Les femmes syriennes victimes de la guerre

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Les femmes syriennes victimes de la guerre

18 mars 2013
Beyrouth (epd - ProtestInter) À l’hôpital de Sahra règne une intense activité. Soignants et infirmières en blouse blanche se hâtent dans les couloirs. L’établissement situé à Tripoli, au nord du Liban, est un lieu de recours pour les réfugiés syriens. Au rez-de-chaussée, l’organisation «Médecins sans frontières» gère un service de consultations gratuites. Les patients assis sur des chaises en plastique noir, en majorité des femmes, attendent patiemment leur tour de voir le médecin.

Parmi ces femmes se trouve Salam Chudr, la mi-quarantaine, accompagnée de sa fille. Elle a fui les violents combats qui se déroulaient dans la ville syrienne de Homs; son mari et son fils aîné sont morts; elle est maintenant seule responsable de ses trois autres enfants. Salam Chudr, qui souffre de troubles gastro-intestinaux, explique: «Nous vivions jusqu’ici dans une seule pièce, auprès d’une famille, mais elle vient de nous donner notre congé. Maintenant, il faut que je cherche un nouveau logement.»

La plupart des patients sont des femmes venues de Syrie, comme elle. Beaucoup souffrent de troubles psychosomatiques, avant tout des maux de tête et des douleurs dorsales, explique la doctoresse libanaise Maha Nadscha. Le souci à l’égard du sort de leurs proches en Syrie, les deuils et le changement de vie les rendent malades. Maha Nadscha se souvient en particulier d’une femme enceinte qui était constamment secouée par des crises de larmes en racontant qu’elle avait été violée.

Viols et avortements

Mohamed Mustafa a eu affaire lui aussi à des Syriennes victimes de viol. Ce médecin syrien de 27 ans vit depuis un an au Liban et travaille à l’hôpital de Sahra. Il a traité six femmes violées de Homs, raconte-t-il. Elles étaient psychiquement à bout. «Elles sont venues me voir parce qu’elles étaient enceintes et voulaient avorter.» Le docteur Mustafa les a confiées à des hôpitaux libanais: «La plupart ont pu avorter, d’après ce qu’on m’a dit.» En fait, les interruptions de grossesse sont interdites au Liban.

Exceptionnellement, dans le cas d’un viol, un médecin peut octroyer une autorisation. Mohamed Mustafa doute que les femmes sollicitent une aide psychologique: «Les victimes et leurs familles ressentent le viol comme une grande honte, et tout le monde garde le silence», explique le médecin.

Depuis la publication d’un rapport de l’organisation de défense des droits humains «Human Rights Watch», les violences sexuelles dans les prisons syriennes et lors de rafles dans les quartiers d’habitation sont à l’ordre du jour. Les auteurs seraient des soldats, des membres d’autres forces de sécurité et des miliciens fidèles au gouvernement. On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre de viols, ni pour la Syrie ni pour les pays voisins où des centaines de milliers de Syriennes ont cherché refuge.

Violence domestique

Mais, même loin de la guerre qui se poursuit dans leur pays, les femmes syriennes ne sont pas en sécurité. Mohamed Mustafa fait état de plaintes fréquentes concernant des actes de violence domestique. La pauvreté, le désespoir et les conditions de logement exigües des réfugiés sont autant de facteurs qui accroissent l’agressivité.

Lajal Rahhal le confirme. Beaucoup d’hommes syriens, traditionnellement soutiens de famille, se sentent inutiles et humiliés en exil, explique la psychologue libanaise qui, pour «Médecins sans frontières», traite des femmes atteintes de troubles psychosomatiques et de dépression.

Souvent, le père de famille suit toute la journée à la télévision des reportages sur la guerre dans son pays, ce qui accroît le stress et l’agitation, explique Lajal Rahhal: «Le seul endroit où il peut relâcher la tension, c’est à la maison.» En consultation, une femme sur deux raconte qu’elle a été battue.

Depuis des mois, des organisations internationales telles que le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) demandent un élargissement de l’offre d’aide aux victimes de violences sexuelles dans le contexte du conflit syrien. Les réfugiées syriennes devraient bénéficier d’une information plus complète, d’une prise en charge psychologique plus développée, et d’une hotline spéciale. Lajal Rahhal se rallie pleinement à ces demandes, elle qui n’arrive quasiment plus à gérer l’affluence à ses consultations. (FNA-11)