Asile: les Eglises se mobilisent

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Asile: les Eglises se mobilisent

3 mai 2013
Les Eglises protestante, catholique et catholique-chrétienne rejettent les mesures urgentes de la loi sur l'asile soumise au vote le 9 juin prochain
La protection des personnes persécutées n'est plus assurée, ont-elles expliqué à la presse invitée au centre de requérants d'asile de Köniz jeudi.

Par Céline Latscha

«Les requérants d’asile ne sont pas un problème, ils ont un problème», a déclaré jeudi l'abbé Martin Werlen, membre de la commission nationale suisse Justice et paix liée à la Conférence des évêques suisses (CES). En rejetant les modifications urgentes de la loi sur l’asile, les Eglises nationales ont réaffirmé le droit des êtres humains à des procédures équitables.

La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) dénonce l'interdiction de déposer une demande d'asile auprès d'une ambassade. Selon Simon Röthlisberger, chargé des questions de migration de la FEPS, «les conséquences de cette suppression sont dramatiques.»

«En l’absence d’alternatives, davantage de personnes entreront en Suisse illégalement ou ne trouveront plus de protection.» Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) parle de plus de 1500 immigrés morts noyés en tentant de rejpoindre l'Europe par la Méditerrannée en 2011.

Dix révisions en 30 ans

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’asile en 1981, dix révisions ont restreint ce droit. «Ces durcissements n’ont rien pu changer au fait que des êtres humains doivent fuir leur pays sous la contrainte et demander l’asile en Suisse», ont souligné les représentants des Eglises.

«Le destin des requérants d’asile est à peine pris en compte», s’est indigné Christophe Schuler, président de la commission de l’Eglise catholique chrétienne du canton de Berne. «Tous les requérants d’asile se retrouvent soupçonnés d’être des délinquants cherchant uniquement à exploiter notre état social.»

Les Eglises de Suisse ne négligent pas pour autant le ras-le -bol exprimé par la population. «La concurrence des convictions politiques prend fin là où l'humanité est elle-même en jeu», écrivent-elles.


Au-delà des statistiques…

Le centre de requérants d'asile géré par l'Armée du Salurt a rouvert ses portes en août 2011. Ce lieu d’accueil provisoire, le Dreispitz « Durchgangzentrum », devait, selon le site internet officiel, fermer ses portes «vraisemblablement» en mai 2013.

A l’heure de la prise de position des Eglises chrétiennes, le provisoire semble quasiment être devenu… définitif, du moins pour une soixantaine de réfugiés, adultes et enfants confondus. Entre dortoirs et douches communes, dans ce baraquement de fortune, la vie reprend gentiment ses droits.

En visitant les lieux, l’on se souvient soudain que derrière chaque statistique se cache un destin. Celui d’hommes et de femmes qui ont dû demander l’asile en Suisse sous la contrainte.

En effet, les motifs qui déterminent certains à quitter leur pays relève, comme le souligne la commission justice et paix dans son rapport, «de la persécution, de la guerre et de la violence. Ces personnes ne deviennent pas réfugiées parce qu’elles sont reconnues comme telles, mais parce qu’elles ne peuvent plus vivre dans leur pays. » Ici, ce constat devient une évidence.

On ne choisit pas de venir s’entasser à plusieurs dans un baraquement en bois au mobilier dépareillé. On y atterrit. Pas toujours de façon confortable. Certes, la situation semble s’être un peu améliorée avec le retour des beaux jours. On a pu installer quelques tables dehors, et les enfants, juste rentrés de l’école, circulent à vélo dans la cour. Mais tout reste précaire. Incertain.

Car ces requérants ont quitté leur pays en laissant tout derrière eux. Sur les murs anonymes de ce baraquement, entre deux parois amovibles, qui n’ont de séparation que le nom, certains essaient de redessiner les perspectives.

«Sans être soupçonnés d’entrée de jeu d’être des criminels ou des profiteurs de notre système social », confie à demi-mots Philippe Woodtli de la FEPS, presque honteux que l’on puisse soupçonner ces requérants d’avoir choisi de s’installer ici. Même provisoirement. Céline Latscha