Quel sens donner au baptême?

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Quel sens donner au baptême?

Elisabeth Schenker
16 octobre 2014
Pour quoi baptiser encore aujourd’hui? C’est la question de fond que pose Daniel Neeser, théologien et pasteur récemment retraité de l’Eglise Protestante de Genève, qui va présenter son livre ce jeudi 16 octobre à midi trente, au temple de la Fusterie, à Genève.

Photo: CC(by-nc-sa) Stephanie Jones

«Le baptême revisité, réflexions théologiques et liturgies de baptême», est paru ce printemps en coédition chez Olivetan et à l'Office protestant d'éditions chrétiennes. Comme tous les livres, il a une histoire: «ce n’est pas seulement de ma pratique pastorale que ce livre est né», explique Daniel Neeser, «mais de toute une réflexion théologique de fond, que j’ai commencé à mener de longue date avec d’autres collègues de l’Eglise Protestante de Genève» (EPG).

En 1993, tous les livrets de liturgie de baptême étaient épuisés, et la Compagnie des pasteurs et des diacres a demandé à la commission de liturgie de l’EPG, dont le théologien était président, d’en assurer une réédition. Si la commission s’est dissoute depuis, cela n’a pas empêché Daniel Neeser de mener ce travail exigeant à terme: avec ce livre, il nous propose non seulement une réflexion théologique fondamentale sur le baptême, mais aussi de précieux outils liturgiques. La deuxième partie du livre propose ainsi des liturgies pour des baptêmes d’adultes et d’enfants, inspirées des écrits et des pratiques des premiers siècles de l’Eglise.

La présentation comme alternative

A quoi sert le baptême? «C’est une question que nombre de mes collègues n’aiment pas», avoue Daniel Neeser, «car on pourrait penser qu’elle réduit le baptême à une chose utilitaire. Mais c’est pourtant une question incontournable. Dans ma pratique pastorale, je me suis rendu compte que lors des rencontres avec les parents, le débat portait essentiellement sur la question de l’engagement, et pas sur celle du sens profond du baptême. De plus, pour nombre de parents, la demande correspondait plutôt à une “présentation”». C’est sans doute face à ce même constat que dans les années 1960, l’alternative de «présenter» son enfant lors d’un culte, au lieu de le faire baptiser, a été proposée. A ce terme de «présentation», Daniel Neeser préfère celui de «bénédiction».

Quelle différence entre baptême et bénédiction? «La bénédiction permet d’honorer la demande des parents», répond le théologien, car «le baptême des bébés ne se fait qu’à l’aune de la foi des parents. C’est eux qui assurent que le sens du baptême sera vécu progressivement au fil de la vie de l’enfant. Ce sont eux qui s’engagent». La «présentation» ou «bénédiction» d’un nouveau-né lors d’un culte est proposée aux parents non croyants qui en font la demande à la place du baptême, mais elle est aussi préférée, remarque Daniel Neeser, par des gens au contraire très croyants, ou «qui préfèrent que l’enfant soit lui-même en âge de demander le baptême, avec tout ce à quoi il engage.»

Le baptême comme «équipement» plutôt que «rémission du péché»

Depuis Augustin, le baptême comme rémission du péché a fait long feu. Pour Daniel Neeser, «la conception du baptême comme équipement complémentaire pour répondre à la violence du monde» paraît à la fois plus pertinente, et plus proche des textes de l’Evangile et de ceux des premiers chrétiens auxquels il se réfère. «Vivre, c’est un défi», continue-t-il; «un défi contre la violence, la bêtise et l’absurde». C’est une liturgie de Guillaume Farel, le réformateur neuchâtelois, qui a le plus touché notre auteur. Dans un texte datant de 1536, Farel affirme que «pour parfaire sa création, Dieu propose le culte, le baptême et le mariage». C’est dans cette même ligne que Daniel Neeser déclare: «le baptême parfait l’acte créateur de Dieu».

Encadré: Le baptême et la foi des chrétiens Les diverses positions théologiques sur le baptême et les pratiques qui en découlent viennent en protestantisme de la question «du statut de la foi», explique Daniel Neeser. «Karl Barth et Oscar Cullmann, pour ne citer qu’eux, avaient des positions très différentes. Pour le premier, c’est la foi qui avant tout légitime le baptême. Pour le deuxième par contre, le baptême est un acte créateur de l’Esprit Saint». Les réformateurs eux-mêmes avaient des positions très différentes sur la question.