A propos du carême et des rites religieux

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A propos du carême et des rites religieux

Jacques-André Haury
19 mars 2014
Facilement séduits par les rites des autres religions, beaucoup de protestants admirent le carême de leurs frères catholiques. Il convient pourtant de rappeler que, si les rites religieux rapprochent de Dieu, ils divisent les hommes.

Photo: John Ragai CC(by)

Le carême constitue l’un des seuls rites de la religion chrétienne. Il n’est pas pratiqué par les réformés, dont la tradition ne comporte aucun rite obligatoire.

«Je ne suis pas venu pour abolir la Loi, mais pour l’accomplir», déclare le Christ (Matthieu 5/17). Et Paul précise (Galates 5/14): «Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»

Un voyage à Jérusalem, à la rencontre des trois religions monothéistes, révèle à quel point le christianisme se distingue des religions rituelles que sont la religion juive et l’islam. Ces rites se manifestent par des règles propres à la vie quotidienne, qu’il s’agisse d’interdits alimentaires, de règles vestimentaires ou de pèlerinages obligatoires. Après quoi, la mort elle-même fait l’objet de contraintes précises, comme l’orientation des corps ou la durée de la sépulture.

La religion chrétienne ne donne pas au croyant toute liberté, puisqu’elle l’appelle à aimer Dieu et à aimer son prochain, ce qui est un vaste programme moral. Mais pour les détails, il n’y a pas de règles. Paul l’illustre par un exemple très concret: «En Jésus-Christ, ce qui a de la valeur, ce n’est ni la circoncision, ni l’incirconcision, mais la foi qui opère par l’amour.» (Gal. 5/6)

Les partisans des rites considèrent qu’ils entretiennent la foi; ou plutôt que, au moment où la foi décline, la soumission à diverses exigences rituelles maintient un lien fort avec Dieu et entre les croyants. L’intimité de la prière renforcée par le jeûne, la participation à un pèlerinage, l’ascension d’un chemin de croix constituent des moments exceptionnels de rencontre avec notre Seigneur. Et on peut voir dans le déclin du christianisme, tout particulièrement de la tradition réformée, la conséquence directe de la suppression de tout rite religieux.

Les rites religieux sont diviseurs

Inversement, il convient de relever à quel point les rites religieux sont diviseurs. Les grandes religions monothéistes se rencontrent assez aisément sur les principes fondamentaux: la nécessité de confier sa vie à Dieu, l’importance de la prière, l’appel à la charité et à l’amour de l’autre. Mais les rites les séparent. Abattage rituel, respect du jour du repos, port de voiles dissimulant le visage, séparation entre hommes et femmes dans les piscines ou les lieux de soins, inhumation séparée, etc.: ce sont ces rites qui s’opposent à la réunion des fidèles de religions diverses. C’est autour de rites religieux que se cristallisent les conflits culturels.

Le carême est un rite: de nombreux réformés, chaque année, semblent regretter que les églises protestantes en aient abandonné la pratique. Il convient de leur rappeler qu’une religion «libérée» des rites contribue à la coexistence harmonieuse de l’humanité.