Des « people » plébiscitent la prison

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Des « people » plébiscitent la prison

14 septembre 2009
L'écrivain français Frédéric Beigbeder plébiscite l'effet que deux jours de garde à vue ont eu sur lui après avoir été arrêté pour consommation et détention de cocaïne. Le Français Pierre Botton, proche d'hommes politiques au pouvoir à la fin des années 90, a fait de la prison pour abus de biens sociaux. Si sa prise de conscience a été plus longue, il en est aussi venu à saluer les vertus de l'enfermement.

Loin du discours sur l'horreur de l'enfermement, des « people » estiment que la prison les a sauvés. Sur le terrain, deux aumôniers de prison et un psychiatre pénitentiaire comparent ces déclarations tonitruantes aux réalités qu'ils observent jour après jour.

« Des changements peuvent s'opérer sur la durée. Ce sont des choses auxquelles j'ai pu assister. Mais seulement auprès de personnes qui avaient les moyens d'analyser leur situation et la force d'en changer », a expliqué à ProtestInfo Philippe Nicolet, aumônier de prison dans le canton de Berne.

« J'ai rencontré un homme d'une soixantaine d'années, un ancien cadre, qui avait écopé d'une longue peine, a poursuivi l'aumônier. Cet homme a complètement modifié sa manière de vivre comme ses convictions. La prison lui a offert le temps, mais pas les instruments : ces derniers (la lecture, l'étude et la réflexion sur soi), il les possédait déjà. Pour ce type de personnes, il est possible que la prison soit favorable », a poursuivi M. Nicolet.

Désarroi et impuissance

Mais selon l'aumônier, "la prison accentue plutôt le désarroi et le sentiment d'impuissance. Pour la plupart des personnes incarcérées, l'enfermement n'offre aucunement une plage privilégiée permettant la réflexion. La prison peut même être un milieu tellement absorbant qu'elle distrait de soi-même." A ses yeux, les deux « people » sont deux figures atypiques.

Si des hommes faisant partie de l'élite plébiscitent la prison pour eux-mêmes, cela signifie-t-il que l'époque produit davantage d'irresponsabilité? Bruno Gravier, chef de service de médecine et psychiatrie pénitentiaires du canton de Vaud, n'y croit guère. Si la société contemporaine génère un nouveau type de comportement, il pencherait plutôt pour la violence. « J'ai travaillé à Lyon, au moment des émeutes dans les banlieues. La violence en Suisse rejoint désormais la moyenne européenne, a-t-il expliqué à ProtestInfo.

Pour lui, ce ne sont pas seulement les personnes privilégiées, qui peuvent tirer parti de leur incarcération. « Des toxicomanes, des pédophiles peuvent être soulagés par l'enfermement, car elle marque un coup d'arrêt dans des pratiques qu'ils ne maîtrisent plus », a souligné le psychiatre. « Idem pour une personne qui se trouve dans une situation familiale malsaine ou violente. Elle y échappe en commettant un acte qui l'emmène en prison ».

Ligne rouge

Pour Bruno Gravier, la ligne rouge fixée par le pénal et la morale peut fluctuer selon les époques. Il considère qu'actuellement les médias jouent un rôle, car ils peuvent faire passer des escrocs pour des héros. Par exemple, des sportifs, qui se dopent, sont portés aux nues et gagnent des sommes d'argent colossales.

De son côté, Philippe Cosandey, aumônier de prison vaudois, écarte les « people » « Je ne peux pas parler de notables en prison, je n'en ai pratiquement jamais rencontrés. Mais sur l'irresponsabilité, je dirai à l'inverse que plus la société devient stricte et exigeante envers les individus, comme c'est le cas, plus il devient difficile de s'y mouvoir, plus des individus peuvent 'péter les plombs' ou refuser de se prendre en main. »

« Et c'est le début de l'escalade. La société augmente encore le contrôle et les individus réagissent plus violemment. En poussant plus loin le raisonnement, je pense que les deux extrêmes sont nocifs : on retrouve derrière les barreaux autant des jeunes abandonnés à eux-mêmes que des jeunes trop contrôlés et mis sous pression. »

Des jeunes davantage responsables

Contrairement aux stéréotypes, M. Gravier estime que l'époque produit des jeunes gens davantage responsables. « Ils sont confrontés plus jeunes à une masse d'informations, dont la génération précédente ne disposait pas. Ils ont développé par conséquent un sens aigu de la responsabilité », considère le psychiatre.

Enfin, l'aumônier bernois considère qu' « il y a des cas, où quelle que soit l'époque, la responsabilité est trop lourde à assumer pour l'individu. Quelqu'un qui a tué son enfant en le secouant ou un criminel pédophile peut se trouver devant l'incapacité de se confronter à l'horreur de ses actes. » Mais là encore, le regard social entre en jeu, selon M. Gravier.