Un camp de réfugiés somaliens devient la troisième « ville » du Kenya
Plus de 1000 personnes souffrant de malnutrition grave arrivent chaque jour, fuyant la sécheresse et la famine qui touchent plus de 12 millions d'individus. Ouvert en 1991 avec à l'origine une capacité de 90 000 places, le complexe est aujourd'hui surpeuplé, mais pour beaucoup de gens, il est devenu un lieu de résidence permanent.
Lieu de résidence permanent« Nous avons parlé avec une femme au camp qui dit y habiter avec ses quatre enfants », raconte la pasteure Elieshi Mungure, secrétaire régionale pour l'Afrique à la Fédération luthérienne mondiale (FLM), qui gère le camp pour le compte du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations Unies. « Nous lui avons demandé si elle retournerait en Somalie si la paix s'installait et qu'il y avait suffisamment à manger. Elle a répondu non; elle ne rentrerait pas, parce qu'elle a tout ce qui lui faut ici. Bien qu'elle dorme sous une tente, a-t-elle dit, elle vit mieux ici que là d'où elle vient. », a expliqué la pasteure Mungure.
Le complexe est constitué de trois camps – Dagahaley, Ifo et Hagadera. Beaucoup de migrants arrivent très affaiblis et traumatisés après un voyage qui dure en moyenne trois semaines. Pour parvenir au camp, ils doivent éviter les milices, les animaux sauvages et les bandits de grand chemin.
« Quand je me mets à la place de ces gens, qui parcourent de si longues distances ... arriver à un endroit comme celui-ci, c'est un soulagement. Ici, on peut trouver l'espérance de vivre une nuit et même plus encore », a dit dans une interview l'évêque Wakseyoum Idosa, président de l'Eglise évangélique éthiopienne Mekane Yesus.
EspoirIl y a trois mois, Halima Abdi est arrivée au camp avec ses quatre enfants. Chaque jour qui passe, elle regagne espoir en voyant sa famille vivre en paix et ses enfants accéder à l'éducation et à de meilleurs services de santé.
« Nous ne voyons plus les hommes armés qui nous entourent. Nous pouvons obtenir de l'eau, de la nourriture et des soins. C'était difficile à imaginer chez nous là-bas », explique Halima Abdi, qui s'est entretenue avec le correspondant d'ENInews par téléphone avec l'aide d'un traducteur. A leur arrivée, ses enfants ont été vaccinés dans une clinique gérée par Médecins sans frontières et la famille a reçu des biscuits à haute valeur énergétique et trois semaines de nourriture de la part du Programme alimentaire mondial de l'ONU.
Les communautés musulmanes du Kenya ont également fait parvenir de l'aide aux camps. Selon le cheikh Shamsu Diin Sheikh Liban, leader communautaire au camp de Dagahaley, les habitants recueillent de la nourriture et des vêtements, et parfois même ouvrent les portes de leur maison aux nouveaux arrivants.
« Ceux qui arrivent n'ont rien. Pas de nourriture, pas d'argent. Beaucoup d'entre eux dorment dehors. Même quand ils obtiennent de la nourriture, cela ne suffit pas », a déclaré dans une interview le cheikh Liban, qui vit à Dadaab depuis vingt ans.
Vives tensionsCependant, à mesure que les tentes investissent chaque bout de terrain disponible, les tensions se font plus vives. Pour y remédier, des programmes de police de proximité ont été mis en place, a indiqué par téléphone Moses Mukhwana, coordinateur du projet Dadaab de la FLM.
La FLM et le HCR ont mis en place un programme intitulé « Paix de proximité et équipes de sécurité ». Les volontaires suivent une formation de deux semaines sur la vie dans le camp, la violence sexiste et la résolution des conflits, puis ils aident la police à maintenir l'ordre public.
Ce sont les réfugiés eux-mêmes qui édifient leurs propres communautés, a expliqué Moses Mukhwana. Certains vendent de la nourriture bon marché, de la farine de blé et du sucre de Somalie. « Les magasins poussent comme des champignons, vendant toutes sortes de marchandises. Les réfugiés s'adaptent rapidement au commerce et beaucoup d'entre eux achètent des animaux d'élevage, par exemple des chèvres, et construisent des tukuls (huttes traditionnelles) », a-t-il affirmé.
En Somalie, les gens reçoivent des nouvelles de leur famille ou d'amis vivant dans les camps, explique Moses Mukhwana. Il existe selon lui un échange d'informations dynamique entre les habitants du camp et les nouveaux arrivants, qui fait que la cartographie du complexe reflète les régions d'origine des réfugiés. « Hagadera absorbe les réfugiés originaires de zones urbaines, tandis que les communautés agricoles s'installent à Ifo. Les réfugiés venant de régions pastoralistes s'installent quant à eux à Dagahaley », a-t-il expliqué. (826 mots-ENI-11-F-0096-JMP)