Livres : le mystère apocryphe expliqué aux lecteurs néophytes

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Livres : le mystère apocryphe expliqué aux lecteurs néophytes

16 octobre 2007
Rejetés par l’Eglise, les écrits apocryphes sortent aujourd’hui de l’ombre grâce à un immense travail de recherche et d’édition, et retrouvent un public, que le battage médiatique fait autour de la publication récente de l’Evangile de Thomas a rendu curieux
Quels secrets ces écrits révèlent-ils ? Comment les comprendre ? Des biblistes, réunis autour de Jean-Daniel Kaestli et Daniel Marguerat, apportent quelques pistes de lecture.Les écrits apocryphes témoignent de la diversité de la foi des débuts de l'ère chrétienne et font apparaître le Nouveau Testament comme un recueil de morceaux choisis résultant d’une sélection, opérée dès la fin du deuxième siècle, au sein d’un foisonnement de textes bien plus vaste. Les textes qui ont été écartés du canon biblique, et dont l’Eglise contestait l’authenticité, constituent un ensemble hétéroclite se rapportant à la tradition née de Jésus. Ils sont nés d’un besoin d’éclairer et d’approfondir les données de l’Ecriture, de combler ses silences. Certains d’entre eux interprètent, développent, complètent et prolongent l’histoire biblique. D’autres rapportent l’activité évangélisatrice d’un apôtre, racontent des histoires destinées à nourrir la piété des fidèles.

« Les écrits apocryphes sont un lieu incontournable pour celui qui veut cerner l’identité chrétienne », estime Daniel Marguerat dans sa contribution à l’ouvrage, « Le mystère apocryphe », consacré à cette littérature que le public découvre aujourd’hui. Le chercheur lausannois explique : «Lire les apocryphes permet de restituer à la généalogie du christianisme l’ampleur qui fut la sienne, avant que des mesures de contrainte fassent naître l’illusion de l’unanimité ». Ces écrits, multiples, témoignent d’un temps où être chrétien n’allait pas de soi et où dire le message chrétien suscitait une intense créativité. Ils n’entretiennent pas avec les écrits bibliques une relation d’opposition ou de concurrence.

Certains de ces textes rapportent des paroles de Jésus, comme l’Evangile de Thomas, découvert en 1945 par un paysan égyptien à Nag Hammadi. « Ces paroles sont loin d’être homogènes, constate Jean-Daniel Kaestli, directeur de l’Institut biblique romand, spécialiste des écrits apocryphes dont il a assuré la réédition dans La Pléiade. Les apocryphes répondent à des questions qui demeurent en suspens dans les récits canoniques, comme par exemple l'Evangile de Marie : il contient une révélation que Marie-Madeleine a reçue en particulier de la bouche de Jésus, lors d'une vision. L'idée s'appuie sur le récit de l'apparition du Christ à Marie-Madeleine dans l'Evangile de Jean (20,14-18), qui s'arrête net après les mots: « J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit ». L'Evangile de Marie prend le relais du récit ancien de Jean : Marie communique aux autres disciples le contenu de l'enseignement que Jésus lui a confié en privé ». Cette révélation faite à une femme, a paru suspecte, ou pour le moins d’un intérêt mineur, ce qui explique sans doute que l’Eglise l’a écartée.

Enigmatiques, ces textes le sont bien souvent. Leur symbolique échappe à la compréhension immédiate du lecteur contemporain, qui a besoin qu’on éclaire sa lanterne, sans parti pris.