Royaume-Uni: le mariage princier mettra en lumière les relations entre Eglise et Etat

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Royaume-Uni: le mariage princier mettra en lumière les relations entre Eglise et Etat

28 avril 2011
Cantorbéry, Angleterre, le 28 avril (ENInews-RNS\Trevor Grundy) – Lorsque le prince William et Kate Middleton marcheront vers l’autel de l’abbaye de Westminster à Londres le 29 avril, les liens historiques entre l’Etat et l’Eglise
d’Angleterre, uniques en leur genre, s'exposeront à la vue de tous. Un statut d'Eglise d'Etat en péril?

Certains sur place pensent – et même espèrent – que l’évènement pourrait constituer la dernière marque de l'union entre l’Eglise et l’Etat dans ce pays de plus en plus laïque, selon l’agence de presse Religion News Service (RNS). Tandis que John Hall, doyen de Westminster, et Rowan Williams, archevêque de Cantorbéry, se préparent à célébrer le mariage royal, des chrétiens et des non-croyants influents exigent que l’Eglise d’Angleterre, qui domine la vie spirituelle du pays depuis 400 ans, cesse d'en être l'Eglise officielle.

Dans un message spécial paru à l’occasion des noces royales, Rowan Williams a souligné les liens historiques entre l’Eglise et l’Etat en Angleterre. « Depuis environ l’an 1300, écrit-il, la résidence londonienne des archevêques de Cantorbéry est ici, au palais de Lambeth. La vue depuis le palais donne tout droit sur le Parlement, Big Ben et, bien sûr, l’abbaye de Westminster. »

Une des preuves les plus indiscutables de la relation unique qu'entretiennent l'Eglise et l'Etat au Royaume-Uni est le fait que, à la Chambre des Lords du Parlement, siègent 26 Lords spirituels, tous des hommes non élus qui sont également évêques de l’Eglise d’Angleterre.

Le 29 avril, la réunion des membres de la famille royale et des évêques dans l’abbaye de Westminster reflètera les liens étroits qui existent entre eux. Rowan Williams, rappelons-le, a été nommé par la reine Elisabeth en 2003, sur la recommandation du Premier ministre d’alors, Tony Blair, devenant ainsi le cinquième archevêque de Cantorbéry nommé par elle en soixante ans. Quant à l'archevêque Williams, c'est à lui, ou à son successeur, qu'il reviendra de couronner le prochain monarque.

Un monarque de confession anglicane depuis 1562

La reine est devenue « gouverneur suprême » et « défenseur de la foi » de l’Eglise d’Angleterre lors de son accession au trône en 1952. Ces titres avaient été créés en 1562 suite au schisme entre le roi Henry VIII et la papauté, en 1534. La préface des trente-neuf articles de foi de l’Eglise indique ainsi que le souverain de l'Angleterre se donne pour tâche de conserver et de maintenir l’Eglise dans l’unité de la vraie foi pour préserver la paix.

Si le trône lui échoit, le prince William sera à son tour investi du pouvoir de nommer les évêques et les archevêques. La loi britannique impose que le monarque soit de confession anglicane et membre confirmé de l’Eglise d’Angleterre. Kate Middleton a reçu la confirmation le 10 mars lors d’une cérémonie privée dans un palais de Londres.

Le Premier ministre actuel, David Cameron, a exprimé son soutien « de principe » à l’abrogation de la Loi de 1701 qui interdit l’accès au trône aux catholiques, une proposition qui se heurte à la ferme opposition des responsables anglicans. Cette loi empêche également les héritiers de la couronne d’épouser des catholiques, en vertu de l’idée selon laquelle les enfants royaux élevés dans cette foi seraient obligés de choisir entre la loyauté envers Rome et la loyauté envers l’Eglise d’Angleterre.

Le prince Charles, fils d'Elisabeth, est la personne qui est restée le plus longtemps héritier présomptif du trône britannique dans l'histoire du pays. Il est marié à Camilla Parker Bowles, qui est de confession catholique romaine. D'après les sondages, la majorité des Britanniques souhaitent voir le prince William succéder directement à sa grand-mère sur le trône. William n’a, quant à lui, exprimé que peu d’intérêt et d’engagement envers l’Eglise d’Angleterre ou même envers le christianisme. Selon les proches du couple, Kate et William sont, comme leurs contemporains, discrètement indifférents à la religion.

« Un oeil sur ses sujets, l'autre sur le paradis »

Un théologien qui souhaite garder l’anonymat a récemment lancé la boutade suivante lors d’une réception au palais de Lambeth : « Depuis Saül, David et Salomon, le souverain idéal aux yeux de l’Eglise d’Angleterre est un homme ou une femme qui garde un œil sur ses sujets et l’autre sur le paradis. »

La reine laisse à l’archevêque de Cantorbéry et aux autres évêques le soin de s’occuper de la plupart des affaires ecclésiales. Les responsables de l'Eglise luttent depuis quelques années pour garder intacte l’Eglise d’Angleterre malgré des divergences profondes sur l’accès des femmes à l’épiscopat. Aux Etats-Unis, Rowan Williams a en outre été aux prises avec un groupe de fidèles indépendants d’esprit de l’Eglise épiscopale sur la question de l’ordination d'évêques homosexuels. Dans les anciennes colonies britanniques, Rowan Williams est entré en conflit avec des évêques conservateurs qui se voient comme les dirigeants d’une prétendue Eglise des pays du Sud.

De nombreux observateurs s’attendent à ce que, lorsque la reine, âgée de 85 ans, décédera, les appels à l'abandon du statut d'Eglise d'Etat dont jouit l’Eglise d’Angleterre se fassent plus forts, voire qu’ils aboutissent. Rowan Williams, en sa qualité d’ancien archevêque du Pays de Galles, a déclaré que cette idée ne l'effraie pas. « J’ai passé dix ans à travailler dans une Eglise séparée de l'Etat (ndlr: l’Eglise du Pays de Galles) et je sais que si nous perdons le statut d’Eglise établie, ce ne sera en aucun cas la fin du monde », avait-t-il déclaré au magazine de gauche New Statesman en 2008. (896 mots-ENI-11-F-0049-JMP)