquement catholique. Et on nous cherche noise parce que nous n’avons pas invité le pasteur Thomas Wipf (nlrd : homologue de Mgr Kurt Koch et président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) ».Juifs : un retour en arrière ?Sur le fond, que nous dit Josef Ratzinger/Benoît XVI de Jésus de Nazareth ?
« Les quatre livres de l’Ecriture tout comme la Bible dans sa totalité (Ancien et Nouveau Testament) ne sont pas seulement de la littérature », écrit Benoît XVI/Josef Ratzinger dans sa préface. Plus loin : « Le rapport avec le « peuple de Dieu » est vital pour l’Ecriture. (…) Le peuple de Dieu - l’Eglise (catholique) - est le sujet vivant de l’Ecriture ; en elle les mots de la Bible sont toujours présents. Bien sûr il en résulte que ce peuple se reçoive de Dieu lui-même, en fin de compte du Christ en chair et en os, et qu’il se laisse conduire, ordonner, et diriger par lui. » Alfred Donath, président de la Fédération suisse des communautés israélites, est « un peu surpris » par un tel discours. « Il se rapproche de l’ancienne attitude de l’Eglise catholique à l’égard des communautés juives, qui les avait longtemps considérées comme relevant d’une religion périmée, attribuant la seule valeur à la transcendance apportée par le Christ. J’avais cru comprendre que l’Eglise catholique était revenue, avec Vatican II et Jean XXIII, à la reconnaissance de la validité de notre religion, en dépit de nos divergences. A propos d’un autre passage du livre (p. 132), Alfred Donath constate toutefois que l’ «on continue à faire croire aux Juifs qu’ils n’auront le salut que s’ils reviennent à la vraie foi, et le message de Benoît XVI semble s’aligner sur cette position. Ce passage corrobore ce qu’il disait précédemment : la religion juive n’est en soi pas complète car elle se limite à ses yeux à l’Ancien Testament. Elle a besoin de l’apport du Nouveau Testament pour se transformer en religion radicalement nouvelle. Paul, que cite Benoît XVI, a été de loin l’apôtre le plus virulent à l’égard des Juifs. Benoît XVI, en le citant, a l’air de réduire la religion juive à la circoncision, à un ensemble de règles alimentaires et l’observation du sabbat. Mais c’est oublier que toutes les valeurs de notre civilisation, parmi lesquelles l’amour du prochain, dont les chrétiens se font volontiers les porte-drapeaux, viennent de là. En outre, réduire la civilisation juive à l’Ancien Testament, c’est oublier toute la littérature postérieure du Talmud qui nourrit notre religion ». Qui écrit, Josef Ratzinger ou Benoît XVI ?Pour le protestant Gottfried W. Locher, l’écrit du pape est critiquable à plusieurs points de vue : « Tout d’abord, il n’est pas possible de ne pas dire à quel titre il écrit cet ouvrage. Veut-il présenter sa propre vision des choses, est-ce Josef Ratzinger ou Benoit XVI qui écrit? Il faut choisir, même s’il affirme ne pas faire en priorité œuvre de prescription doctrinale, il faudrait savoir ce qui différencie le pape de Josef Ratzinger. Le thème de l’ouvrage, Jésus de Nazareth, est celui auquel il consacre sa fin de vie. Mais ce thème est typiquement réformé : « Solus Christus », disent les protestants. Nous pourrions nous en réjouir comme d’un signe de rapprochement œcuménique (certains passages, comme par ex. celui consacré au Sermon sur la montagne (p.106), sont d’ailleurs très beaux de ce point de vue) si d’autres éléments ne nous portaient à en douter, comme la place que l’ouvrage réserve à la religion juive. En outre, pour les Réformés, le principe « Sola Scriptura » prévaut (l’Ecriture seule). Benoît XVI lui oppose la révélation de la divinité du Christ, la Bible et la tradition ne faisant qu’attester de sa qualité. L’Ecriture est dont secondaire. Nous lisons en fait une grande prédication qu’un pape allemand adresse à la fin de sa vie, alors qu’il semble moins intéressé par le rapprochement avec les Réformés qu’avec les Eglises de l’Est », conclut Gottfried Locher. Malgré nos efforts pour le joindre, le pasteur Thomas Wipf, pris par la consultation internationale pour le Jubilée de Calvin en 2009 à Genève, n’a pas souhaité commenter des extraits de « Jésus de Nazareth ».