La visite de la reine en Irlande peut « guérir les divisions »

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La visite de la reine en Irlande peut « guérir les divisions »

18 mai 2011
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Cantorbéry, Angleterre, le 18 mai (ENInews\Trevor Grundy ) – Les responsables religieux voient dans la visite officielle historique de la reine Elizabeth II en Irlande cette semaine un signe de réconciliation après des siècles de haine et de violences interconfessionnelles. Mais mardi, des alertes à la bombe ont fait planer la peur sur l'île.

En arrivant à Dublin le 17 mai pour une visite de quatre jours, la souveraine sera le premier monarque britannique à fouler le sol de la République d’Irlande depuis sa fondation en 1922; la dernière visite d’un souverain britannique à Dublin, le roi George V, remonte à 1911. La reine se rendra au Jardin du souvenir de Dublin, qui rend hommage à ceux qui sont morts en luttant pour libérer l’Irlande de la domination britannique. Elle visitera aussi le stade de Croke Park, où les troupes britanniques tuèrent 14 personnes en 1920, et assistera à un dîner officiel au château de Dublin, qui fut longtemps le symbole du pouvoir britannique en Irlande.

La visite « donnera une impulsion importante à la réconciliation », a déclaré au correspondant d’ENInews l’archevêque Alan Harper, primat de l’Eglise (anglicane) d’Irlande. « Elle illustre la transformation des relations entre les deux pays. Très favorablement accueillie en République d’Irlande et en Irlande du Nord, elle est attendue avec un réel enthousiasme. »

« Les grandes Eglises ont aussi accompli un énorme travail pour transformer les relations », a ajouté l’archevêque Harper. « Face aux conflits interconfessionnels en Irlande, et pas seulement en Irlande du Nord, la visite de la reine constitue une nouvelle occasion de construire des ponts et de guérir les divisions. Finalement, il s’agit autant d’établir des relations de confiance et de respect entre les personnes que de résoudre des divergences de pratique et de doctrine. »

La jeune génération pour un pays pacifique

Pour le cardinal Sean Brady, l’un des dirigeants catholiques romains les plus influents d’Irlande, la visite est « une illustration du respect mutuel qui existe entre nos deux pays, entre l’Eglise (ndlr: anglicane) d’Irlande et l’Eglise catholique en Irlande ». Le père Gerry O'Flynn, de l’Aumônerie irlandaise basée à Londres, a déclaré à ENInews: « On ressent très fortement aujourd’hui, tant dans le nord que dans le sud de l’Irlande, le besoin de se défaire du passé pour avancer vers un avenir meilleur. »

« La République d’Irlande, a noté le père O’Flynn, compte une plus grande proportion de jeunes de moins de 30 ans que tout autre pays d’Europe. Ces jeunes veulent que leurs enfants grandissent dans un pays pacifique et prospère, libéré de la malédiction de la violence et de la haine religieuses. »

Cependant, tout le monde n’accueille pas cette visite avec la même satisfaction. « En tant que mouvement républicain, le Sinn Fein est très conscient du caractère symbolique d’une visite officielle de la reine Elizabeth d’Angleterre et de son caractère choquant pour les citoyens irlandais, en particulier ceux qui ont été victimes de la domination britannique et de ses suites dans notre pays et dans le nord », a affirmé Gerry Adams, leader du Sinn Fein, le parti politique champion de l’indépendance, historiquement lié à l’Armée républicaine irlandaise.

" Derniers vestiges d’une culture stérile"

La reine s’est rendue à plusieurs reprises en Irlande du Nord et le prince Charles, son fils et héritier, a effectué une visite privée à Dublin en 1995. Près de 10 000 policiers et soldats assureront la sécurité durant la visite de la reine, a indiqué l’Irish Times le 9 mai. Selon ce journal, si l’éventualité d’une attaque directe est limitée, on craint en revanche que des groupes, notamment de républicains dissidents, n’organisent des manifestations de protestation de grande ampleur ou ne fassent exploser des bombes. Des alertes à la bombe ont d'ailleurs émaillé la journée de mardi.

« Malheureusement, les dissidents ne constituent pas seulement une menace pour cette visite [royale], mais aussi une menace plus générale », a déclaré la présidente irlandaise Mary McAleese lors d’une récente visite aux Pays-Bas. « Ils sont ce que j’appellerais les derniers vestiges d’une culture vieillie, fatiguée et stérile qui entendait résoudre les problèmes politiques par une action paramilitaire. »

Indignation contre les bonus des banquiers

Le conflit entre l’Irlande et la Grande-Bretagne a une longue histoire. En 1169, le roi Henri II lança ses chevaliers normands contre un chef rebelle irlandais. Au 16e siècle, Henri VIII rompit les relations avec l’Eglise catholique romaine, mais l’Irlande demeura catholique. Par la suite, Henri, sa fille la reine Elizabeth Ière et Oliver Cromwell organisèrent des persécutions contre les catholique romains irlandais.

Une insurrection armée déclenchée à Dublin en 1916, le « soulèvement de Pâques », déboucha sur la proclamation de l’indépendance de la République d’Irlande en 1922. Toutefois, six comtés d’Irlande du Nord demeurèrent sous domination britannique et les conflits violents entre protestants fidèles à la Grande-Bretagne et catholiques favorables à l’indépendance se poursuivirent durant de nombreuses années dans le nord.

La signature de l’accord de paix dit « du Vendredi Saint » en 1998 a levé le dernier obstacle à une visite officielle de la reine, a déclaré au correspondant d’ENInews Mary Kenny, journaliste catholique romaine et écrivaine. Aujourd’hui, a-t-elle noté, « la plupart des Irlandais sont trop occupés à s’indigner contre les bonus des banquiers et les maladresses de l’Eglise catholique romaine dans la gestion des abus et des scandales pour se préoccuper des griefs du passé ». (877 mots-ENI-11-F-0059-FN)