Les Eglises du Pakistan pleurent leur ministre chrétien

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Les Eglises du Pakistan pleurent leur ministre chrétien

7 mars 2011
Bangalore, Inde,
le 7 mars 2011 (ENInews\Anto Akkara) – L’assassinat le mercredi 2 mars à Islamabad de Shahbaz Bhatti, ministre catholique des minorités religieuses, a suscité l'indignation des responsables chrétiens du pays, et au-delà. Ils ont fait d'hier dimanche une journée de prière et de jeûne.

 

Plusieurs marches de soutien à travers le pays, des écoles chrétiennes fermées et une journée de jeûne et de prière: l’assassinat de Shahbaz Bhatti a fait naître une vague de protestation au sein de la communauté chrétienne pakistanaise. Dans une déclaration à la presse, la Conférence des évêques catholiques du pays a affirmé que si le Pakistan « devient un champ de la mort » pour les personnes « qui font usage de leur liberté de conscience et d’expression », alors les « criminels qui essaient de prendre le pouvoir dans le pays » seront enhardis dans leurs efforts.

Le ministre, âgé de 42 ans, a été pris le 2 mars dernier dans une embuscade et tué par balles alors qu’il se rendait à son bureau en voiture. Ses obsèques ont eu lieu le 4 mars dans son village natal de Kushpur. Opposé à la loi pakistanaise anti-blasphème, qui fait de la critique du prophète Mahomet un crime capital dans ce pays à majorité musulmane, Shahbaz Bhatti avait lancé en novembre dernier une action en faveur de la grâce d’Asia Bibi, chrétienne actuellement en prison à la suite d’accusations de blasphème.

« Ma vie est en danger »

« Ma vie est en danger. Je reçois régulièrement des menaces », déclarait Shahbaz Bhatti à ENInews à la fin d’un entretien téléphonique le 22 novembre. Le 4 janvier 2011, le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, autre personnalité gouvernementale de haut rang, était assassiné après avoir critiqué la loi réprimant le blasphème.

« Nous saluons le courage de Shahbaz Bhatti qui, en connaissance de cause, a mis sa vie en danger en prenant audacieusement position contre la loi anti-blasphème, a déclaré à ENInews l'archevêque Lawrence Saldana, président de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan. Nous avons décidé de fermer tous nos établissements pour rendre hommage à son sacrifice. »

A la nouvelle de l’assassinat, Victor Azariah, secrétaire général du Conseil national des Eglises du Pakistan (NCCP), a déclaré à ENInews, de son bureau de Lahore, que « les mots ne peuvent décrire nos sentiments ». « Nous sommes anéantis », a-t-il ajouté. 

« C’est une grande perte pour la communauté chrétienne. Nous avons perdu un leader qui ne connaissait pas la crainte », a déclaré Joseph Francis, directeur fondateur du centre d’assistance juridique CLAAS (Centre for Legal Aid, Assistance and Settlement).

« Nous sommes choqués par l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité de Shahbaz Bhatti. Quand sa voiture est tombée dans une embuscade, il n’y avait pas de forces de sécurité dans le secteur », a indiqué Joseph Francis, qui connaissait le ministre depuis l’époque de ses études. Le CLAAS défend les chrétiens et d’autres personnes accusées en vertu de la loi anti-blasphème.

Président du COE indigné

Des dirigeants du monde entier, parmi lesquels le président des Etats-Unis Barack Obama, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, le Premier ministre britannique David Cameron et le pape Benoît XVI, ont rendu hommage à Shahbaz Bhatti. A New York, la Société islamique d’Amérique du Nord a déclaré qu’elle était « indignée » par cet assassinat. Dans une lettre au Premier ministre du Pakistan, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises basé à Genève, le pasteur Olav Fykse Tveit, a qualifié ce crime de « haineux et scandaleux ».

Notant que « les extrémistes ne s’arrêteront devant rien dans leurs efforts pour imposer l’extrémisme religieux et la violence dans la société pakistanaise par tous les moyens », le pasteur Tveit a appelé à la protection des minorités religieuses.

Shahbaz Bhatti avait lancé le Front de libération des chrétiens à l’époque où il était étudiant. Par la suite, il créa en 2001 l’Alliance des minorités de tout le Pakistan. En 2002, il devint membre du Parti du peuple pakistanais (PPP). Quand le PPP prit le pouvoir début 2008, sous la conduite du président Asif Ali Zardari, Shabaz Bhatti fut invité à siéger à l’Assemblée nationale du Pakistan dans le contingent réservé aux chrétiens, et devint ministre fédéral chargé des minorités. (718 mots-ENI-11-F-0023-FN)