Klaas Hendrikse face aux protestants genevois
«Klaas Hendrikse n'aime pas forcément les grands discours », a dit Gabriel de Montmollin, directeur des éditions Labor et Fides, devant plus d'une centaine de personnes. « Il pense qu'on ne doit pas en premier lieu parler de Dieu, mais d'abord des êtres humains et de leurs expériences. C'est un peu sa marque de fabrique. Ecouter les questions des gens avant de donner des réponses théologiques.» Que dites-vous à vos paroissiens le dimanche ?
Lançant le débat, l'éditeur a demandé au pasteur hollandais. : « Vous qui croyez en un Dieu qui n'existe pas, que pouvez-vous bien dire à vos paroissiens tous les dimanches ». « Je comprends votre question comme : comment pouvez-vous être un pasteur, qui ne croit pas en Dieu ?», a d'abord reformulé Klaas Hendrikse.
« Ce n'est pas facile », lâche-t-il en riant. « Ma réponse actuelle, c'est qu'au minimum, beaucoup de personnes doutent de l'existence de Dieu. Pour beaucoup de personnes, croire en Dieu veut dire qu'il existe et qu'il se trouve quelque part. Pour être vraiment honnête, j'ai rencontré très peu de personnes, qui ont expérimenté Dieu dans leur vie. Et si je devais croire qu'il existe un Dieu externe, je ne pourrais pas être un croyant, ni un pasteur. » Le pasteur hollandais va plus loin : « Je pense qu'à la base, la croyance en un Dieu qui existe n'est pas judéo-chrétien, mais païenne. »
M. de Montmollin reprend la balle au bond : « Si Dieu n'est que dans l'expérience humaine ou la rencontre, il n'existe pas avant le début de l'humanité ou après sa disparition ? » M. Hendrickse se réapproprie à nouveau la question : « Vous me demandez quand Dieu advient (happens) dans ma vie ? Un ami m'a dit un jour : 'je ne te laisserai pas tomber' à un moment où je trouvais difficile de ne pas abandonner. Quand quelqu'un vous dit ces mots, il les accomplit. Ce n'est pas rien, c'est beaucoup. Cette expérience a même tellement d'importance que je l'appellerai Dieu. D'autres pourraient lui donner un autre nom. »
Comme pasteur, M. Hendrikse est souvent confronté à la mort. « Il m'arrive de parler à des gens qui sont près de mourir. Je vais dans leur chambre et je ne sais pas ce qui va se passer Je n'ai rien avec moi. Juste Klaas, c'est tout. » Il poursuit : « Il n'y a pas de recettes. Il n'y a pas de réponses aux questions. Je peux seulement faire cela, car j'ai confiance que quelque chose va se passer. Et quand quelque chose se produit. J'appelle cela Dieu : c'est une façon de qualifier ce qui s'est passé après que cela se soit passé ».
« Quelle est votre vision de la bible? lui demande encore l'éditeur genevois. « Prenons Moïse devant le buisson ardent, reprend le pasteur hollandais.
- Moïse entend une voix :
- 'Moïse, tu dois sortir mon peuple de l'esclavage !'
- Moïse répond :
- 'Je suis là seul à entendre ta voix. Et tu me dis que je dois aller vers ce peuple et qu'il doit me suivre? Mais ils ne savent pas qui tu es? Alors s'il te plaît, dis-le moi. Si je vais vers mes gens et qu'ils me demandent de quel Dieu s'agit-il? Qu'est-ce que je dois leur dire?'
M. Hendrikse clôt le récit : « Cette histoire n'est jamais arrivée et c'est pour cela qu'elle est vraie ».
Le pasteur poursuit sa démonstration : « Cette question se pose tous les jours ou presque: de quel Dieu s'agit-il? De quelle manière lui suis-je lié? Est-ce que Dieu m'aide? Quelle relation puis-je avoir avec lui? C'est une question pérenne - de tous les temps -, mais la réponse est mythologique », assène-t-il aux Genevois.
« Ce qui m'intéresse avec la bible, c'est pourquoi les hommes de cette époque l'ont écrit de cette manière? Qu'est-ce que ce texte a à nous dire aujourd'hui? Et c'est le travail des experts et des pasteurs de faire cela, et c'est beaucoup de travail. »
« Ces disputes me rappellent les disputes du Moyen-Age » relève le théologien Hans-Christoph Askani avant de se lancer dans la critique de l'ouvrage de Klaas Hendrikse.
« Avec votre livre, poursuit-il, vous formulez vraiment un souci de notre temps. Comment parler du message chrétien de façon à ce que nos contemporains le comprennent. Avec ce souci en même temps de ne pas affaiblir le message chrétien. »
M. Askani ne saisit pas pourquoi en revanche il faudrait renoncer aux grands concepts théologiques: « Vous critiquez beaucoup des termes comme le jugement dernier, le péché, le royaume de Dieu. Mais chacun de ces concepts contient une question. Le jugement dernier ? est-ce que le monde finira comme ça, sans aucune parole ? Un grand athée que j'admire beaucoup, Jean-Paul Sarte, a dit que : 'L'idée la plus insupportable est qu'il n'y aurait jamais un jugement final sur le monde.' »
Il poursuit avec le péché, « un autre grand concept, mais qui comporte une question. Y a-t-il un pardon? Qui me permet de recommencer, malgré le poids qui pèse sur moi? »
« Si l'on revient à la question de l'existence de Dieu, vous dites dans votre livre que 'Dieu n'existe pas', et vous le répétez. Le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer dit aussi dans un de ses livres que 'Dieu n'existe pas', mais il le dit une fois. C'est une remise en question qui me semble très importante. Pour qu'on ne prenne pas Dieu comme une entité faisant partie de ce monde. Mais à l'inverse, à force de répéter que 'Dieu n'existe pas', c'est aussi une façon de vouloir le maîtriser. »
« Et si 'Dieu n'existe pas', il n'est jamais un vis-à-vis pour l'homme. Il n'existe tout simplement pas. Ou il est transformé dans une entité qui nous accompagne, qui est l'expression pure de nos expériences. Mais jamais il n'est l'autre pôle extérieur. »
M. Askani reprend son souffle et se demande : « Mais n'est-ce pas la dignité, la force la foi chrétienne d'oser croire en une force extérieure. Une extériorité qui n'est pas seulement en phase avec nous. Qui nous contredit peut-être, qui nous remet en question. Mais qui par contre, peut aussi être appelée par nous? »
Après près une heure d'échange entre M. Hendrikse et M. Askani, les personnes dans la salle interviennent. Un homme d'un certain âge prend la parole : « Votre livre m'a fasciné. En le lisant, je pensais au bon berger qui va chercher sa brebis perdue. Je crois qu'aujourd'hui, trop souvent, dans nos Eglises, on s'occupe des brebis qui veulent bien encore rester, mais que la majorité sont des brebis perdues auxquelles s'adresse probablement votre livre.
« Etes-vous chrétien? » demande une autre personne. Klaas Hendrikse n'esquive pas la question. « Je suis pasteur dans une Eglise chrétienne. J'ai grandi dans un environnement chrétien. C'est plus ou moins une coïncidence. Mais je ne me sens pas chrétien. Car cela impliquerait que le christianisme a quelque chose de spécial que les autres n'ont pas. Et cela je n'y crois pas. »
Un dernier participant intervient : « Je suis allé vous écouter prêcher en Hollande. J'ai trouvé votre culte traditionnel, sauf votre prédication. » Klaas Hendrikse rit devant la remarque. « Aimeriez-vous changer votre culte? votre Eglise? « Oui, bien sûr, j'aimerais le changer, répond-il en faisant siffler le « Yesssssss » dans l'espace genevois. « Dans la dernière partie de mon livre, je rêve de l'Eglise du futur. Et c'est plutôt frustrant de ne pas être en mesure de mettre cela en oeuvre. Mais je ne peux pas faire cela tout seul. J'ai besoin du soutien de ma communauté. »
- M. Hendrikse a publié son livre « Croire en un Dieu qui n'existe pas. Manifeste d'un pasteur athée » en 2007 (en français chez Labor et Fides, 2011). Celui-ci a rencontré un succès important avec des thèses iconoclastes à tel point que son Eglise a hésité à le licencier. Il n'a pu rester en place que grâce au soutien de ses paroissiens.
- Klaas Hendrikse revient en Suisse romande le 27 septembre. On pourra l'entendre à l'Espace culturel des Terreaux à Lausanne.