Mariages au stade, en plongée, sur un alpage, en montgolfière : les Eglises romandes réticentes

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Mariages au stade, en plongée, sur un alpage, en montgolfière : les Eglises romandes réticentes

19 mai 2008
A Granges, le pasteur Samuel Wendel a récemment refusé de célébrer un mariage sur un stade de foot, alors que deux plongeurs étaient récemment fâchés de ne pouvoir s’unir devant le ministre de Colombier (NE)
Face à l’évolution des désirs des couples, les Eglises romandes souhaitent rappeler que ces cérémonies sont des cultes publics appelés à se dérouler dans une église.

Qui veut se marier religieusement ne peut le faire n’importe où. Un habitant de Granges, qui souhaitait épouser son amie en juin sur un terrain de football, parce qu’il avait fait sa connaissance à cet endroit, s’est heurté au refus du pasteur Samuel Wendel. « Dans la paroisse réformée de Granges-Bettlach, nous tenons à ce que le mariage garde son caractère de culte ayant lieu dans une église, tout comme le match de football a sa place au stade », a confié le pasteur dans un témoignage paru sur le site de la Société pastorale suisse. Un rapide tour d’horizon des Eglises réformées romandes montre que ce point de vue est généralement partagé, même si toujours plus de paroissiens souhaitent personnaliser des mariages, mais aussi des baptêmes ou encore des enterrements en choisissant un cadre inhabituel.

« Nous sommes confrontés à plusieurs demandes, et parfois il est totalement impossible d’y donner suite. Le baptême, par exemple, doit se dérouler à l’église et au cours d’un culte, puisqu’il marque l’entrée de l’enfant dans la communauté chrétienne qui l’accueille », indique Gabriel Bader, président du Conseil synodal de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN). Pour les mariages, un autre lieu que l’église est théoriquement possible en théologie réformée, puisque la présence de Dieu n’est pas liée au bâtiment. Une telle requête nécessitera toutefois l’autorisation du Conseil paroissial ainsi que le respect de directives rédigées par l’Eglise protestante neuchâteloise, afin de « s’assurer les moyens d’une cérémonie digne » : si le mariage a lieu à l’extérieur, il faudra prévoir une solution de repli correcte en cas de pluie, une très bonne sonorisation si plus de 20 personnes sont présentes. Le règlement général de l’EREN précise d’ailleurs que « dans la règle, les bénédictions de mariage ont lieu à l’église ».

« Je suis réticent lorsque des futurs époux invoquent un lieu symbolique de leur amour. La célébration ne vise pas à reproduire le premier baiser ou la première rencontre. Elle doit constituer un rassemblement de personnes témoins d’une promesse du couple devant Dieu. De même, choisir un autre lieu ne doit pas illustrer une réticence à fréquenter l’Eglise en tant qu’institution », poursuit Gabriel Bader. Le cadre ne pourra pas être exclusivement privé : deux plongeurs ont été récemment fâchés du refus du ministre de Colombier de célébrer leur union sous l’eau, mais un refus identique toucherait les candidats aux mariages en montgolfière ou en avion. « Nous avons tout à gagner à profiler les unions que nous célébrons comme quelque chose d’assez exigeant, qui se fait d’ordinaire à l’église et sous certaines conditions », conclut-il.

Pour l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), le mariage est aussi « un culte public qui se passe a priori dans une église », explique Antoine Reymond, conseiller synodal à plein temps. Il constate cependant « une tendance à privatiser les cérémonies, à rechercher des cadres spéciaux, qu’il s’agisse de balade en montagne ou en forêt, et même de demandes pour des cérémonies privées d’enterrement dans un jardin. Nous devons rappeler que le mariage est plus qu’une cérémonie destinée à la famille et aux amis. C’est un acte social qui s’inscrit dans la communauté. Célébrer en privé, c’est se couper de certains contacts nécessaires. Il est bon de ne pas tout de suite acquiescer à toutes les exigences, même s’il peut arriver qu’avec l’accord d’un conseil paroissial, la cérémonie ait lieu ailleurs qu’à l’église ». La question du lieu des mariages, baptêmes et enterrements devrait être reprise d’ici la fin de l’année dans le cadre du nouveau règlement ecclésiastique vaudois. « Il faut que nous y réfléchissions, car certains maîtres de cérémonie privés conçoivent déjà des événements sur mesure ». A Fribourg, Daniel de Roche, président du Conseil synodal, explique que l’assemblée des ministres en a discuté et a convenu d’une politique « assez restrictive », même si des demandes de bénédictions de mariage sur un alpage sont parfois posées. « En faire un simple happening serait contraire au message que nous souhaitons apporter ». Un des règlements les plus ouverts est celui des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, qui, tout en rappelant que le mariage à l’église est la règle, permet aux couples de discuter d’un autre lieu avec le ministre chargé de la cérémonie, pour peu qu’il soit « un cadre digne et adapté au culte ». « Nous ne devons pas seulement tenir compte de l’évolution des temps et incitons à la retenue », indique Astrid Maeder, responsable du secteur théologie des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, qui reçoit une douzaine de demandes par an concernant des lieux inhabituels. Elle ne souhaite pas donner d’exemples pour ne pas encourager cette tendance. « Le devoir de l’Eglise est d’annoncer l’Evangile de Jésus-Christ. L’endroit où ces cérémonies se passent est donc important, car forme et contenu vont de pair ».