Les pasteurs réformés romands ne connaissent pas la libre circulation

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Les pasteurs réformés romands ne connaissent pas la libre circulation

21 avril 2009
En Suisse romande, les pasteurs réformés ne connaissent pas la libre circulation
La Suisse alémanique bénéficie en revanche depuis longtemps d'un concordat, qui permet aux pasteurs d'exercer dans le canton de leur choix.
Si un pasteur romand veut travailler dans un autre canton, la démarche reste compliquée. Il doit se soumettre dans certains cas à un examen, dans d'autres à un entretien « trapu » pour obtenir l'agrégation, c'est-à-dire l'autorisation d'exercer son ministère.
Pour répondre à la crise des vocations et à la baisse des ressources financières, « l'ouverture du marché du travail est pourtant une des pistes étudiées », a expliqué Pierre de Salis, président de la société pastorale suisse, à ProtestInfo. Même si les églises de Suisse romande traînent les pieds, «jalouses de leurs prérogatives », selon lui, cette évolution semble inéluctable.
A ce stade, un tableau comparatif des pratiques des six cantons romands se trouve sur le bureau de la Conférence des Eglises protestantes romandes (CER). « But: unifier la procédure d'admission au stage de pasteurs comme celle de la validation », a dit Olivier Favrod, responsable de la formation des pasteurs en Suisse romande, au sein de l'Office protestant de formation (OPF).
Selon lui, la libre circulation des pasteurs n'est pas un objectif en Suisse romande. « A terme, le système permettant aux pasteurs romands de travailler dans un autre canton devra pourtant s'assouplir tout en restant exigeant », a expliqué Antoine Reymond, président de la CER.
« Les choses fonctionnent tout de même », juge Lucien Boder, membre du conseil synodal des Eglises Berne-Jura-Soleure et membre du bureau de la CER. Il a relevé que son église a récemment engagé trois pasteurs neuchâtelois et un genevois sur un total d'une quarantaine de ministres actifs. AnachronismeReste que les frontières cantonales ont quelque chose d'anachronique à l'heure de la libre circulation en Europe et de la globalisation. Parmi les résistances, le poids inégal des églises en Suisse romande joue certainement un rôle.
« Vaud est toujours majoritaire avec près de 60% des forces en terme économique et en nombre de postes, a relevé Hans Strub, responsable de la formation des pasteurs en Suisse alémanique. En comparaison, Zurich ne peut pas imposer sa vision sans concertation, car elle ne rassemble que 40% des forces », avance le Zurichois.
Berne, l'autre grand canton réformé de Suisse alémanique, est le seul canton outre-Sarine à ne pas faire partie du concordat, qui date de 1862. A cette exception près, les frontières cantonales n'existent donc plus en Suisse alémanique pour l'engagement d'un pasteur. La consécration reste toutefois l'apanage d'une seule église cantonale, mais elle est reconnue par les autres.
De plus, les futurs pasteurs alémaniques suivent après l'université une formation commune pendant un an, qui est payée par les différentes églises cantonales proportionnellement à leurs ressources. « Berne devrait nous rejoindre d'ici deux à trois ans », estime M. Strub.
Dans ce dossier, les Romands ont redoublé d'efforts. « Un accord a été signé avec les Alémaniques il y deux ans, a précisé M. Reymond, pour unifier la formation post-universitaire. » Même si la durée du stage et la période d'essai avant l'accès à la consécration est différente selon les cantons romands, les pasteurs bénéficient de 45 jours de formation commune grâce aux cours dispensés par l'Office protestant de formation, qui dépend de la CER.
La formation continue des pasteurs est aussi plus musclée outre-Sarine en début de carrière. Ceux-ci bénéficient d'un coaching, de supervision et d'un certain nombre de cours à choix. En Suisse romande, l'OPF dispense également des cours et des suivis à ce niveau, mais c'est l'église vaudoise qui reste la mieux dotée en la matière pendant les cinq première années: « les pasteurs des autres églises peuvent venir suivre ces cours à Lausanne », a poursuivi M. Reymond.Fortes différences salarialesLes différences salariales sont également fortes entre cantons. A Neuchâtel, le salaire moyen brut oscille entre 6000 et 7000 francs contre 9000 à 10'000 francs à Zurich, selon M. Strub. En Suisse alémanique, les écarts sont moins grands se situant entre 8000 et 10'000 francs.
M. Strub n'a pas observé de migration marquée vers les cantons plus généreux. De plus en dix ans, l'écart entre les salaires s'est réduit, affirme-t-il, sans qu'il ait eu d'efforts concrets menés dans ce domaine.
Dans le canton de Vaud, la venue de pasteurs d'autres cantons ou de l'Union européenne reste faible. « Six pasteurs ou diacres sont venus de Neuchâtel cette année, a indiqué Marc-André Freudiger, coordinateur au sein de l'Office des ressources humaines de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Et cinq ressortissants de l'Union européenne en 2003. » Ces deux groupes venant hors des frontières cantonales sont les plus importants, si l'on considère tous les engagements enregistrés depuis 2000.
Avec 242 pasteurs et diacres en fonction, les places sont stables dans le canton de Vaud. « Et les étudiants qui sortent de théologie sont encore assez nombreux », a relevé M. Reymond, également membre permanent du conseil synodal de l'EERV. Toutefois, un tiers du corps pastoral en moyenne en Suisse romande devra être renouvelé d'ici 2020.
En Suisse alémanique, la pénurie guette aussi, même si les pasteurs allemands ont la cote. Zurich compte environ 20% de pasteurs venant d'outre-Rhin, mais cela relève davantage de la tradition, selon M. Strub. Et aux Grisons, la moitié des pasteurs sont allemands.
Mais la filière allemande n'est pas inépuisable. D'ici 2015-2018, M. Strub craint également une pénurie de pasteurs allemands, car toute une génération de ministres partira alors à la retraite dans ce pays, libérant ainsi de nombreux postes sur place.