Kenya : chrétiens et musulmans débattent du port du hidjab à l’école

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Kenya : chrétiens et musulmans débattent du port du hidjab à l’école

11 avril 2011
Nairobi, Kenya, le 11 avril (ENInews\Fredrick Nzwili) – Des dirigeants musulmans kényans en appellent à une action gouvernementale contre les écoles chrétiennes ayant interdit à leurs élèves le port du hidjab, voile recouvrant traditionnellement la tête des jeunes filles et des femmes musulmanes.


Des responsables d’Eglise ont pris position en faveur de cette interdiction, en affirmant que les directeurs d’établissement sont en droit de définir un code vestimentaire dans leurs écoles, en fonction des traditions, de la discipline et de la philosophie d'une religion.

« Le problème dure depuis un certain temps. Dans nos écoles privées, nous n’encourageons ni ne permettons le port du hidjab. Il est très important pour nous que tous les enfants soient logés à la même enseigne. Ce sont les règles que nous avons fixées », a déclaré l’archevêque catholique romain de Mombasa, Boniface Lele, au correspondant d’ENInews le 6 avril, six jours après que des dirigeants musulmans eurent formulé leurs exigences.

Ces dirigeants prétendent que certains enfants ont été renvoyés de l’école en raison de leur tenue vestimentaire et ils demandent leur réintégration. Leurs requêtes s’appuient sur les dispositions de la nouvelle Constitution du Kenya, adoptée en août 2010, qui garantit à chaque enfant le droit à l’éducation. Ils ont aussi exigé que l’habit traditionnel soit autorisé dans toutes les écoles du pays.

Dans un entretien avec le correspondant d’ENInews, le cheikh Juma Ngao, président du Conseil consultatif national musulman du Kenya (KMNAC), a déclaré que l’interdiction du port du hidjab constituait une violation des droits des musulmans et qu’elle pourrait amener les musulmans à retirer massivement leurs enfants des écoles.

« Selon nos enseignements, les femmes doivent se couvrir, que ce soit à l’école ou au travail, or ce n’est pas le cas dans les écoles chrétiennes. Pour nous, cela correspond à de la discrimination à l’encontre des enfants musulmans », a-t-il déclaré le 6 avril. Les Eglises possèdent ou subventionnent de nombreuses écoles au Kenya, dont la plupart ont été fondées par des missionnaires au 19e siècle.

A titre d’exemple, sur 15 000 écoles primaires, 5 301 sont financées par l’Eglise catholique romaine, qui en détient par ailleurs 325. Ces chiffres passent respectivement à 1 731 et 163 sur 3 560 lorsqu’il s’agit des écoles secondaires. Ces écoles accueillent des enfants de toutes origines. « Nous aimerions instaurer un dialogue, mais cela n’a pas été simple avec les dirigeants musulmans, sur ce sujet comme sur d’autres », a déclaré l’archevêque Lele.

L’évêque anglican de Mombasa, Julius Kalu, estime pour sa part que les musulmans tentent d’imposer l’agrément du foulard. « C’est un sujet très sensible de nos jours. Les musulmans profitent de la nouvelle Constitution pour formuler leurs exigences », a-t-il déclaré, ajoutant que les deux religions prennent le sujet très au sérieux.

La communauté musulmane du Kenya possède peu d’écoles, selon le cheikh Ngao, mais les fidèles envoient leurs enfants dans les écoles subventionnées par les Eglises car ils savent que c’est le gouvernement qui paye les enseignants qui y travaillent. « Nous payons des impôts et cela nous porte à croire que nous payons aussi ces professeurs. C’est pour cette raison que nous envoyons nos enfants dans ces écoles », a-t-il déclaré.

Mike O’Maera, un responsable de Elimu Yetu (Notre Education), alliance d’organisations de la société civile, remarque que les Eglises mettent en place des écoles afin d’instruire tous les enfants, sans distinction de religion ni d'origine. « Nous les invitons à reconnaître cet état de fait, ainsi que la liberté de parole et d’association de chacun. L'expression personnelle permet aux enfants de grandir et la religion ne devrait pas avoir son mot à dire », selon lui. M. O’Maera, qui est catholique, a encore ajouté que le fait de permettre le port du hidjab renforcerait la coexistence interreligieuse. (643 mots-ENI-F-11-0041-JMP)