Les protestants allemands font face aux abus commis dans leurs foyers
« Nous avons amené la preuve, à notre grand effroi, que même dans des foyers gérés par l’Église, des enfants ont été victimes de violence », a déclaré lundi Margot Kässmann, évêque de l’Église évangélique luthérienne de Basse-Saxe, lors d’un exposé intitulé « Les enfants et l’Église ». Son commentaire fait suite aux révélations préliminaires de l’enquête « Violences et injustices dans les maisons d’éducation des années 50 et 60 », qu’elle avait commanditée au sujet de déclarations de violence et d’abus dans des foyers pour enfants gérés par l’agence de protection sociale de l’Église d’Hanovre dans les années 1950 et 1960.
Si ce sujet était autrefois tabou, l’Église doit aujourd’hui faire face à cette part sombre de son histoire, du fait de l’ampleur des mauvais traitements infligés aux enfants. Ce sujet devient de plus en plus présent dans l’opinion publique et les médias, notamment depuis 2006 avec la parution du livre « Des coups au nom du Seigneur » de Peter Wensierski, journaliste à Der Spiegel. Il y révélait le destin tragique et peu connu des enfants placés dans des foyers de l’Église de la République fédérale d’Allemagne.
L’enquête, commandée par l’Église, relève qu’ils ont été environ 500'000 à y séjourner des années 50 jusqu’aux années 70 dans des conditions difficiles tant moralement que physiquement. Victimes fréquentes de coups, ils devaient travailler dur, exploités comme main d’œuvre bon marché et exposés à des sanctions draconiennes. Peu connu, ce vécu fait souffrir encore aujourd’hui beaucoup de personnes du fait qu’il soit passé sous silence, ajoutant à la honte personnelle des victimes de ces pratiques.
Lors de son exposé, Margot Kässmann a déclaré : « De toute évidence, il y a eu dans le passé de gros manquements à la diaconie des institutions ecclésiales. (…) Comme le reste de la société dans son ensemble, l’Église considérait la punition corporelle comme normale. La violence institutionnelle était vue comme faisant partie du système éducatif. La blessure des plus vulnérables était à l’ordre du jour, et nous avons porté la faute sur nous-mêmes en tant qu’institution, il n’y a pas d’autre moyen que d’en parler et le reconnaître. De notre point de vue aujourd’hui, ce type de pédagogie et de punition corporelle est absolument inacceptable ».
Les enquêtes ont déjà révélé plusieurs cas de violation des droits de l’homme et d’abus sexuels commis au sein de ces institutions. Le diocèse luthérien de Hanovre déclare son intention de communiquer sur ces cas passés et d’identifier leurs auteurs, une tâche dans laquelle la collaboration de l’État est attendue. La commission des pétitions du Parlement fédéral allemand a déjà conduit plusieurs auditions avec des représentants de pensionnaires de ces foyers, des scientifiques et des délégués de la jeunesse. La ministre des affaires sociales de Basse-Saxe, Mechthild Ross-Luttmann, a publié mardi sur le site Internet du gouvernement de ce Land une invitation pour toute personne concernée à transmettre des renseignements.