Chrétiens de Terre sainte, le poids du symbole

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Chrétiens de Terre sainte, le poids du symbole

12 mai 2009
Le pape Benoît XVI se trouve actuellement à Jérusalem pour son premier voyage officiel en Terre sainte
Symbolique à plus d'un titre, sa présence met en lumière le rôle des chrétiens dans le conflit israélo-palestinien. Minoritaires et disposant d'un pouvoir limité, ils sont parfois considérés comme des médiateurs nécessaires.Le voyage du pape « a avant tout été pensé pour les chrétiens de Terre sainte, ces communautés qui souffrent et qui se sentent un peu isolées ». Le souverain pontife le reconnaissait lui-même sur les ondes de Radio Vatican le mercredi 6 mai.
Si ces communautés sont isolées numériquement, avec 180 000 personnes sur 7 282 000 habitants, elles ne le sont pas symboliquement. Les chrétiens de Terre sainte sont en effet considérés par des experts extérieurs comme des éléments nécessaires au rétablissement de la paix en Israël-Palestine.Une présence symboliqueCette considération est partagée par des acteurs sur le terrain, au Proche-Orient même. « La simple présence des chrétiens en Terre sainte prouve que le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit religieux ‘juifs contre musulmans’. C’est déjà beaucoup », estime Bernard Sabella.
Ce sociologue chrétien, membre du Fatah et député au Conseil législatif palestinien, n’attend cependant pas des miracles d’une médiation chrétienne ou du dialogue interreligieux. Les responsables d’Églises manquent en effet à ses yeux de structures efficaces pour intervenir dans le débat politique.
Pourtant, les principaux chefs d’Églises chrétiennes et leurs homologues juifs et musulmans se sont dotés depuis 2006 d’un Conseil des Institutions religieuses de Terre sainte. Ils entendent, par cet organe, parler d’une seule voix lors d’incidents, répondre par voie de presse lorsque les religions sont faussement présentées ou encore entretenir le dialogue avec les leaders politiques.
L’évêque luthérien Munib Younan croit fortement à la portée des déclarations de ce Conseil qu’il a co-fondé: « Le sentiment religieux est fermement ancré dans les populations du Proche-Orient. Croyez-moi, si, en tant que chef d’Eglise, je dis à mes fidèles de faire la paix ou de faire la guerre, ils me suivront. C’est donc aux chefs religieux de donner l’exemple ! »Dépasser les obstacles internesAu regard de la complexité de la situation et des écueils à la paix, cette déclaration paraît rester un voeu pieu. Mais dans l'esprit de Munib Younan, donner l’exemple c’est entre autres se positionner clairement vis-à-vis des différentes tendances de sa propre religion.
En cause : le fanatisme religieux de certains colons israéliens, l’utilisation abusive du Coran par certains imams pour éradiquer «l’envahisseur», et l’interprétation littérale de la Bible par des chrétiens occidentaux qui voient dans le retour du peuple d’Israël un signe de l’apocalypse annonçant la seconde venue du Christ.
Ce dernier élément, qualifié d'« obstacle à la paix », est unanimement condamné par des représentants chrétiens du Proche-Orient. Dans une déclaration co-signée le 22 août 2006 par trois dirigeants d’Églises chrétiennes à Jérusalem, l’évêque Munib Younan rejette « catégoriquement les doctrines chrétiennes sionistes comme des enseignements faux qui corrompent le message biblique de paix, de justice et de réconciliation ». Il appelle « toutes les Églises qui restent silencieuses, à rompre leur silence et parler de réconciliation avec justice en Terre sainte. »
Au vu de la diminution constante du nombre de chrétiens en Terre sainte, tentés par l’émigration et largement dépassés par la courbe de natalité de leurs voisins, il semble indispensable que les Églises chrétiennes d’Occident relayent le message de leurs sœurs d’Orient pour que la voix chrétienne ait une portée en Israël-Palestine.
Le voyage du pape suscite donc à ce titre des attentes : « Nous souhaitons que le Pape soit porteur d’un message de paix qui dépasse les simples discours de circonstances et qu’il prenne position en faveur de la justice », confie Munib Younan. « Nous avons besoin d’un soutien actif et d’un véritable message d’unité pour croire encore à la paix. »