De nouveaux outils combattent les discours de haine sur les réseaux sociaux

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De nouveaux outils combattent les discours de haine sur les réseaux sociaux

Mari Michener Oye
30 décembre 2014
L’association birmane Panzagar lutte contre les messages de haine sur Facebook avec de vignettes pacifiques. Leur dernière création représente des personnages avec une fleur dans la bouche.

Photo: Des jeunes activistes birmans © RNS

(RNS-Protestinter)

Yangon, Birmanie – Parfois, une émoticône ne suffit pas. En Birmanie, une nouvelle série de vignettes sur Facebook représente des personnages avec une fleur dans la bouche. Les 24 figures portent un message plus profond que l’habituel «J’aime»: «Remplacer les messages de haine par des paroles de paix».

Ces vignettes sont la dernière invention de Panzagar, une coalition de militants de la société civile, pour lutter contre la propagation de «messages haineux» sur internet. Le nom de cette association, qui signifie «message fleuri», a été créé en réponse à l’omniprésence d’invectives contre les musulmans, sur internet et dans les espaces publics.

Parallèlement, Facebook a déployé une nouvelle option pour ses utilisateurs qui permet de signaler les messages insultants. Ce procédé vise à supprimer plus rapidement les messages offensifs ainsi qu’à répondre aux plaintes en langue birmane. Ce type de «mécanisme de signalement spécifique» existe déjà dans certaines régions, y compris en Afrique du Nord. Il a été développé aux Etats-Unis pour faire face à l’intimidation des mineurs sur internet. Mais, la situation en Birmanie est complètement différente.

Cinéma et journalisme audiovisuel censurés

La Birmanie est l’un des pays avec le plus faible accès à internet. Toutefois, les entreprises de télécommunications nouvellement habilitées ont développé cet accès qui plafonnait à 10% de la population en 2013 à 50% prévu pour fin 2015. En même temps, la censure reste une réelle menace. Jusqu’en 2011, chaque publication été censurée avant publication. Le gouvernement a assoupli cette mesure pour la presse écrite, mais il l’a gardée pour le cinéma et le journalisme audiovisuel.

Après les violentes manifestations du mois de juillet 2014, à Mandalay, qui ont fait deux morts et 14 blessés, selon les autorités, le président Thein Sein a déclaré: «Des mesures seront prises contre ceux qui menacent la stabilité de l’Etat plutôt que d’établir définitivement la liberté de la presse». Ces déclarations ont rendu nerveux les activistes en faveur de la démocratie. «Notre message est d’être prudent, pas silencieux», a exprimé Nay Phone Latt, un blogueur et militant qui a dirigé la campagne de Panzagar. «Nous venons d’obtenir la liberté d’expression et nous ne voulons pas être réduits au silence».

Les violentes attaques qui se sont déroulées dans la partie majoritairement bouddhiste de Birmanie ont engendré plus de 200 morts, ces dernières années. La majorité des victimes étaient des musulmans Rohingyas. A la suite de ces violences, le moine bouddhiste, Ashin Wirathu, surnommé «La figure du terrorisme bouddhiste» dans un article controversé du Time magazine, a attiré l’attention. Ce moine a publié des rumeurs sur sa page Facebook publique au sujet de femmes bouddhistes qui auraient été violées par des hommes musulmans.

Les réseaux sociaux ne sont pas à la base de la violence

Mais selon Nay Phone Latt, il serait simpliste d’imaginer que ce sont les messages publiés sur les réseaux sociaux qui sont à la base des violences. «Les médias en ligne ne sont qu’un outil. Les gens les utilisent pour transmettre leurs messages. S’il n’y a pas internet, ils trouveront un autre moyen, mais le web permet de communiquer très rapidement et de toucher beaucoup de personnes».

Ashin Wirathu et l’organisation de moines Ma Ba Tha (un comité pour la protection de la nationalité et de la religion) sont actifs sur internet et dans les espaces publics. Par le biais des dvds ainsi que de sermons dans les rues, ils mélangent les appels pour un renouveau des pratiques bouddhistes avec la critique des musulmans.

Certaines techniques d’organisation de Panzagar, y compris les nouvelles vignettes sur Facebook, s’inspirent directement de celle de leur adversaire. En téléchargeant du matériel sur la page Facebook de Panzagar, des groupes de jeunes locaux, résidant dans l’Etat Kachin et à Mandalay ont imprimé leurs propres T-shirts ainsi que des tracts. Le groupe «La jeunesse et l’harmonie sociale» a mené une campagne qui a atteint 56 villes et villages. La propre page Facebook de l’association a recueilli plus de 14'000 «J’aime».

Une campagne pour les citoyens

«Je suis bouddhiste, mais je suis contre les bouddhistes extrémistes», souligne Nay Phone Latt. «Nous faisons cette campagne pas en tant que bouddhistes ou que musulmans, mais en tant que citoyens birmans». Panzagar a reçu l’appui de plusieurs célébrités birmanes par le biais de deux chansons, «Nous sommes tous humains» et «Message de paix», dont la sortie est prévue pour le début de l’année. Au mois de juin, l’association a reçu le prix du citoyen birman, une récompense annuelle octroyée par des Birmans qui vivent à l’étranger.

Mais, leurs opposants ont créé une fausse page Facebook avec le nom de Panzagar. Cet incident a démontré que «les messages de haine sur internet sont systématiquement organisés en Birmanie», a relevé Matt Schissler, un conseiller du groupe de la société civile Paung Ku. Quand l’association pacifique a signalé à Facebook l’existence de cette supercherie, la page a été supprimée et les «J’aime» ont été ajoutés à la page officielle. «Panzagar construit la paix pour vaincre la haine», a précisé Ko Thit Sar, un jeune musulman, bénévole dans le cadre de la campagne. «Lorsque le gouvernement et la communauté permettent les discours haineux et que personne ne s’y oppose, cela mène à la discrimination».