Le patriarcat de Moscou suspend sa participation à la conférence des Églises européennes
15 octobre 2008
L’Église orthodoxe russe a annoncé suspendre sa participation à la vie de la Conférence des Églises européennes (CEC)
Elle marque ainsi son mécontentement devant le délai imposé à l’adhésion de l’Église orthodoxe d’Estonie à la CEC. Elle formule également de fortes critiques envers le comité de la CEC et son président Jean-Arnold de Clermont, pour qui il s’agit d’éviter le piège de l’urgence et continuer de favoriser le dialogue. Quelques pistes pour comprendre.L’Église orthodoxe russe suspend avec fracas sa participation à la Conférence des Églises européennes (CEC). Elle en a fait l’annonce par la voix de l’un de ses représentants, l’archiprêtre Vsevolod Chaplin, au terme de la réunion du comité central de la CEC qui se tenait à Chypre du 6 au 11 octobre. Le motif annoncé de cette distanciation est l’incapacité du comité central à voter sur une résolution visant l’adhésion à la CEC de l’Église orthodoxe d’Estonie, liée au patriarcat de Moscou. Furieux, les représentants russes reprochent au comité central son inaction et ne se privent pas de formuler des attaques frontales envers Jean Arnold de Clermont, président de la CEC.
Cette crise synthétise les divergences des deux Églises orthodoxes d’Estonie. La première, l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie, est rattachée au patriarcat œcuménique de Constantinople, dont le primat est Bartholomée Ier, élu en 1991. En novembre 2007, le Comité central de la CEC l’a reconnue comme l’un de ses membres. À la même époque, la seconde Église orthodoxe du pays, l’Église orthodoxe d’Estonie, juridiction de l’Église orthodoxe russe, dont le patriarche Alexis II est à la tête, a fait à son tour la demande d’être membre de la CEC. Soumise au vote le week-end dernier à Chypre, cette adhésion a été rejetée par les délégués du comité central. Il faut dire qu’au moment du vote, plusieurs représentants de l’orthodoxie grecque ont quitté la salle, le quorum (majorité des deux tiers) ne pouvait par conséquent pas être atteint.
Très remonté, le père Chaplin a expliqué à l’agence russe Interfax avoir pourtant reçu précédemment de la part de Jean-Arnold de Clermont des « promesses fermes et claires » quant à l’adhésion certaine de l’Église orthodoxe d’Estonie à la CEC. Il lui reproche d’avoir changé de comportement lors de la rencontre du comité central le week-end dernier, et avoir repoussé « à une période indéterminée » cette question, suivant ainsi l’avis des représentants du patriarcat de Constantinople, hostiles à cette adhésion, de crainte qu’elle complique les rapprochements en cours de ces deux Églises estoniennes (voir encadré). De son côté, Jean-Arnold de Clermont conteste avoir formulé ces promesses : « En décembre 2007, nous avons indiqué que le comité central acceptait d’étudier cette candidature et y était favorable, en précisant qu’une adhésion était envisageable à condition que les deux Églises orthodoxes d’Estonie ne constituent qu’une seule délégation commune. Mais chacune des deux Églises aspire à diriger elle-même cette délégation, aucun accord n’a été établi entre elles. Lors de la dernière rencontre d’octobre, nous avons proposé que cette délégation soit constituée et son chef nommé d’ici février 2009 ». L’archiprêtre Chaplin dénonce une politique de deux poids deux mesures de la part du comité central de la CEC. « Au contraire, répond Jean-Arnold de Clermont, c’est bien par souci d’équité de traitement de ces deux Églises que nous leur demandons de fonctionner ensemble et de constituer une seule délégation ».Aider les Églises à collaborerContrariée par ces contretemps lors de la réunion du comité central, l’Église orthodoxe russe a exigé que le vote ait tout-de-même lieu immédiatement, brandissant la menace d’une suspension de sa participation à la CEC en cas de refus. Une pression difficilement acceptable pour Jean-Arnold de Clermont : « J’ai très clairement dit, lors de la rencontre du comité, qu’exiger un vote immédiat nous mettait dans un piège qui n’était pas acceptable. J’ai très fermement expliqué que la CEC n’a pas la capacité à reconnaître juridiquement telle ou telle Église. La seule capacité que nous avons est celle d’aider deux Églises différentes du même pays à travailler ensemble ». Le comité central, constitué en majorité de protestants, d’anglicans et de catholiques chrétiens, souhaite éviter de jouer le rôle d’arbitre entre deux Églises orthodoxes. « Dès le premier jour de la réunion du comité central, nous avons expliqué qu’il est important de consacrer le temps nécessaire à cette question », souligne Jean-Arnold de Clermont.
Il n’empêche que la réaction courroucée de l’Église orthodoxe russe est particulièrement virulente. « Nous regrettons profondément cette suspension », précise Jean-Arnold de Clermont. Quant aux attaques personnelles dont il fait l’objet, Jean-Arnold de Clermont se dit peiné : « Je suis traité de malhonnête, cela ne reflète pas le débat en cours. Le bureau de la CEC prépare une réaction pour me soutenir comme président. Nous allons bien évidemment continuer le dialogue avec Moscou et Constantinople. Le comité central travaille à trouver une solution d’ici juillet 2009, date de la prochaine Assemblée de la CEC ».
Il apparaît également que certains membres du comité central semblent douter que l’Église orthodoxe d’Estonie soit réellement autonome vis-à-vis du patriarcat de Moscou (elle était d’ailleurs considérée jusqu’à fin 2007 comme l’un de ses diocèses). Un doute qui avait été exclu lors de la demande d’adhésion de l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie rattachée au patriarcat de Constantinople. « Nous évaluons toujours les demandes sur les mêmes critères, explique Jean-Arnold de Clermont. En l’occurrence, il apparaissait clairement que le métropolite Stephanos de Tallin (primat de l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie) est indépendante et autonome devant le patriarcat de Constantinople ».
Dans la crise actuelle, reste à savoir qui est vraiment handicapé par cette prise de distance de l’Église orthodoxe russe. « La CEC a vocation de favoriser le dialogue entre les Églises d’Europe, relève Jean-Arnold de Clermont. Cette situation est donc dommageable et regrettable pour elle. Mais cela n’est pas bon non plus pour Moscou de couper les liens et de rester seule ».
Fondée en 1959, la CEC réunit plus de 120 Églises protestantes, orthodoxes, anglicanes et catholiques chrétiennes de tous les pays d’Europe. Elle fêtera ses 50 ans l’an prochain en tenant sa 13ème Assemblée à Lyon, sous l’enseigne « Appelés à une seule espérance en Christ ». Cette Assemblée est l’organe suprême de la CEC, elle réunit tous les six ans les représentants des Églises qui la constituent.
Cette crise synthétise les divergences des deux Églises orthodoxes d’Estonie. La première, l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie, est rattachée au patriarcat œcuménique de Constantinople, dont le primat est Bartholomée Ier, élu en 1991. En novembre 2007, le Comité central de la CEC l’a reconnue comme l’un de ses membres. À la même époque, la seconde Église orthodoxe du pays, l’Église orthodoxe d’Estonie, juridiction de l’Église orthodoxe russe, dont le patriarche Alexis II est à la tête, a fait à son tour la demande d’être membre de la CEC. Soumise au vote le week-end dernier à Chypre, cette adhésion a été rejetée par les délégués du comité central. Il faut dire qu’au moment du vote, plusieurs représentants de l’orthodoxie grecque ont quitté la salle, le quorum (majorité des deux tiers) ne pouvait par conséquent pas être atteint.
Très remonté, le père Chaplin a expliqué à l’agence russe Interfax avoir pourtant reçu précédemment de la part de Jean-Arnold de Clermont des « promesses fermes et claires » quant à l’adhésion certaine de l’Église orthodoxe d’Estonie à la CEC. Il lui reproche d’avoir changé de comportement lors de la rencontre du comité central le week-end dernier, et avoir repoussé « à une période indéterminée » cette question, suivant ainsi l’avis des représentants du patriarcat de Constantinople, hostiles à cette adhésion, de crainte qu’elle complique les rapprochements en cours de ces deux Églises estoniennes (voir encadré). De son côté, Jean-Arnold de Clermont conteste avoir formulé ces promesses : « En décembre 2007, nous avons indiqué que le comité central acceptait d’étudier cette candidature et y était favorable, en précisant qu’une adhésion était envisageable à condition que les deux Églises orthodoxes d’Estonie ne constituent qu’une seule délégation commune. Mais chacune des deux Églises aspire à diriger elle-même cette délégation, aucun accord n’a été établi entre elles. Lors de la dernière rencontre d’octobre, nous avons proposé que cette délégation soit constituée et son chef nommé d’ici février 2009 ». L’archiprêtre Chaplin dénonce une politique de deux poids deux mesures de la part du comité central de la CEC. « Au contraire, répond Jean-Arnold de Clermont, c’est bien par souci d’équité de traitement de ces deux Églises que nous leur demandons de fonctionner ensemble et de constituer une seule délégation ».Aider les Églises à collaborerContrariée par ces contretemps lors de la réunion du comité central, l’Église orthodoxe russe a exigé que le vote ait tout-de-même lieu immédiatement, brandissant la menace d’une suspension de sa participation à la CEC en cas de refus. Une pression difficilement acceptable pour Jean-Arnold de Clermont : « J’ai très clairement dit, lors de la rencontre du comité, qu’exiger un vote immédiat nous mettait dans un piège qui n’était pas acceptable. J’ai très fermement expliqué que la CEC n’a pas la capacité à reconnaître juridiquement telle ou telle Église. La seule capacité que nous avons est celle d’aider deux Églises différentes du même pays à travailler ensemble ». Le comité central, constitué en majorité de protestants, d’anglicans et de catholiques chrétiens, souhaite éviter de jouer le rôle d’arbitre entre deux Églises orthodoxes. « Dès le premier jour de la réunion du comité central, nous avons expliqué qu’il est important de consacrer le temps nécessaire à cette question », souligne Jean-Arnold de Clermont.
Il n’empêche que la réaction courroucée de l’Église orthodoxe russe est particulièrement virulente. « Nous regrettons profondément cette suspension », précise Jean-Arnold de Clermont. Quant aux attaques personnelles dont il fait l’objet, Jean-Arnold de Clermont se dit peiné : « Je suis traité de malhonnête, cela ne reflète pas le débat en cours. Le bureau de la CEC prépare une réaction pour me soutenir comme président. Nous allons bien évidemment continuer le dialogue avec Moscou et Constantinople. Le comité central travaille à trouver une solution d’ici juillet 2009, date de la prochaine Assemblée de la CEC ».
Il apparaît également que certains membres du comité central semblent douter que l’Église orthodoxe d’Estonie soit réellement autonome vis-à-vis du patriarcat de Moscou (elle était d’ailleurs considérée jusqu’à fin 2007 comme l’un de ses diocèses). Un doute qui avait été exclu lors de la demande d’adhésion de l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie rattachée au patriarcat de Constantinople. « Nous évaluons toujours les demandes sur les mêmes critères, explique Jean-Arnold de Clermont. En l’occurrence, il apparaissait clairement que le métropolite Stephanos de Tallin (primat de l’Église orthodoxe apostolique d’Estonie) est indépendante et autonome devant le patriarcat de Constantinople ».
Dans la crise actuelle, reste à savoir qui est vraiment handicapé par cette prise de distance de l’Église orthodoxe russe. « La CEC a vocation de favoriser le dialogue entre les Églises d’Europe, relève Jean-Arnold de Clermont. Cette situation est donc dommageable et regrettable pour elle. Mais cela n’est pas bon non plus pour Moscou de couper les liens et de rester seule ».
Fondée en 1959, la CEC réunit plus de 120 Églises protestantes, orthodoxes, anglicanes et catholiques chrétiennes de tous les pays d’Europe. Elle fêtera ses 50 ans l’an prochain en tenant sa 13ème Assemblée à Lyon, sous l’enseigne « Appelés à une seule espérance en Christ ». Cette Assemblée est l’organe suprême de la CEC, elle réunit tous les six ans les représentants des Églises qui la constituent.